Il faut abandonner les poursuites en diffamation visant un défenseur des droits humains
Amnistie internationale appelle les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) à abandonner les poursuites en diffamation engagées à l’encontre de Donat Kambola, éminent défenseur des droits humains et militant. Les charges retenues contre cet homme ont trait à la publication d’une déclaration critique à l’égard des autorités et à une plainte pénale pour corruption déposée auprès du procureur général au nom d’une coalition d’organisations non gouvernementales (ONG).
Il faut que les autorités congolaises garantissent la protection des personnes qui exercent leur droit à la liberté d’expression, tout en créant un environnement porteur dans lequel les militant·e·s et les journalistes puissent continuer à mener leurs activités en faveur des droits humains sans craindre d’être victimes de représailles ou harcelés.
Le 25 mars 2021, le maire de Kolwezi a déposé une plainte pour diffamation contre Donat Kambola, coordonnateur de l’Initiative Bonne gouvernance et droits humains (IBGDH), en vertu de l’article 74 du Code pénal de la RDC, qui prévoit une peine maximale d’un an d’emprisonnement et/ou une amende pour ce type d’infraction. Donat Kambola, avocat installé à Kolwezi, travaille depuis de nombreuses années dans le cadre de son organisation, l’IBGDH, sur les questions liées à l’industrie extractive, en particulier en représentant des populations déplacées par les activités minières ou qui risquent de perdre leurs terres. Kolwezi se trouve dans le sud de la RDC, dans une zone appelée la Copperbelt (« ceinture du cuivre ») ; il s’agit d’un pôle important de la production de cuivre et de cobalt. La RDC fournit 60 à 70 % du cobalt produit dans le monde. Ce métal est un composant essentiel des batteries rechargeables à base de lithium-ion qui équipent les appareils électroniques portables et de plus en plus de véhicules électriques.
L’IBGDH est l’une des 15 organisations qui composent la Synergie des organisations de la société civile du Lualaba œuvrant dans le secteur des ressources naturelles (SOLORN), dont Donat Kambola est le coordonnateur.
Le 15 février 2021, la SOLORN avait adressé une lettre conjointe aux autorités provinciales du Lualaba pour les alerter au sujet du mauvais état des routes dans certaines parties de Kolwezi, des répercussions de ce problème sur la population locale et des difficultés liées aux travaux d’infrastructure en cours, notamment la construction de routes et la mise en place d’un éclairage public dans les rues. Elle demandait également l’ouverture d’une enquête sur les conflits d’intérêt et les irrégularités qui auraient entaché la vente de terrains publics. Par ailleurs, elle a déposé une plainte pénale auprès du procureur général au sujet d’un conflit d’intérêt dans la fonction publique et d’un détournement de biens publics.
Les organisations congolaises de la société civile se sont mobilisées pour réclamer l’abandon des charges concernant Donat Kambola.
La plainte déposée contre Donat Kambola s’inscrit dans le droit fil d’une tendance inquiétante, à savoir que des personnes au pouvoir se servent de la législation pénale relative à la diffamation pour réduire au silence des journalistes et des voix critiques.
En vertu du droit international, la RDC doit respecter et protéger le droit à la liberté d’expression, même si cette expression risque de choquer, d’offenser ou de perturber. Le fait d’engager des poursuites pénales pour diffamation peut avoir un effet paralysant susceptible de restreindre excessivement la liberté d’expression de la personne poursuivie, entre autres ; cela constitue une violation du droit d’exercer sa liberté d’expression.
Amnistie internationale s’oppose aux lois qui interdisent les insultes ou le manque de respect à l’égard des chefs de l’État ou de personnalités publiques, de l’armée ou d’autres institutions, de drapeaux ou d’autres symboles (telles les lois sur la lèse-majesté et l’outrage), étant donné que les représentant·e·s de l’État sont censés tolérer davantage la critique que la population générale.
L’organisation exhorte les autorités congolaises à modifier toute loi qui rend passible de sanctions pénales la diffamation de personnalités publiques ou de particuliers, car elle estime que la diffamation doit être traitée uniquement au civil. En outre, les représentant·e·s de l’État ne devraient recevoir aucune aide ou assistance de l’État quand ils engagent des poursuites au civil pour diffamation. Il faut que le Parlement congolais dépénalise la diffamation, conformément aux recommandations formulées par les organes des Nations unies chargés de la protection des droits humains.