Les autorités intensifient les mesures punitives contre des défenseur·e·s des droits humains
Le traitement cruel et inhumain infligé en prison à Gasser Abdel-Razek, directeur exécutif de l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), est scandaleux et illustre la détermination des autorités égyptiennes à intensifier cette répression des défenseur·e·s des droits humains, a déclaré Amnistie internationale. Le 23 novembre, Gasser Abdel-Razek a été interrogé par un procureur, et une réunion d’ambassadeurs auprès du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a eu lieu à Genève pour discuter de la réponse internationale.
Le même jour, les autorités judiciaires ont ajouté pour cinq ans à la « liste de terroristes » Mohamed al Baqer, défenseur des droits humains et fondateur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, ainsi que le blogueur et militant Alaa Abdelfatah et d’autres opposants politiques, sans qu’ils soient inculpés de la moindre infraction et sans qu’ils aient la possibilité de contester les éléments retenus à titre de preuve contre eux.
« Au lieu de répondre aux appels mondiaux à mettre fin aux attaques sans précédent contre l’EIPR, les autorités égyptiennes continuent d’allonger la liste des atteintes aux droits humains dont est victime Gasser Abdel-Razek, en lui infligeant délibérément de mauvais traitements alors qu’il se trouve en détention à l’isolement et est privé de biens de première nécessité à titre de sanction pour son militantisme en faveur des droits humains. L’EIPR recense et lutte contre ces atteintes aux droits humains depuis 18 ans, et les membres du personnel de l’organisation paient maintenant un lourd tribut », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.
« L’arrestation de membres du personnel de l’EIPR, qui intervient après qu’ils ont rencontré des diplomates, le traitement punitif infligé à Gasser Abdel-Razek en détention et la désignation de défenseurs des droits humains comme terroristes sont les derniers éléments en date illustrant à quel point la crise des droits humains en Égypte est devenue catastrophique. Les États et les acteurs des Nations unies ne peuvent pas continuer de tolérer un statu quo dans lequel la société civile est réprimée et étouffée sans que cela n’entraîne de conséquences. Ils doivent, par la parole et par les actes, exiger de véritables améliorations de la situation en matière de droits humains en Égypte. Dans le cadre de cette plus vaste réponse, il est temps que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU prenne des mesures immédiates en vue d’établir un mécanisme de suivi sur l’Égypte. »
Amnistie internationale craint que Gasser Abdel-Razek soit délibérément détenu dans de mauvaises conditions pour le punir pour son travail en faveur des droits humains. Depuis son transfert à la prison de Liman Tora le 20 novembre, Gasser Abdel-Razek, défenseur des droits humains de longue date et père de deux enfants, est détenu à l’isolement dans une cellule dans laquelle il fait froid et est privé de vêtements chauds et de matelas. Tous ses effets personnels et son argent ont été confisqués. Les autorités pénitentiaires ne l’ont pas autorisé à sortir de sa cellule, même pour faire de l’exercice. Elles l’ont également empêché d’acheter des biens de première nécessité à la cantine de la prison. Le 23 novembre, Gasser Abdel-Razek a comparu devant le procureur général de la sûreté de l’État pour un nouvel interrogatoire. Les autorités pénitentiaires lui ont complètement rasé la tête, une mesure peu commune pour les personnes se trouvant en détention provisoire, ce qui renforce les craintes de traitement discriminatoire et punitif.
Gasser Abdel-Razek, Karim Ennarah, directeur de l’Unité de justice pénale de l’EIPR, et Mohamed Basheer, directeur administratif de l’organisation, sont tous en détention dans l’attente des conclusions d’enquêtes sur des accusations de « terrorisme » forgées de toutes pièces, liées uniquement au travail en faveur des droits humains de l’EIPR. Ils ont été arrêtés arbitrairement entre le 15 et le 19 novembre, à titre de représailles pour une réunion menée avec des diplomates occidentaux au début du mois. Un quatrième membre du personnel de l’EIPR, Patrick George Zaki, est en prison depuis qu’il a été arrêté en février 2020, en rentrant d’Italie, où il étudiait.
Les autorités égyptiennes ont régulièrement recours à des accusations sans fondement de « terrorisme » pour emprisonner des défenseur·e·s des droits humains et leur infliger des mesures punitives sans que ces personnes aient été jugées. Les défenseurs des droits humains Mohamed al Baqer, Esraa Abdelfatah, Mahienour al Masry et Solafa Magdy sont détenus dans l’attente des conclusions d’enquêtes dans le cadre de la même affaire pour des accusations similaires liées au « terrorisme ».
Amnistie internationale a recueilli des informations sur le recours régulier et systématique des autorités égyptiennes à la législation antiterroriste pour poursuivre en justice des milliers de dissidents pacifiques et pour suspendre les garanties en matière d’équité des procès. De nombreux experts des Nations unies ont fait part de leurs inquiétudes sur le fait que les lois antiterroristes de l’Égypte entraînent des atteintes aux droits humains, ainsi que sur les graves risques liés à la COVID-19 auxquels sont exposés les défenseur·e·s des droits humains emprisonnés en Égypte. Ce n’est pas la première fois que l’Égypte impose des mesures de représailles à la société civile en raison de collaborations avec des représentant·e·s des Nations unies. Cependant, à notre connaissance, c’est la première fois que la société civile est victime de représailles pour avoir rencontré un groupe de diplomates, ce qui représente donc une intensification de la répression menée par les autorités.
Le 20 novembre, la porte-parole de la haute-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies s’est inquiétée du fait que « les mesures visant les défenseur·e·s des droits humains et d’autres militant·e·s, ainsi que les autres restrictions de la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique imposées dans le pays, ont un grave effet dissuasif sur la société civile égyptienne déjà affaiblie ». Le même jour, le Secrétaire général, par son porte-parole, a fait part de son soutien à cette déclaration. Le 23 novembre, Amnistie internationale et d’autres organisations ont participé à une réunion organisée par plusieurs ambassadeurs pour les droits humains concernant la réponse à apporter aux arrestations des membres du personnel de l’EIPR et la répression plus générale de la société civile.
« Les autorités égyptiennes ont souvent recours à des accusations infondées de “terrorisme” pour placer en détention des défenseur·e·s des droits humains et les décrédibiliser aux yeux de la population égyptienne et de la communauté internationale. En réalité, les autorités égyptiennes considèrent le travail légitime de défense des droits humains, comme la défense des droits des personnes LGBTI, l’opposition à la peine de mort, la défense des minorités religieuses et la promotion du droit à la santé, comme du terrorisme », a déclaré Philip Luther.
« La communauté internationale doit montrer à l’Égypte qu’elle rejette entièrement l’assimilation de la défense des droits humains à du terrorisme et doit continuer de demander la libération immédiate et sans condition de tous les défenseur·e·s des droits humains emprisonnés en Égypte. »