Ukraine. À la veille de Noël, les coupures de courant ont de graves répercussions sur la vie de la population civile
- Les enfants ne peuvent pas se rendre à l’école
- Les coupures de courant entraînent des pénuries alimentaires
- Des immeubles sans chauffage pendant des jours d’affilée alors que les températures sont glaciales
- Des risques d’incendie dans les habitations lors des surtensions
- L’accès aux soins de santé est fortement restreint
Les attaques persistantes menées par les forces armées russes contre des infrastructures énergétiques cruciales en Ukraine constituent une violation flagrante du droit international humanitaire et mettent en danger la vie des civil·e·s d’autant que les températures glaciales s’installent, a déclaré Amnistie internationale le 21 décembre 2022, alors qu’elle lance un appel à la Russie pour qu’elle mette fin aux attaques ciblées illégales contre des infrastructures civiles.
« Tandis que de nombreux pays à travers la planète entrent dans la période des fêtes, les rues illuminées par les décorations de Noël, le monde ne doit pas oublier l’Ukraine, toujours plongée dans l’obscurité par les attaques soutenues, délibérées et illégales de la Russie contre ses infrastructures énergétiques, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnistie internationale.
« La population ukrainienne subit les pertes tragiques en vies humaines causées par la guerre d’agression russe, mais aussi les conséquences des stratégies criminelles de la Russie, spécifiquement conçues pour accroître la souffrance humaine. »
Les attaques de la Russie contre les installations énergétiques cruciales de l’Ukraine, qui durent depuis des mois, empêchent les civil·e·s ukrainiens d’accéder à l’éducation, aux soins de santé et à l’alimentation, et les obligent à supporter des conditions glaciales dans leurs propres maisons.
Amnistie internationale s’est entretenue avec diverses personnes à travers l’Ukraine, qui ont exposé les conséquences des attaques russes sur leur vie quotidienne.
Des coupures de courant qui exacerbent la crise sanitaire
Olena* a déclaré à Amnistie internationale : « Les raids aériens sont permanents. En ce moment même, il y en a un qui se déroule. Lorsqu’il y a un raid aérien, aucune institution prodiguant des services de santé – cliniques, hôpitaux privés, autres institutions, magasins, transports publics – ne fonctionne. »
Un jour, alors que les forces russes menaient un raid aérien, Olena avait rendez-vous avec son fils pour un bilan général et des vaccins, mais la clinique l’a appelée pour la prévenir de ne pas s’y rendre. Cela a pris plus d’une journée pour parvenir à son rendez-vous, ce qui a décalé et retardé les soins médicaux pour d’autres personnes.
L'accès aux contrôles de santé de routine est donc limité et des interventions chirurgicales sont pratiquées dans des conditions mettant des vies en danger. Kateryna* a raconté qu’elle avait peur que les coupures de courant ne perturbent son rendez-vous de chirurgie : « Je suis venue pour une intervention programmée, et ils avaient besoin d’utiliser un laser. Le médecin a dit qu’ils allaient tenter le coup et faire vite. J’étais angoissée. »
Une scolarité en pointillés qui compromet l’éducation des enfants
Manquer un seul jour d'école peut avoir un impact durable sur les progrès scolaires d'un enfant. En raison des coupures de courant en Ukraine, de nombreux enfants ne peuvent pas aller à l'école, que ce soit en personne ou en ligne. Ceux qui y parviennent doivent faire des trajets dans l'obscurité totale, parfois au péril de leur vie.
« Parce que les feux tricolores et les lampadaires ne fonctionnent pas pendant les coupures, la circulation devient chaotique, chacun conduisant dans des directions différentes. Lorsque vous accompagnez votre enfant à l’école et que vous revenez dans le noir, il faut faire très attention car vous pouvez traverser en pleine intersection. Le taux de mortalité des piétons sur les routes a augmenté », a déclaré Kateryna.
« L’éducation est le fondement d’une société épanouie, mais en Ukraine, la Russie cible délibérément les infrastructures civiles, dont les écoles. Les enfants ne peuvent même pas étudier à distance lorsqu’il n’y a ni électricité ni chauffage. La Russie sape le présent – mais aussi l’avenir – du pays », a déclaré Denis Krivosheev.
Menaces pour la santé et le bien-être
Du fait de l’agression russe, les enfants souffrent du manque d’enseignement, mais aussi des températures glaciales, dans un contexte de pénurie alimentaire, car les coupures de courant entraînent une dégradation des aliments.
« Il y a très peu d’options pour cuisiner. Nourrir un enfant avec des saucisses tous les jours n’est pas une bonne situation, mais impossible de cuisiner des plats normaux car il faut une heure et demie pour n’importe quel plat ; alors je fais cuire à la vapeur de la semoule et des saucisses, explique Olena.
« Tout cela est très stressant. Tout payer, trouver le temps de faire à manger. Lorsqu’il y a de la lumière, il faut tout faire en même temps, impossible de se détendre dans de telles conditions, je ne me relaxe jamais. Et de ce fait, nous sommes constamment sous tension, cela a des répercussions néfastes. »
Des pressions accrues sur les groupes marginalisés
Les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et celles à faibles revenus sont confrontées à des pressions accrues du fait des coupures d’électricité.
Les personnes à mobilité réduite ont bien du mal à sortir de leur immeuble. Certains habitant·e·s ont mis dans les ascenseurs des trousses d’urgence comprenant des chaises, de l'eau et de la nourriture, au cas où quelqu'un se retrouverait bloqué pendant une coupure générale.
L’impact sur la santé mentale, et physique, peut aussi s’avérer dévastateur. Tetyana* a déclaré : « Je connais des gens qui ne sortent pas, car ils ne peuvent pas monter les étages sans ascenseur. »
La plupart des personnes à faibles revenus ont du mal à couvrir le coût du chauffage de leur maison individuelle, en raison des coupures de courant : le prix des groupes électrogènes, des citernes de gaz et des chauffages au gaz entraîne une pression financière supplémentaire.
Complément d’information
Bien qu’elles s’efforcent de réparer les infrastructures civiles endommagées, les autorités ukrainiennes sont contraintes de mettre en place des coupures de courant planifiées pour éviter que les infrastructures restantes ne soient surchargées. En octobre 2022, au moins 40 % des installations énergétiques du pays avaient été sérieusement touchées. Selon les autorités ukrainiennes, en décembre, plus de 50 % des usagers dans le pays ont vu leur approvisionnement en électricité interrompu.
Amnistie internationale appelle la Russie à mettre fin à son agression contre l’Ukraine et la communauté internationale à ne pas oublier la population civile ukrainienne et à lui venir en aide alors que les rigueurs de l’hiver s’installent.
* Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des personnes concernées.