• 19 jan 2021
  • Thaïlande
  • Communiqué de presse

Peine record de 43 ans d’emprisonnement pour lèse-majesté

En réaction à la condamnation à une peine d’emprisonnement record d’Anchan P., reconnue coupable de lèse-majesté et d’avoir enfreint la Loi relative aux infractions dans le domaine de l’informatique, par un tribunal thaïlandais mardi 19 janvier, Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie et le Pacifique à Amnistie internationale, a déclaré :

« Ce cas choquant est une nouvelle atteinte grave à la liberté d’expression, qui disparaît progressivement en Thaïlande.

« Le nombre de personnes poursuivies et détenues en vertu de la loi relative au crime de lèse-majesté, qui ne cesse d’augmenter, prouve que les autorités thaïlandaises cherchent continuellement à faire taire la contestation. Cette peine extrêmement lourde est un parfait exemple et montre pourquoi cette loi est contraire au droit international relatif aux droits humains.

« La diffamation ne devrait jamais être passible d’une condamnation pénale, et encore moins d’une peine de prison extrêmement longue comme celle prononcée aujourd’hui.

« Anchan a déjà subi un traitement affligeant depuis son arrestation en 2015. Elle a notamment été détenue pendant plusieurs années dans l’attente de son procès, dont une partie du temps au secret.

« La façon dont elle a été condamnée est également glaçante. Les autorités ont de toute évidence cherché à maximiser sa peine en multipliant les chefs d’accusation, adressant un message clair de dissuasion aux 50 millions d’internautes qui vivent en Thaïlande.

« Il faut que les autorités thaïlandaises cessent de réprimer la contestation pacifique. Le gouvernement doit abroger ou réviser en profondeur les lois qui musèlent la liberté d’expression sur Internet et ailleurs, telles que la loi relative au crime de lèse-majesté et la Loi relative aux infractions dans le domaine informatique, invoquées dans le jugement rendu aujourd’hui. »

Complément d’information 

Anchan P., vendeuse de denrées alimentaires et ancienne fonctionnaire, était poursuivie pour 29 chefs d’inculpation d’« outrage à la monarchie », ou lèse-majesté, au titre de l’article 112 du Code pénal thaïlandais et de dispositions de la Loi relative aux infractions dans le domaine informatique. Elle a été arrêtée en janvier 2015 et maintenue en détention pendant presque quatre ans, avant d’être libérée sous caution en novembre 2018.

Pendant cette période, elle a d’abord été détenue au secret dans un camp militaire pendant cinq jours, puis transférée dans un centre de détention, et ses demandes de libération sous caution ont été rejetées à plusieurs reprises.

Le tribunal l’a déclarée coupable d’avoir partagé et téléchargé sur les réseaux sociaux des extraits d’une émission en ligne accusée de contenir des commentaires diffamatoires au sujet de la monarchie.

Anchan P. a plaidé coupable et a été condamnée à des peines consécutives de trois ans pour chacun des 29 chefs d’accusation de lèse-majesté, soit 87 années au total – la plus lourde peine jamais prononcée au titre de l’article 112 jusqu’à présent. Cette peine a été réduite de moitié, à 43 années et demie, en raison de sa reconnaissance de culpabilité. L’article 112 du Code pénal prévoit trois à 15 ans d’emprisonnement en cas d’infraction.

Dans le contexte des manifestations pacifiques qui se sont multipliées en 2020, les autorités thaïlandaises ont recommencé à utiliser les poursuites pour lèse-majesté en novembre dernier, alors qu’elles ne l’avaient pas fait depuis mars 2018. 

Plus de 220 personnes, dont des mineur·e·s, ont fait l’objet de poursuites pénales pour leur participation présumée à des manifestations pacifiques en 2020.  Parmi elles, plusieurs dizaines ont été inculpées de sédition et de lèse-majesté.

La Thaïlande est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont l’article 19 garantit le droit à la liberté d’expression. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe de surveillance chargé d’interpréter le PIDCP, a précisé que l’emprisonnement ne constituait jamais une peine appropriée pour les infractions relevant de la diffamation, y compris de la lèse-majesté.