Canada: la construction d’un gazoduc en territoire autochtone met en danger les défenseur·e·s des terres
Montréal, le 3 octobre 2022 - Les défenseur·e·s des terres des Wet’suwet’en du Canada risquent de subir de graves violations de leurs droits à la suite de l’annonce du lancement des travaux de construction du gazoduc Coastal GasLink, sous la Wedzin Kwa (la rivière Morice), a déclaré aujourd’hui Amnistie internationale.
« La décision de permettre la construction du gazoduc de Coastal Gaslink sur les terres des Wet’suwet’en sans le consentement libre, préalable et éclairé de leurs chefs héréditaires constitue une violation éhontée du droit de la communauté à l’auto-détermination et un recul lamentable dans la démarche du Canada vers la réconciliation avec les peuples autochtones », a déclaré France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, « Amnistie internationale demande aux gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique de faire cesser la construction du gazoduc sur les terres traditionnelles, non cédées, des peuples wet’suwet’en, jusqu’à ce que la communauté ait accordé sa pleine approbation au projet ».
Les chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en – les autorités traditionnelles de la nation selon le droit wet’suwet’en et selon l’arrêt Delgamuukw 1997 de la Cour suprême du Canada – n’ont jamais donné leur consentement au projet du gazoduc Coastal GasLink, même si certains gouvernements élus des Premières Nations ont signé des ententes avec la compagnie. La Wedzin Kwa (la rivière Morice) est l’une des dernières sources d’eau potable et l’une des dernières frayères à saumon du territoire, et les chefs héréditaires wet’suwet’en ont fait part de leurs inquiétudes sur le fait que le gazoduc endommagerait la rivière.
Des manifestant·e·s pacifiques et des défenseur·e·s des terres ont occupé le site de forage en septembre 2021. Le ministre de la Sécurité publique de la Colombie-Britannique a autorisé des forces de police militarisées à arrêter et à sortir de force du territoire les défenseur·e·s des terres afin de faire respecter une injonction obtenue par la compagnie. Les défenseur·e·s des terres wet’suwet’en et autres ont dû affronter trois assauts par une police lourdement armée, et 19 personnes font maintenant face à des accusations criminelles d’outrage, pour avoir défié une injonction de la cour autorisant la police à chasser les personnes occupant des sites de travail autorisés.
Les défenseur·e·s des terres wet’suwet’en affirment qu’ils sont harcelés, intimidés, évacués de force et criminalisés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et par les gardiens de sécurité privés de la compagnie pour avoir défendu pacifiquement les terres traditionnelles pour lesquelles ils possèdent les titres. En mai, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a fait parvenir une troisième lettre au Canada pour manifester son inquiétude devant l’escalade de l’usage de la force, de la surveillance et de la criminalisation des défenseur·e·s des terres et de manifestant·e·s pacifiques par la GRC, son Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie, et les sociétés privées de sécurité.
Selon Erika Guevara-Rosas, directrice régionale d’Amnistie internationale pour les Amériques, « Le gouvernement canadien doit retirer immédiatement les forces de police et de sécurité du territoire Wet’suwet’en et faire enquête sur toutes les allégations de harcèlement, d’intimidation, de menaces et d’évictions forcées des défenseur.e.s des terres et de toutes les personnes manifestant pacifiquement contre le gazoduc. D’autres arrestations risquent encore de faire subir de graves violations des droits humains aux défenseur·e·s des terres Wet’suwet’en ».
Le Chef Na'Moks a déclaré : « Ils ont commencé à forer illégalement, avec des permis illégaux du gouvernement de la Colombie-Britannique, mais les chefs héréditaires n’ont jamais soutenu ni donné leur consentement à ce projet. Nous continuerons à nous opposer à ce gazoduc par tous les moyens possibles puisque c’est notre droit traditionnel. Aucun élu ni aucune industrie ne peuvent casser ou ignorer nos décisions en tant que nation qui n’a jamais cédé ou renoncé à ses droits ni signé aucun traité ».