Il faut libérer un opposant politique très critique à l'égard du pouvoir
L’arrestation de l’ancien député Fabien Banciryanino le 2 octobre 2020 pour des accusations de rébellion, de dénonciation calomnieuse et d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État adresse un message clair, à savoir que le nouveau gouvernement du Burundi ne tolère pas la dissidence pacifique. Si les accusations portées contre lui se fondent uniquement sur des déclarations qu’il a faites, Amnistie internationale invite les autorités burundaises à libérer immédiatement et sans condition cet opposant politique qui s’exprime ouvertement sur les questions liées aux droits humains dans le pays.
Fabien Banciryanino a été convoqué pour interrogatoire au Bureau spécial de recherche le 2 octobre et y a été retenu jusqu’au 8 octobre, date à laquelle il a été déféré devant un magistrat du parquet de Ntahangwa, à Bujumbura. Au terme d’une longue audience qui s’est tenue à huis clos, le magistrat a confirmé son arrestation et son placement en détention provisoire. Fabien Banciryanino a alors été transféré à la prison de Mpimba. Son état de santé fragile, dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, suscite de vives inquiétudes quant à son maintien en détention. Amnistie internationale demande aux autorités carcérales de veiller à ce qu’il bénéficie de soins médicaux adaptés.
Les accusations visant Fabien Banciryanino sont semble-t-il principalement fondées sur les déclarations qu’il a faites alors qu’il était membre de l’Assemblée nationale entre 2015 et 2020, qui devraient être couvertes par l’immunité parlementaire. Dans une lettre adressée à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi (CNIDH) le 7 octobre, Fabien Banciryanino notait qu’il avait été interrogé au sujet de ses prises de parole lors de sessions de l’Assemblée nationale.
Au cours de son mandat de député, Fabien Banciryanino a porté l’une des rares voix de la dissidence. En février 2020, il s’est opposé à la nomination de l’ancien président Pierre Nkurunziza au titre de Guide suprême du patriotisme, affirmant que de nombreux meurtres et autres violations des droits humains étaient à déplorer au cours de ses 15 années de présidence. En mars, il a écrit au parquet de Bubanza pour demander l’ouverture d’une enquête sur 21 cas de disparitions forcées et d’homicides survenus dans la province depuis 2016. Son arrestation est une attaque flagrante contre le droit à la liberté d’expression et adresse un message glaçant à toute personne qui monterait au créneau contre les violations des droits humains : quel que soit son rang, elle risque des poursuites en justice.
Auparavant, lors d’une session de l’Assemblée nationale en septembre 2018, il a essuyé de vives critiques pour avoir appuyé les conclusions de la Commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi et dénoncé la poursuite de graves violations des droits humains dans le pays. La ministre de la Justice de l’époque, Aimée Laurentine Kanyana, avait lancé un avertissement aux personnes diffusant « des informations alarmistes et sans fondement » et demandé au Président de l'Assemblée nationale d'engager des poursuites contre elles. Après la séance, la police avait bloqué l'accès au domicile de Fabien Banciryanino pour l'empêcher de tenir une conférence de presse. De même, le 2 octobre 2020, le jour de son arrestation, Fabien Banciryanino prévoyait de tenir une conférence de presse afin de répondre aux déclarations négatives faites à son sujet par un journaliste, mais il s’est vu refuser l’autorisation requise.
L’arrestation de Fabien Banciryanino sape un peu plus les espoirs de voir le gouvernement du président Evariste Ndayishimiye prendre un nouveau cap en matière de droits humains et favoriser un espace de véritable dialogue au Burundi.