Etienne Fakaba Sissoko - Livres comme l'air
Portrait de l'auteur
Le 20 mai, Étienne Fakaba Sissoko, économiste et professeur d’université malien, a été déclaré coupable d’atteinte au crédit de l’État, d’injures et de diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique. Il a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis, et à une amende de trois millions de francs CFA (environ 4 500 euros). Critique notoire du gouvernement, Étienne Fakaba Sissoko a été arrêté le 25 mars à la suite de la publication d’un livre dans lequel il dénonçait la propagande dans la campagne de communication du gouvernement malien.
Signez la pétition pour demander l'annulation de la condamnation injuste de Étienne Fakaba Sissoko !
JUMELÉ À Marie Hélène Poitras
Fascinée par l’art de raconter des histoires, Marie Hélène Poitras est autrice de romans et recueils de nouvelles qui questionnent le choc entre nature et culture, et mettent en lumière des personnages souvent arrachés à la marge : Galumpf (prix littéraire du Gouverneur général), La désidérata, Griffintown (prix France-Québec), La mort de Mignonne (finaliste au Prix des libraires du Québec) et Soudain le Minotaure (prix Anne-Hébert). Elle est éditrice (VLB éditeur, La Bagnole), chroniqueuse au journal Le Devoir et sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première, et bergère urbaine au Parc Maisonneuve. Née à Ottawa, Marie Hélène a grandi à Aylmer puis à Saint-Jean-sur-Richelieu et vit aujourd’hui à Montréal.
Autres informations
Retrouvez Marie Hélène Poitras au Salon du Livre de Montréal, qui se tiendra du 27 novembre au 1er décembre 2024 au Palais des congrès de Montréal.
Cher Étienne Fakaba Sissoko,
J’ai appris, par Amnistie Internationale, votre incarcération à la prison de Kéniéroba au Mali, pour « atteinte au crédit de l’État » après la publication, aux éditions L’Harmattan en 2023, de votre essai intitulé Propagande, agitation et harcèlement, la communication gouvernementale pendant la transition au Mali.
À titre d’économiste, de chercheur et de professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Bamako, vous avez été conseiller d’Ibrahim Boubacar Keïta, le président renversé par la junte militaire, et analyste de la Mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Vous êtes l’une des rares voix critiques à avoir osé s’élever, à tenter de se faire entendre au Mali.
Votre place n’est pas derrière les barreaux, elle est auprès des vôtres.
Je devine que votre femme, vos enfants, vos parents, vos amis, vos étudiants et vos collègues vous réclament. Votre pays aussi a besoin de vous et de la force vive de vos idées. Votre place est dans une classe, devant la page blanche et avec votre famille.
Ces dernières années, le rétrécissement de l’espace civique au Mali a été́ marqué par des violations de la liberté́ d’expression, au plan de la liberté́ de la presse et du droit à l’information notamment. Le Mali est gouverné depuis trois ans par des militaires qui ont pris le pouvoir en évinçant le gouvernement démocratiquement élu. Critique du gouvernement en place, vous dénoncez lucidement et courageusement la propagande et la désinformation dans la campagne de communication. Pour cela, sachez que vous avez tout l’appui d’une communauté d’écrivains québécois dont je fais partie.
En ce 1er décembre à Montréal, nous sommes réunis à l’occasion du Salon du livre, un événement qui célèbre les livres, les essais comme le vôtre, Monsieur Sissoko Fakaba, les idées, les mots, les écrivains et leurs lecteurs. Vous auriez votre place parmi nous et c’est pourquoi nous gardons une chaise vide à votre intention. Nous pensons à vous, nous veillons sur vos idées. Et nous demandons un revirement de situation qui vous permettra de redevenir l’homme d’idées et de mots que vous êtes. L’homme libre que vous avez le droit de continuer à être.
Je vis dans un pays, le Canada, où la liberté d’expression est parfois prise pour acquis. Des gens qui n’ont rien de bien pertinent à exprimer le font pourtant sur toutes les tribunes sans avoir à s’inquiéter. Noyé dans ce concert de voix, nous perdons parfois de vue l’importance que cela revêt, de pouvoir prendre la parole ou la plume pour nommer ce qui doit changer, dénoncer les excès, et faire éclater la vérité. Et même si cette cacophonie devient parfois étourdissante, elle a lieu d’être parce que les idées, les opinions et les voix doivent circuler, ne pas rester emprisonnées dans la tête des hommes et des femmes que l’on condamne pour leur vision éclairée et informée de situations politiques inacceptables.
L’arrestation ou la détention pour l’exercice pacifique de droits humains, notamment du droit à la liberté́ d’expression, sont arbitraires et violent la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, deux traités auxquels votre pays, le Mali, souscrit.
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a statué que les personnes détenues pour avoir exercé́ pacifiquement leurs droits fondamentaux doivent être libérées.
À la lumière de ce qui précède, je prie les autorités maliennes d’annuler votre condamnation et de vous libérer immédiatement et sans condition.
D’ici là, je demande qu’on s’assure que vous ayez accès à des avocats, à des médicaments et que vous puissiez voir votre famille.
Veuillez agréer, cher Étienne Fakaba Sissoko, l’expression de ma plus profonde considération et de ma plus grande solidarité,
Marie Hélène Poitras, écrivaine, éditrice, journaliste
LIVRES COMME L'AIR
Dans le cadre du projet Livres comme l’Air, des écrivains québécois témoignent leur solidarité à des écrivains emprisonnés ou menacés à travers le monde en leur rédigeant des dédicaces.