République tchèque | Victoire de haute lutte pour les victimes de stérilisation illégale
Le Senat tchèque a enfin voté un projet de loi visant à indemniser les milliers de femmes roms qui ont été illégalement stérilisées par les autorités tchécoslovaques, puis tchèques, entre 1966 et 2012, à la suite d’une longue campagne menée par des victimes pour obtenir justice. Barbora Černušáková, chercheuse sur la République tchèque à Amnistie internationale, a déclaré :
« Des milliers de femmes, dont la majorité étaient des Roms, ont été stérilisées en ex-Tchécoslovaquie. Ces femmes ont été contraintes de signer des formulaires de consentement, souvent alors qu’elles étaient en train d’accoucher ou se remettaient de césariennes. Dans de nombreux cas, on ne leur a pas expliqué ce à quoi elles s’engageaient. Il s’agit d’une violation flagrante de leurs droits, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres mauvais traitements, et d’un chapitre honteux de l’histoire de ce pays.
« Le vote du 22 juillet ouvre enfin la voie à la justice pour les victimes de stérilisations illégales. Pendant des décennies, ces femmes courageuses ont dû vivre avec le traumatisme que leur ont infligé les autorités, mais elles n’ont jamais renoncé à se battre pour leurs droits. »
Elena Gorolová, victime de stérilisation illégale qui fait campagne pour obtenir justice depuis des années, a déclaré :
« Le projet de loi sur l’indemnisation signifie beaucoup pour moi, après toutes ces années de lutte. Bien que le gouvernement nous ait présenté ses excuses en 2009, cela n’était pas suffisant. Ce qui m’a aidé à tenir, ce sont toutes les autres femmes qui ont subi des stérilisations et ont dû vivre avec.
« Aucune somme d’argent ne nous ramènera la possibilité d’avoir d’autres enfants, mais l’indemnisation est une facette importante de la justice. Tant de choses sont arrivées durant toutes ces années. Nous avons vieilli et certaines d’entre nous sont mortes, mais je continuais de me dire : on ne peut pas simplement laisser passer.
« Le combat n’est pas terminé. Notre groupe de bénévoles va maintenant aider les victimes à préparer les éléments de preuve et à déposer leurs demandes d’indemnisation. Ce ne sera pas facile, mais ces femmes le méritent. »
Les stérilisations illégales se sont déroulées dans un contexte de discrimination généralisée à l’encontre de la population rom, qui a eu des répercussions sur tous les aspects de la vie quotidienne et continue d’en avoir : depuis l’école, jusqu’à l’emploi en passant par le logement, ils subissent régulièrement la ségrégation raciale et sont marginalisés.
Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture a énoncé clairement que les stérilisations constituent un traitement de nature intrusive et irréversible. En l’absence d’objectif thérapeutique et réalisées sans le consentement libre et éclairé de la personne, elles constituent un acte de torture ou un mauvais traitement, prohibé par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Complément d’information
Après des années de campagne menée par des victimes de stérilisations illégales, dont Elena Gorolová, le gouvernement tchèque leur a présenté ses excuses en 2009. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, ces femmes ont été privées de leur droit à réparation pour les graves préjudices subis. En outre, toute forme de recours judiciaire demeure inaccessible à la plupart des victimes du fait du délai de prescription.
D’après le médiateur tchèque, des milliers de femmes roms ont été stérilisées dans l’ex-Tchécoslovaquie. Le projet de loi sur l’indemnisation adopté par le Sénat s’applique à toute personne stérilisée illégalement entre 1966 et 2012.
Les victimes de stérilisations illégales seront éligibles à une indemnisation de 300 000 couronnes tchèques (11 700 euros environ), qu’elles pourront percevoir en déposant une demande auprès du ministère de la Santé, dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de la loi.
La nouvelle loi définit la procédure permettant aux femmes soumises à cette stérilisation de demander une indemnisation, ce qui englobe la nécessité de fournir des éléments de preuve étayant leur requête et une description de ce qui s’est passé, comportant notamment le nom de l’hôpital où la stérilisation illégale a eu lieu.
Comme l’a expliqué le Centre européen pour les droits des Roms (CEDR), la procédure de stérilisation était souvent réalisée en même temps que des césariennes, ou alors on présentait aux femmes des formulaires de consentement alors qu’elles souffraient ou étaient désorientées pendant le travail ou l’accouchement. Cependant, dans d’autres cas, les femmes roms ont subi cette opération parce que les autorités avaient menacé de placer leurs enfants en institution ou de leur retirer les prestations sociales.