• 11 déc 2020
  • Niger
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Le prochain président devra agir sans délai pour renverser la tendance en matière de droits humains

Le prochain président du Niger doit s’engager à renverser la situation en matière de droits humains, qui s’est nettement détériorée ces cinq dernières années, a déclaré Amnistie internationale dans un manifeste publié aujourd’hui.

L’organisation appelle le prochain chef de l’Etat à renforcer la liberté d’expression et de réunion pacifique, garantir le droit à la vie privée, protéger les droits des migrants et des réfugiés, et mettre un terme à l’impunité concernant les graves violations des droits humains.

Intitulé « Niger : Sept priorités en matière de droits humains pour le futur président », et destiné aux candidats à l’élection présidentielle du 27 décembre prochain, le document détaille entre autres, l’utilisation abusive de la loi sur la cybercriminalité pour réprimer des journalistes et acteurs de la société civile, les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, et l’impunité pour les crimes commis durant les opérations militaires.

« L’année 2021 doit marquer la fin d’une période entachée par les restrictions des libertés publiques, des discriminations et l'impunité.  Le prochain président doit placer la protection des droits humains au centre de ses priorités et ainsi se conformer aux obligations nationales et internationales du Niger en la matière », a déclaré Ousmane Diallo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnistie internationale.

Dans le contexte de la pandémie du COVID-19 et des allégations de détournement de fonds au ministère de la défense, plusieurs personnes ont été arrêtées et poursuivies pour avoir participé à des manifestations ou dénoncé la gestion de ces deux dossiers par les autorités.

Une loi votée le 3 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité a aussi été utilisée cette année pour réduire au silence des journalistes et des membres de la société civile.  Amnistie internationale appelle le prochain président à amender la loi sur la cybercriminalité de sorte à la rendre conforme aux dispositions internationales et à mettre fin à toutes les arrestations arbitraires et restrictions abusives des libertés d’expression et de réunion pacifique. 

Une autre loi votée en mai dernier, porte atteinte au droit à la vie privée, selon l’analyse faite par Amnistie internationale. Celle-ci donne la possibilité à l’exécutif, pour des raisons de sécurité nationale, d’intercepter certaines communications émises par voie électronique. Un tel pouvoir d’interception devrait être soumis à l’examen d’une autorité judiciaire ou indépendante.

Le manifeste appelle également le futur président à enquêter sur les allégations de violations des droits humains dans le cadre des opérations militaires menées contre les groupes armés, notamment dans les régions de Diffa (Est), Tahoua (Centre) et Tillabéry (Ouest).

En mars et avril derniers, 102 personnes ont été arrêtées par l’armée dans le cadre de patrouilles dans le département d’Ayorou. Selon l’enquête de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) du Niger, 72 parmi ces 102 personnes ont été retrouvées dans six fosses communes. Trente parmi les personnes arrêtées demeurent portées disparues à ce jour.

« Les forces armées nigériennes doivent protéger les populations et être poursuivies si elles commettent des exactions », a déclaré Ousmane Diallo.

« Afin de prévenir la répétition de ces graves violations, le prochain président doit garantir l’établissement de la vérité sur les incidents d’Ayorou en permettant à la justice de mener une enquête impartiale, crédible et indépendante sur les incidents allégués, et poursuivre les responsables.»

Le manifeste note aussi que les conditions de vie des réfugiés et migrants sont difficiles. En décembre 2019, des réfugiés, migrants et demandeurs d’asile ont manifesté pour dénoncer leurs conditions de vie dans les camps à Agadez. 336 d’entre eux ont été arrêtés en janvier dernier et 111 condamnés en février pour “rébellion” et “incendies volontaires" à des peines de prison avec sursis. La protection des droits des refugiés et des migrants doit être une priorité.

Au Niger, les inégalités entre les femmes et les hommes demeurent toujours une réalité, tout comme les violences basées sur le genre. Le mariage précoce est une préoccupation majeure avec l’un des taux de prévalence les plus élevés au monde, soit 76%.

« Dans un pays où les mariages précoces ou arrangés et les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes sont nombreux, les nouvelles autorités devront améliorer le dispositif légal protégeant les droits des femmes et mener des campagnes d’éducation aux droits humains et de sensibilisation”, a déclaré Ousmane Diallo. 

« Le prochain président devra agir sans délai pour améliorer le bilan du Niger en matière de droits humains. Une étape importante sera l’accélération du processus menant à l’abolition totale, en droit, de la peine de mort ».