María Cristina Garrido Rodríguez - Livres comme l'Air
Portrait dE l'autrice
María Cristina Garrido Rodríguez, poète et militante cubaine, purge une peine de sept ans de prison depuis mars 2022 pour « désordre public », « outrage » et « résistance ». Elle a été arrêtée en juillet 2021, avec sa sœur, après avoir participé à des manifestations pacifiques. Son incarcération est marquée par de terribles conditions de détention, y compris l’isolement, le manque d'hygiène, et des violences physiques. En septembre 2022, elle a entrepris une grève de la faim pour protester contre son emprisonnement. Née en 1982 à Quivicán, elle a remporté plusieurs prix littéraires pour ses écrits qui abordent son quotidien et les difficultés des femmes dans une société censurée. Son ouvrage Voz cautiva : poemas escritos desde la cárcel, publié en 2023, témoigne des souffrances qu’elle endure en tant que prisonnière politique, symbolisant la résistance de l’art face à la répression. En novembre 2023, elle a envoyé un message audio à la communauté du PEN pour parler de la censure à Cuba et du pouvoir de l’art.
Signez la pétition pour demander aux autorités qu'elles libèrent María Cristina Garrido Rodríguez immédiatement et sans conditions !
Jumelé à Pierre-Yves Villeneuve
Petit-fils, fils, frère, cousin et neveu d’ingénieurs, la science a toujours coulé dans les veines de Pierre-Yves Villeneuve, telle la potion magique dans celles d’Obélix. D’ailleurs, il souhaitait devenir astrophysicien. Mouton noir, il s’est tourné vers la littérature. En 2016, il a publié le premier tome de la populaire série Gamer (Les Malins), une série qui explore l’univers des jeux vidéo sous un angle féministe. Il collabore régulièrement au magazine scientifique pour ados Curium. Le collectif Ma première fois : recueil de nouvelles sexu (La Bagnole) auquel il a participé a remporté le Prix jeunesse des libraires 2024.
Autres informations
Retrouvez Pierre-Yves Villeneuve au Salon du Livre de Montréal, qui se tiendra du 27 novembre au 1er décembre 2024 au Palais des congrès de Montréal.
Chère María Cristina Garrido Rodríguez,
Nous ne nous connaissons pas. Nos chemins ne se sont jamais croisés. Mais nous avons quelque chose en commun : le désir d’améliorer les conditions des nôtres.
J’ai récemment appris votre condamnation et votre emprisonnement pour avoir manifesté le 11 juillet 2021 contre la répression à Cuba. D’où je me trouve au Québec, le sort qu’on vous a réservé est inimaginable. Je peine à concevoir ce qu’on vous fait subir : les passages à tabac, les conditions sanitaires inadéquates, l’isolement, l’humiliation. Je me sens terriblement impuissant et insignifiant devant votre malheur.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu confiance en l’avenir. Peut-être est-ce à cause des romans de science-fiction que je lisais dans lesquels on rêvait d’un monde meilleur où la faim et la maladie auraient été éradiquées grâce à la science. Dans Star Trek : TNG, le capitaine Jean-Luc Picard m’assurait que, dans un futur pas si lointain, les citoyens de la Terre travailleraient ensemble pour l’amélioration et le mieux-être de l’humanité. Naïvement, je croyais que c’était un idéal que tout le monde partageait.
Plutôt que de tendre vers l’utopie et de progresser, j’ai l’impression que le monde s’assombrit, qu’il glisse vers une dystopie de série B. Disons que mon optimisme en prend pour son rhume.
Chaque semaine, on voit la liberté d’expression se faire manipuler à tour de bras au profit de la haine et l’intolérance. On abuse de cette liberté pour censurer les artistes et l’histoire avec un grand H.
Partout sur la planète, on constate un regain du fondamentalisme religieux, une montée du populisme et une attirance réelle pour le fascisme. Même dans les dictatures, les droits fondamentaux se retrouvent encore plus menacés qu’avant, si cela est possible, en raison de la complicité de tech-bros sans morale qui développent de nouveaux programmes pour surveiller la population. Leur mépris de l’humanité ne vaut pas plus de trente deniers.
Que peut-on faire devant ces gouvernements qui font fi de nos droits, devant ces compagnies multimilliardaires qui pipent les dés contre nous ? Que peut-on faire ?
Récemment, je suis tombé sur ces mots du citoyen G’Kar, tirés de la série Babylon 5. « Pire que la mort de la chair, il y a la mort de l’espoir, la mort de nos rêves. Devant ce péril, nous ne devons jamais capituler. (…) L’avenir demeure un mystère, et sa destination nous est inconnue. » Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’écris pour les jeunes. Parce que les jeunes sont porteurs d’espoir, parce que leur fougue et leur énergie ont le pouvoir d’abattre n’importe quel obstacle et d’accomplir ce que nous n’avons pas pu faire, parce qu’ils ne traînent pas nos défauts à nous, les adultes, ni nos déceptions ou notre pessimisme. Le futur leur appartient.
Quand les jeunes viennent me voir pour que je leur signe un livre, il y a deux phrases que j’aime particulièrement leur dédicacer : 1) que la littérature est une arme, et 2) que chaque pixel compte.
La littérature recèle une formidable puissance. En tant qu’écrivains, vous et moi, nous savons déjà cela. Nous avons le pouvoir de faire rire et pleurer nos lecteurs, de leur faire vivre mille vies différentes. Nous pouvons les aider à décortiquer le monde et leur apprendre l’empathie. La littérature alimente les rêves, elle nourrit l’espoir et elle fait grandir les gens. Elle est si puissante, qu’au fil des siècles, elle a déclenché des révolutions, elle a accompagné des mouvements sociaux, et nul doute qu’elle transformera encore et encore le monde pour le mieux.
Quant aux pixels… Eh bien, nous faisons partie d’un organisme complexe nommé humanité. Même si nous nous sentons insignifiants, nous ne le sommes pas. Notre existence trouve un écho plus grand qu’on ne l’imagine. C’est vrai, un pixel isolé a peu d’impact, mais lorsqu’on l’allume, sa lumière se propage, se reflète, elle s’amplifie jusqu’à devenir une balise. Quand l’un d’entre nous brille, tout le monde brille !
Je repose ma question : que peut-on faire ?
Se tenir debout. Continuer d’écrire. Parce que chaque mot que l’on écrit est un acte de résistance. Nos livres dénoncent les injustices; ils sont des critiques sociales, des manifestes politiques, des appels au progrès, à la justice, à l’égalité et à la liberté.
Pour citer à nouveau G’Kar : « Nul dictateur, nul envahisseur, ne peut retenir éternellement une population prisonnière par la force. Il n’y a pas de plus grand pouvoir dans l’univers que le désir de liberté. Contre lui, les tyrans et les dictateurs ne peuvent résister. »
La liberté. Cette liberté est plus fragile qu’on l’imagine. On commence à peine à s’en rendre compte. Certains l’échangeraient volontiers contre une impression de sécurité, sans une arrière-pensée, sans connaître les implications dans ce pacte faustien. La vraie liberté n’exige qu’une chose : l’engagement.
Vos actions, María Cristina Garrido Rodríguez, ont trouvé écho jusqu’à Montréal, et vos mots portent en eux le pouvoir d’améliorer le monde.
Solidairement,
Pierre-Yves Villeneuve
Écrivain
LIVRES COMME L'AIR
Dans le cadre du projet Livres comme l’Air, des écrivains québécois témoignent leur solidarité à des écrivains emprisonnés ou menacés à travers le monde en leur rédigeant des dédicaces.