Déclaration | République tchèque | Préoccupations relatives à un cas présumé d’homicide illégal commis par la police
Un homme rom ayant perdu la vie à la suite d’une intervention de la police à son encontre, Amnistie internationale demande aux autorités tchèques de mener sans délai une enquête impartiale et exhaustive sur les agissements de la police. Amnistie internationale estime que la technique de contrôle au cou utilisée par la police pendant l’arrestation a été irréfléchie, inutile et disproportionnée, et donc illégale. Amnistie internationale demande en outre aux autorités tchèques d’interdire l’utilisation de cette technique en tant que moyen de contrôle, car elle restreint fortement la respiration.
D’après ce que montre l’enregistrement vidéo de l’arrestation, publié par le serveur d'information Romea.cz, trois policiers ont recouru à la force contre un homme rom dans la ville tchèque de Teplice le 19 juin 2021.[1] Dans la vidéo, on voit cet homme allongé sur le sol qui est maîtrisé par des policiers. L’un des policiers a un genou appuyé sur le cou de l’homme durant toute l’intervention, qui a duré au moins cinq minutes d’après l’enregistrement vidéo. Le policier maintient la pression de son genou sur le cou après que l’homme a été menotté et alors qu’il ne montre aucun signe de résistance.
Amnistie internationale considère que les agissements de la police, tels que les montre la vidéo, sont abusifs et illégaux. La technique de la pression sur le cou restreint la respiration et présente un danger notable pour la vie humaine, et elle est d’autant plus dangereuse quand elle est utilisée de façon prolongée.
Aux termes du droit et des normes internationaux relatifs aux droits humains, notamment de la Convention européenne des droits de l’homme, le recours à la force par la police doit être légal, nécessaire et proportionné. La République tchèque est tenue de respecter ces principes.
La Loi n° 171/1993 Coll. relative aux forces de police établit les devoirs des agents dans l’exercice de leurs fonctions. Elle leur interdit notamment de porter atteinte aux droits d’autrui plus que ce qui est strictement nécessaire pour atteindre leur objectif légitime. Le recours à la force n’est autorisé que s’il est nécessaire et proportionné. La loi oblige la police à veiller à ne causer aucun préjudice qui soit « disproportionné au regard des dangers qu’occasionne le comportement [que la police] tente de prévenir. »[2]
En se basant sur la vidéo montrant l’intervention de la police contre cet homme à Teplice, Amnistie internationale estime que les conditions de nécessité et de proportionnalité n’ont pas été respectées. En particulier, le niveau de résistance de l’homme, comme le montre la vidéo, ne nécessitait pas le recours à une technique aussi intrinsèquement dangereuse, et encore moins après qu’il eut été contrôlé et pour une aussi longue durée.
Amnistie internationale est également préoccupée par la déclaration du ministre de l’Intérieur, qui a déclaré le 21 juin 2021 sur les réseaux sociaux apporter « tout son soutien » aux policiers qui sont intervenus contre cet homme à Teplice.[3] Il a également déclaré que les individus « qui violent la loi en étant sous l’influence de substances addictives doivent savoir que la police interviendra contre eux ».[4] Cela ne peut être compris que comme une carte blanche donnée aux forces de l’ordre leur permettant de recourir à une force inutile ou excessive en cas d’intervention visant toute personne se trouvant sous l’influence de stupéfiants, ce qui leur procure le dangereux sentiment de bénéficier de l’impunité et d’être au-dessus des lois.
D’après un communiqué de la police publié le 21 juin 2021, l’autopsie préliminaire a conclu que les stupéfiants étaient la cause possible de la mort de cet homme à Teplice. La déclaration de la police fait référence au résultat de l’autopsie indiquant que le système cardiovasculaire de cet homme présentait des altérations pathologiques.[5] À cet égard, Amnistie internationale rappelle qu’en ce qui concerne la recherche des causes de la mort d’une personne, il n’est pas nécessaire d’établir qu’une arme ou une technique en constitue la seule cause. Il suffit d’établir qu’il s’agit d’un facteur ayant contribué à la mort et sans lequel elle n’aurait pas eu lieu.[6]
Dans cette affaire, compte tenu du fait que la technique de restriction de la respiration a été appliquée pendant une longue période, et de la gravité de la souffrance et du stress que cela a dû infliger à la victime, il est fortement probable que le recours à une force excessive a contribué à la dégradation de tout éventuel problème préexistant dû à une maladie ou à l’usage de stupéfiants ; la mort peut en conséquence être attribuée aux agissements des policiers.
Amnistie internationale rappelle au ministre de l’Intérieur, à la police et aux autres autorités participant au maintien de l’ordre en République tchèque, qu’au titre de leurs obligations internationales en matière de droits humains, ils doivent mener dans les meilleurs délais une enquête indépendante, exhaustive et efficace sur la mort de cet homme à Teplice. La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé dans un de ses arrêts que « lorsqu'elles enquêtent sur des incidents violents, les autorités de l'État ont de surcroît l'obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour découvrir s'il existait une motivation raciste et pour établir si des sentiments de haine ou des préjugés fondés sur l'origine ethnique ont joué un rôle dans les événements ».[7]
Notes en bas de page
[2] Art. 53.3-5, Loi n° 273/2008 Coll.
[3] https://twitter.com/jhamacek/status/1407080987243298822
[4] https://twitter.com/jhamacek/status/1407080987243298822
[5] Police tchèque, 21 juin 2021, « TEPLICE - Policisté museli proti agresivnímu muži použít donucovací prostředky »
[6] Amnistie internationale Pays-Bas, 2019, Projectile Electric-shock weapons, p. 10
[7] Voir : Affaire Lingurar c. Roumanie (requête no 48474/14), 16 avril 2019, § 78 ; Affaire Natchova et autres c. Bulgarie, (Requêtes nos 43577/98 et 43579/98)