• 29 nov 2021
  • Canada
  • Article d'opinion

Le Canada doit suspendre les activités du gazoduc Coastal Gas Link, du projet d’extension du pipeline Trans Mountain et du barrage du site C

Monsieur le Premier ministre Trudeau,

Nous sommes extrêmement préoccupées par le fait que votre gouvernement ne se soit pas conformé à la décision prise en 2019 par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CEDR), qui demandait au Canada de suspendre immédiatement les travaux relatifs au gazoduc Coastal Gas Link, au projet d’extension du pipeline Trans Mountain et au barrage du site C jusqu’à l’obtention du « consentement préalable, libre et éclairé » des peuples autochtones.

Le CEDR s’est alarmé des « déplacements forcés, de l’usage disproportionné de la force, du harcèlement et de l’intimidation par les forces de l’ordre à l’encontre des peuples autochtones qui s’opposent pacifiquement aux projets de développement à grande échelle » sur leurs territoires traditionnels sans leur consentement.

La Convention sur l’élimination de la discrimination raciale est une convention internationale contraignante, ratifiée par le Canada en 1970. Le Comité (CEDR) est chargé de surveiller la mise en oeuvre de la Convention par les pays.

Le Canada a l'obligation légale de se conformer à la Convention et de respecter les droits des peuples autochtones à l’égard de leurs terres. Jusqu’à présent, cependant, votre gouvernement a fait le contraire. Il a rejeté les conclusions du CEDR, ignoré les obligations légales des divers gouvernements canadiens en vertu de la Convention, et traité les graves violations des droits humains avec un manque de considération et de transparence consternant.

Très récemment, le CEDR a critiqué le Canada pour sa réponse inadéquate à ce jour, affirmant que la lettre envoyée par le gouvernement le 7 juillet 2020 – qui n’a pas été rendue publique – « n’a fourni aucune information sur les mesures prises pour répondre aux préoccupations soulevées par le Comité dans sa décision du 13 décembre 2019. » Le CEDR a demandé au gouvernement canadien de fournir une réponse appropriée à ses préoccupations d’ici le 15 novembre 2021 dans le cadre du rapport périodique du Canada prévu à cette date.

Le gouvernement du Canada a ignoré la date du 15 novembre 2021 et n’a pas répondu au CEDR. Il a préféré augmenter le recours à la force contre les peuples autochtones qui s’opposent à ces projets d’exploitation de combustibles fossiles en Colombie-Britannique, alors même que les catastrophes liées aux changements climatiques font des ravages et détruisent les communautés environnantes.

En Colombie-Britannique, cette semaine, les changements climatiques ont causé des inondations et des glissements de terrain catastrophiques qui ont tué au moins quatre personnes, en ont déplacé des milliers, ont détruit des maisons et des fermes, ont détruit des infrastructures de transport et agricoles essentielles, et noyé des milliers d’animaux.

Ces inondations surviennent trois mois seulement après qu’un « dôme de chaleur » dévastateur ait entraîné des centaines de morts et provoqué des incendies de forêt destructeurs. Bien que la province soit actuellement en état d’urgence pour des motifs climatiques, l’invasion des territoires Wet'suwet'en et Gitxsan par la Gendarmerie royale du Canada et l’arrestation de personnes protégeant les terres autochtones, de guides autochtones, de spécialistes du droit et de journalistes ont été jugées prioritaires.

Au lieu de traiter ses obligations en vertu de la Convention comme les obligations légales sérieuses et contraignantes qu’elles sont, et de répondre aux demandes d’information du CEDR avant le 15 novembre 2021, le gouvernement du Canada a informé les journalistes que Patrimoine canadien fournira un rapport au CEDR en 2022. Cette inaction est contraire aux obligations contractées en vertu de la Convention, et illustre le mépris et le rejet du régime des droits humains auquel le Canada s’est engagé.

Nous savons parfaitement que Patrimoine canadien coordonne les rapports réguliers que le Canada présente aux organes de traités des Nations Unies. Il est toutefois évident que Patrimoine canadien n’est pas le ministère où sont prises les décisions concernant la poursuite des travaux sur le site C, le projet d’extension du pipeline Trans Mountain et le pipeline Coastal Gas Link. Patrimoine canadien ne prend pas non plus les décisions concernant le déploiement de la Gendarmerie royale du Canada, lourdement armée, pour surveiller, interpeller et arrêter les défenseurs des droits humains autochtones. Dans ces circonstances, le fait de renvoyer au ministère du Patrimoine canadien les demandes de renseignements du public et des médias sur les actions paramilitaires menées contre les défenseurs autochtones des terres est une attitude condescendante et rend évident le refus du Canada de prendre au sérieux les procédures du CEDR et d’exécuter le traité de bonne foi (pacta sunt servanda) comme l’exige l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

Pendant deux ans, le gouvernement canadien a ignoré la décision du CEDR de 2019. Au lieu de respecter les droits humains et de prendre des mesures énergiques pour lutter contre les changements climatiques, le gouvernement canadien a intensifié le recours à la force contre les défenseurs des terres autochtones qui, en plus de leurs droits autochtones, défendent la santé de la planète pour nous toutes et tous. Depuis 2019, date à laquelle le CEDR a publié sa déclaration, la situation des défenseurs des terres autochtones en Colombie-Britannique s’est détériorée.

Nous demandons donc au gouvernement du Canada de :

  • Se conformer à la décision du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale et suspendre immédiatement les travaux relatifs au gazoduc Coastal Gas Link, au projet d’extension du gazoduc Trans Mountain et au barrage du site C jusqu’à l’obtention du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones;
  • Mettre fin aux expulsions forcées des peuples qui occupent leurs territoires traditionnels pour s’opposer à la construction de pipelines sur leurs terres sans leur consentement;
  • Retirer la Gendarmerie royale du Canada et les services de sécurité et de police connexes des terres Secwe̓pemc et Wet'suwet'en;
  • Respecter les obligations internationales en matière de droits humains et garantir les droits humains internationalement reconnus des défenseurs des terres Secwe̓pemc et Wet'suwet'en et de leurs supporters;
  • Permettre aux aliments et aux médicaments essentiels d’atteindre les communautés;
  • Rendre publique la lettre adressée par le gouvernement au CEDR en juillet 2020, ainsi que toute correspondance future concernant la conformité du Canada à la déclaration du CEDR.

Dans un État fédéral comme le Canada, la mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits de la personne relève à la fois des paliers de gouvernement fédéral et provincial. Mais c’est au gouvernement fédéral qu’il incombe de mobiliser, d’encourager et d’exhorter les gouvernements provinciaux, en l’occurrence la Colombie-Britannique, à se conformer aux obligations internationales auxquelles votre gouvernement a engagé tous les acteurs étatiques canadiens. S’il ne le fait pas, votre gouvernement enfreint ses obligations en matière de droits de la personne.

Nous attendons votre réponse.

Aboriginal Women’s Action Network
Amnesty International Canada (English Branch)
Amnistie internationale Canada francophone
Canadian Association of Physicians for the Environment
Canadian Centre for Policy Alternatives, BC
Canadian Voice of Women for Peace
Canadian Feminist Alliance for International Action (FAFIA)
Ecojustice Canada
Environmental Defence
Friends of the Earth Canada
Greenpeace Canada
Justice for Girls
Just Planet
La Ligue des droits et libertés du Québec
National Association of Women and the Law
Sierra Club of BC
Social Rights Advocacy Centre
Tiny House Warriors
Tsleil-Waututh Nation Sacred Trust Initiative
Union of B.C. Indian Chiefs
Urban Native Youth Association
West Coast Environmental Law