• 4 avr 2022
  • Canada
  • Communiqué de presse

Canada. Mettre en prison des personnes détenues par l’immigration porte atteinte à leurs droits

Nouvelles actions de la campagne #BienvenueauCanada au Québec, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse  
 

Le 4 avril, la campagne #BienvenueauCanada a remis une pétition de plus de 7000 signatures aux autorités de la province de Québec, lui demandant de mettre fin à son entente avec l’agence frontalière.   
 
(Montréal, 4 avril 2022) – La pratique du Canada d’incarcérer des personnes migrantes dans les prisons provinciales n’est pas conforme aux normes du droit international relatif aux droits humains, et leurs conditions de détention pourraient enfreindre les contrats de détention de personnes migrantes entre le gouvernement fédéral et les provinces, comme l’ont énoncé aujourd’hui Human Rights Watch et Amnistie internationale. En cette Journée des droits des réfugiés au Canada, les deux organisations ont publié aujourd’hui un avis juridique (legal memorandum sur demande) sur cette pratique.  
 
Les contrats fédéral/provinciaux – qui ne sont pas du domaine public mais ont pu être obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information, obligent les provinces à accorder un traitement juste et humain aux personnes migrantes détenues dans les prisons provinciales, et à ne pas les mêler à la population carcérale accusée au criminel, soutiennent Human Rights Watch et Amnistie internationale. Les conditions dans les prisons provinciales sont abusives, et ces institutions, punitives par nature, ne devraient pas héberger de personnes migrantes.  
 
« Le Canada devrait songer à abolir la détention liée à l’immigration, et mettre fin immédiatement à l’incarcération de personnes migrantes dans des prisons provinciales », ajoute Samer Muscati, directeur intérimaire pour les droits des personnes handicapées à Human Rights Watch. « Les provinces devraient abolir ces contrats de détention immédiatement, et mettre fin à leur complicité face aux abus qui ont lieu dans ces prisons ». 
 
Chaque année, le Canada emprisonne des centaines de personnes pour des raisons liées à l’immigration, dans des douzaines de prisons provinciales partout au pays, y compris dans des prisons à sécurité maximale. Ces personnes sont régulièrement menottées, enchaînées, enfermées dans des espaces restreints, avec des routines rigides, et sous surveillance constante. Ils sont la plupart du temps détenus dans les mêmes ailes et les mêmes cellules que des personnes détenues pour des motifs criminels. 
 
Les personnes migrantes et demandeuses d’asile qui souffrent de problèmes de santé mentale peuvent aussi être détenues dans les prisons provinciales, et même placées en isolement à cause de leur condition, ajoutent les deux organisations. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) justifie cette pratique discriminatoire et abusive en disant que ces personnes peuvent bénéficier de « soins spécialisés » dans les prisons provinciales et que les autorités peuvent les « gérer efficacement en fonction de leur condition » au sein de ces établissements.  

« Il n’y a pas de surveillance civile indépendante pour superviser l’exercice des énormes pouvoirs de l’ASCF, ce qui complique la reddition de comptes », constate France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Il est évident que de graves violations des droits de la personne ont lieu dans ce système de détention des personnes migrantes, ce qui justifie pourquoi les autorités provinciales devraient mettre fin à leur participation à ce régime répréhensible ». 
 
En octobre 2021, Human Rights Watch et Amnistie internationale ont lancé la campagne #BienvenueauCanada en Colombie-Britannique, qui demandait aux autorités de la province de mettre fin à leurs ententes avec le gouvernement fédéral, et de ne plus permettre à l’agence frontalière de transférer des personnes détenues pour des raisons d’immigration dans les prisons provinciales.  
 
Sur une note plus positive, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déclaré en janvier dernier qu’il réviserait cette entente d’ici juin prochain. Human Rights Watch et Amnistie internationale ont déposé un mémoire conjoint dans le cadre de cette révision, comme d’autres organisations locales et nationales et divers intervenants, de même que des personnes ayant une expérience concrète de détention pour immigration.    
 
Le 4 avril, la campagne #BienvenueauCanada a remis une pétition de plus de 7000 signatures aux autorités de la province de Québec, lui demandant de mettre fin à cette entente avec l’agence frontalière.   
 
La campagne s’étend maintenant à la Nouvelle-Écosse, où les personnes migrantes sont détenues par défaut dans les prisons provinciales puisque cette province n’a pas de centre de détention dédié aux personnes migrantes. Grâce aux demandes d’accès à l’information, Human Rights Watch et Amnistie internationale ont appris que le gouvernement fédéral paie à la Nouvelle-Écosse un des per diem les plus élevés du pays, à près de 400 $ par personne, par jour.   
 
« La première chose que j’ai vue du Canada, c’est la prison », dit un demandeur d’asile provenant d’Afghanistan, détenu dans une prison provinciale en Nouvelle-Écosse à son arrivée en 2017. « Je croyais que le Canada était mieux que cela… Nous sommes des humains comme vous, mais nous n’avons pas de pays ».  
 
L’agence frontalière a toute autorité pour déterminer où les personnes migrantes peuvent être détenues, sans aucune directive légale pour guider les décisions de l’agence quant au choix entre la prison ou un centre de détention pour personnes migrantes. Suite à la pandémie de coronavirus, l’agence a eu recours encore davantage aux prisons provinciales, en y reléguant 40 % des personnes détenues pour des raisons d’immigration au cours de l’année 2020-2021. Cela représente le double du pourcentage des années précédentes.  
 
Human Rights Watch et Amnistie internationale ont constaté toute l’étendue de l’autorité de l’agence frontalière, quand on la compare à d’autres agences des forces de l’ordre au Canada, comme le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada. L’agence a le pouvoir de signer des arrangements avec des États étrangers et des organisations internationales, ainsi que des ententes ou des arrangements avec des gouvernements provinciaux, des ministères ou des agences du gouvernement canadien, ou « toute personne ou organisation ». C’est aussi la seule agence des forces de l’ordre au Canada qui n’a pas de surveillance civile indépendante, malgré des cas documentés d’abus dans les centres de détention de l’immigration.  
 
En janvier 2022, une personne est décédée alors qu’elle était sous la garde de l’agence frontalière, au centre de détention de Laval. L’agence a refusé de faire tout commentaire quant à l’identité de cette personne, son lieu de détention, et les circonstances de sa mort. Depuis 2000, au moins 16 personnes sont mortes sous la garde de l’agence frontalière, et la plupart d’entre elles étaient détenues dans une prison provinciale à ce moment.  
 
 
Pour plus d’informations ou pour une entrevue, contacter : 
Pour Amnistie internationale Canada francophone, à Montréal, Camille Ducroquet (en français) : +1-514-766-9766 poste : 5236 (mobile); ou cducroquet@amnistie.ca. Twitter : @AmnistieCA 

 
En anglais : 

Pour Human Rights Watch, à Toronto, Samer Muscati (en anglais) : +1-437-886-2505 (mobile); ou muscats@hrw.org. Twitter : @SamerMuscati 
Pour Human Rights Watch, à Toronto, Hanna Gros (en anglais) : grosh@hrw.org  
Pour Amnistie internationale Canada, à Ottawa (en anglais) : media@amnesty.ca