Nicaragua. La réélection annoncée de Daniel Ortega fait craindre un nouveau cycle néfaste pour les droits humains
La perspective d’un quatrième mandat présidentiel pour Daniel Ortega au Nicaragua est terrifiante, les violations des droits humains n’ayant cessé d’augmenter depuis qu’il est arrivé au pouvoir, a déclaré Amnistie internationale lundi 8 novembre.
« Encore une fois, les citoyens et citoyennes nicaraguayens se trouvent face à une situation où exprimer une critique à l’égard du gouvernement les expose à de grands dangers. Ces dernières années, nous avons assisté à l’instauration d’un climat de terreur dans le pays, où la répression meurtrière, les arrestations illégales, les mauvais traitements, le harcèlement et la criminalisation de journalistes et de défenseur·e·s des droits humains sont devenus monnaie courante. Ces violations sont par ailleurs cautionnées par un système judiciaire et une Assemblée nationale manquant d’indépendance, qui n’existent que pour valider le programme répressif de Daniel Ortega », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour la région des Amériques à Amnistie internationale.
Lundi 8 novembre, le Conseil électoral suprême du Nicaragua a annoncé les résultats provisoires du scrutin, qui donnent Daniel Ortega vainqueur. Son nouveau mandat commencera en janvier 2022. La campagne électorale a été marquée par l’arrestation arbitraire de militant·e·s et de journalistes, entre autres actes de harcèlement, de coercition et de violence politique. Par ailleurs, la liberté de la presse est dans la ligne de mire du gouvernement, et les médias ont dénoncé des restrictions et des obstacles les empêchant d’effectuer leur travail.
Divers mouvements et organisations de la société civile nicaraguayenne ont demandé à la population de participer à une grève nationale en relation avec les élections et appelé à mener des manifestations dans d’autres pays. Les médias ont signalé la faible affluence dans les bureaux de vote, et des ressortissant·e·s nicaraguayens se sont mobilisés dans diverses villes du monde afin de dénoncer la grave crise des droits humains et l’impossibilité d’exercer les droits politiques au Nicaragua.
Urnas Abiertas, un observatoire électoral citoyen, a enregistré plus de 200 faits de violence politique et d’actes coercitifs en relation avec les élections le jour du scrutin, notamment la présence de milices à proximité des lieux de vote, ainsi que des actes d’intimidation et de coercition contre des fonctionnaires, visant à les forcer à voter. La Commission interaméricaine des droits de l'homme a pour sa part déclaré avoir reçu des informations sur de possibles violations des droits humains.
« Le nouveau mandat de Daniel Ortega et Rosario Murillo, en tant que président et vice-présidente, annonce le maintien des structures ayant mis en œuvre une stratégie répressive contre les voix critiques et ayant garanti l’impunité des crimes de droit international. Cela fait en outre craindre que ne continue la migration forcée des personnes visées par des poursuites judiciaires pour s’être exprimées haut et fort », a déclaré Erika Guevara Rosas.
« La communauté internationale doit faire plus que témoigner son soutien aux courageux citoyens et citoyennes nicaraguayens qui continuent à lutter pour leurs droits fondamentaux. Lors de la session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains, qui se tiendra cette semaine, les États membres devront assumer sans délai la responsabilité collective de la protection des droits de la population du Nicaragua et exercer des pressions sur le gouvernement Ortega, à titre de première étape face au contexte post-électoral. Les forums multilatéraux doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de mettre fin aux structures répressives et à l’impunité au Nicaragua. »
Depuis 2018, Amnistie internationale a recensé des violations des droits humains, notamment une répression violente, et dans certains cas meurtrière, contre les manifestant·e·s, ainsi que le harcèlement et la criminalisation de militant·e·s en faveur du progrès social, de défenseur·e·s des droits humains, d’avocat·e·s et de journalistes. L’Assemblée nationale, contrôlée par le gouvernement, a par ailleurs approuvé une série de lois ayant un fort impact sur l’espace civique et compromettant les droits humains.
Depuis la fin du mois de mai, 39 personnes identifiées comme des opposant·e·s au gouvernement, notamment sept candidat·e·s à la présidentielle, ont été victimes d’arrestations injustes. Certaines de ces personnes ont été soumises à une disparition forcée pendant quelque temps et placées en détention au secret pendant plusieurs mois, avant qu’on ne leur permettre de contacter un avocat ou leur famille.