Priorité à la santé publique et aux obligations juridiques internationales : La décision de fermer la frontière du Canada aux demandeurs du statut de réfugié est dangereuse et illégale, et doit être annulée
Toronto, 30 mars 2020 — La décision du gouvernement du Canada de fermer sa frontière aux de- mandeurs du statut de réfugié met ces personnes en danger, est incohérente avec les mesures de santé publique conçues pour freiner la propagation de la COVID-19 et contrevient à nos obligations juridiques internationales. Fermer la frontière aux demandeurs du statut de réfugié est une erreur sur les plans moral, sanitaire et juridique.
Le 19 mars 2020, en réponse à la pandémie de COVID-19, le gouvernement canadien a annoncé de nou- velles restrictions d’entrée à la frontière qui préservaient le droit de demander le statut de réfugié tout en protégeant la santé publique grâce à un dépistage non discriminatoire et à des mesures d’auto- isolement. Puis, le 20 mars, le gouvernement a abandonné cette approche raisonnable et humaine et a annoncé une nouvelle décision, prise de concert avec le gouvernement américain, de fermer presque entièrement la frontière aux personnes qui demandent le statut de réfugié au Canada en entrant par les États-Unis.
Médecins Sans Frontières (MSF), le Réseau juridique canadien VIH/sida et Amnistie internationale Canada demandent au gouvernement canadien de revenir immédiatement sur cette décision inutile, inhumaine et préjudiciable, et de respecter les obligations du Canada en vertu du droit international.
Interdire l’entrée aux demandeurs du statut de réfugié met leur vie en danger
Le droit d’un demandeur du statut de réfugié d’être protégé contre le retour forcé est la pierre angu- laire de la protection juridique internationale des personnes réfugiées. Le renvoi des demandeurs du statut de réfugié aux États-Unis risque de mettre des vies en péril en les coinçant dans un contexte flou et incertain. De par notre expérience du domaine médical et des droits de la personne, nous savons que lorsqu’un demandeur du statut de réfugié est refoulé à la frontière, il devient hautement vul- nérable et aura tendance à se tourner vers des options clandestines plus risquées.
Bien que le droit international relatif aux personnes réfugiées et aux droits de la personne permette aux États d’imposer certaines mesures comme le dépistage et les examens de santé à l’entrée, ou même la quarantaine, aux personnes demandant une protection internationale, ces mesures ne doivent pas les priver de la possibilité effective de demander le statut de réfugié ni mener à leur refoulement.
Interdire l’entrée aux demandeurs du statut de réfugié est une mauvaise pratique de santé publique
Le décret du 20 mars du gouvernement canadien instaure certaines mesures pour éviter que la COVID-19 ne s’introduise dans le pays. Accepter les demandeurs du statut de réfugié et les soumettre à un test de dépistage de la COVID-19 est une mesure de santé publique proactive et protectrice. Les demandeurs du statut de réfugié devraient être soumis aux mêmes examens de santé, au même dépistage et à la même obligation d’isolement que toutes les autres personnes qui entrent au Canada. Le gouvernement peut leur fournir des informations accessibles (en plusieurs langues) sur les pratiques de santé publique les plus connues pour limiter la propagation de la COVID-19 dans un but de protection individuelle et publique (p. ex., la distanciation physique, les tests diagnostiques, l’identification et le suivi des cas, la mobilisation du public pour empêcher la transmission ultérieure). Il peut également, en collaboration avec des groupes locaux, s’assurer que le logement et le transport sont fournis aux demandeurs du statut de réfugié selon les besoins, en évitant de les détenir et de les garder dans des espaces fermés ou densément peuplés.
De plus, il faut que les demandeurs du statut de réfugié soient activement inclus dans les plans de prévention épidémique et d’intervention de santé publique, et non en être exclus. Les mesures de santé publique ne sont efficaces que si elles sont appliquées de manière généralisée, et échouent lorsque certaines populations en sont écartées — qu’il s’agisse de citoyens, de demandeurs du statut de réfugié ou de sans-papiers.
Interdire l’entrée aux demandeurs du statut de réfugié est illégal
Les mesures mises en place par le gouvernement du Canada pour faire face à la pandémie de COVID-19 doivent respecter les normes et obligations en matière de droits de la personne inscrites dans la loi canadienne, ainsi que les traités de protection des demandeurs du statut de réfugié qui accordent à toute personne entrant au pays, à un point d’entrée officiel ou non, le droit de demander le statut de réfugié.
Ce nouvel « accord réciproque avec le gouvernement américain », qui vient bannir et refouler les demandeurs du statut de réfugié arrivant par les États-Unis, viole les obligations juridiques du Canada de protéger les demandeurs du statut de réfugié. En vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, les personnes craignant la persécution ont le droit de demander le statut de réfugié dans un autre pays et de voir leur demande entendue. L’avis juridique émis par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à propos des protections en ces temps de pandémie de COVID-19 indique clairement que les États ne peuvent mettre en place des mesures qui empêchent catégoriquement ces personnes de demander le statut de réfugié.
En résumé, la décision hâtive du Canada de fermer la frontière comme mesure de santé publique pour endiguer la COVID-19 menace des vies, va à l’encontre des meilleures pratiques de lutte contre les épidémies et enfreint les normes juridiques internationales que le Canada prétend constamment défendre. Le Canada a l’occasion de montrer l’exemple face à la norme internationale qu’il veut établir en protégeant la santé publique et en respectant le droit international.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter :
Sophie Labat, Médecins Sans Frontières Canada : sophie.labat@toronto.msf.org
Janet Butler-McPhee, Réseau juridique canadien VIH/sida : jbutler@aidslaw.ca
Khoudia Ndiaye, Amnistie internationale Canada : kndiaye@amnistie.ca