Grèce. Un procès emblématique en relation avec des opérations de recherche et de sauvetage va s’ouvrir
Le procès de deux bénévoles ayant participé à des opérations de recherche et de sauvetage, qui risquent 25 ans de réclusion pour avoir aidé des réfugié·e·s, s’ouvrira finalement le 18 novembre à Lesbos, en Grèce.
Sarah Mardini, réfugiée syrienne âgée de 25 ans, et Seán Binder, citoyen allemand âgé de 27 ans, sont visés par une série d’accusations injustes et infondées remontant à une période durant laquelle ils repéraient et secouraient bénévolement des bateaux en difficulté près de Lesbos.
Sarah est arrivée à Lesbos en 2015 en tant que réfugiée. Lorsque le moteur du bateau sur lequel elle se trouvait est tombé en panne, Sarah et sa sœur ont sauvé 18 autres passagers en tirant l’embarcation, qui était en train de couler, jusqu’à un lieu sûr. Elle est plus tard retournée en Grèce et a fait du bénévolat au sein d’une organisation grecque de recherche et de sauvetage, où elle a rencontré Seán, qui a une formation de plongeur. Sarah et Seán ont été arrêtés en 2018 sur la base de nombreuses charges - trafic illicite, espionnage, utilisation illégale de fréquences radio et fraude. Ils ont passé plus de 100 jours en prison avant d’être libérés sous caution en décembre 2018.
« Sarah et Seán ont effectué un travail humanitaire vital, en repérant des bateaux en détresse au large des côtes grecques et en fournissant aux passagers des couvertures, de l’eau et un accueil chaleureux. Les accusations portées contre eux sont ridicules et n’auraient jamais dû déboucher sur un procès », a déclaré Nils Muižnieks, directeur du bureau régional pour l’Europe à Amnistie internationale.
« Cette affaire emblématique montre jusqu’où les autorités grecques sont prêtes à aller pour dissuader des citoyens et citoyennes d’aider les personnes réfugiées et migrantes. Faire cesser les opérations de sauvetage n’empêche pas les gens d’entreprendre des voyages périlleux, cela rend simplement ces périples plus dangereux. »
Le 18 novembre, Sarah et Seán seront jugés pour des délits passibles de huit ans de prison. Ils risquent aussi d’être inculpés d’actes criminels, notamment d’« aide à l’entrée irrégulière d’étrangers dans le pays », de « fraude », d’« appartenance à une organisation criminelle » et de « blanchiment d’argent », pour lesquels ils encourraient jusqu’à 25 ans de réclusion.
Selon l’avis juridique du cabinet d’avocats Leigh Day, spécialisé dans les droits humains, plusieurs graves atteintes au droit international relatif aux droits humains ont été relevées dans le cas de Seán Binder. Il s’est adressé au cabinet Leigh Day pour leur demander de rendre un avis juridique sur la légalité, au regard du droit international, de son arrestation, de son placement en détention provisoire et de son procès pour des infractions qu’il aurait commises alors qu’il effectuait un travail bénévole dans le cadre de missions de recherche et de sauvetage pour ERCI.
Tessa Gregory, associée dans le cabinet d’avocats Leigh Day, a déclaré : « Sur la base des éléments que nous avons examinés, nous estimons que les autorités grecques ont perpétré des violations graves des droits fondamentaux de Seán Binder, que cela concerne sa détention, les charges retenues contre lui ou les retards enregistrés dans sa procédure. Le cas de Seán est important parce qu’il illustre ce qui semble être une tendance perturbante à la criminalisation des défenseur·e·s des droits humains qui travaillent pour des ONG reconnues essayant d’aider les réfugié·e·s. Nous demandons aux autorités grecques de réexaminer immédiatement le cas de Seán, afin de prévenir toute nouvelle atteinte à ses droits humains. Il convient de reconsidérer en urgence si son procès pénal doit réellement avoir lieu. »
« Le droit exige que nous aidions les personnes se trouvant en difficulté en mer. Ce que nous avons fait n’avait rien d’héroïque, c’était normal, et n’importe qui d’autre aurait fait la même chose. Les véritables victimes des politiques européennes de migration sont les réfugié·e·s et migrant·e·s forcés de risquer leur vie pour atteindre la "Forteresse Europe" », a déclaré Seán Binder.
Des centaines de personnes comme Sarah et Seán sont poursuivies en justice à travers l’Europe pour avoir effectué un travail humanitaire visant à aider des personnes en mouvement. Dans un rapport datant de 2020, Amnistie internationale a décrit les nombreuses manières dont les gouvernements européens ont déployé des mesures restrictives, répressives et punitives contre des personnes défendant les droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s. Ils le font en utilisant certaines lois et politiques à mauvais escient, notamment les règles relevant du « train de mesures relatives aux passeurs » de l’Union européenne, qui sont ambiguës sur le plan juridique et contradictoires. Des dizaines de procédures judiciaires ont été ouvertes contre des ONG, notamment Médecins sans frontières, et des personnes en Italie, en Grèce, en France et en Suisse.
« Les vies de Seán et Sarah sont en suspens, et leur futur est compromis simplement parce qu’ils ont témoigné de la solidarité et de la compassion à des personnes dans le besoin. Sarah et Seán ne doivent pas payer le prix de la cruauté de la Grèce aux frontières européennes », a déclaré Nils Muižnieks.