La décision de la Cour suprême n’autorise pas le législateur à ne pas respecter les droits des Autochtones
La Cour suprême a rendu une décision restreinte et très technique qui, bien que décevante pour plusieurs peuples autochtones, ne réduit nullement les responsabilités fondamentales du législateur en ce qui a trait au respect des droits des peuples autochtones.
Dans un jugement rendu le 11 octobre par la plus haute instance du Canada, une majorité de cinq juges sur sept a conclu que l’obligation spécifique de consulter et d’accommoder les peuples autochtones ne s’applique pas aux travaux de l’organe législatif du gouvernement. Toutefois, les juges affirment à l’unanimité que les lois promulguées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent être conformes à leurs obligations de respecter les droits issus de traités et autres droits constitutionnels des peuples autochtones.
La décision de la Cour suprême se base sur la division des fonctions législative et exécutive (processus décisionnel) du gouvernement et sur le fait que les droits spécifiques de protection, notamment l’obligation de consulter, ont été élaborés en lien avec la fonction exécutive.
Dans leur opinion dissidente, deux juges concluaient par contre que l’obligation de consulter se base plutôt sur le potentiel d’un effet sur les droits des Autochtones et ne limite pas aux mesures prises par la fonction exécutive.
La Première Nation crie Mikise avait contesté le fait que les anciens gouvernements de Stephen Harper n’avaient pas consulté les peuples autochtones avant d’adopter une loi omnibus modifiant de façon importante le processus d’évaluation environnementale. Cette loi et les conflits qui en résultent ainsi que les nombreuses décisions de tribunaux annulant l’approbation de projets connexes est un exemple criant des problèmes émanant de l’imposition arbitraire et unilatérale de telles lois.
La Cour suprême laisse la porte ouverte aux peuples autochtones en ce qui a trait à la contestation de lois qui violent leurs droits sur une base autre que le fait de ne pas respecter l’obligation de consulter.
Sur une note positive, l’arrêt rappelle clairement que les obligations du gouvernement envers les droits des Autochtones s’étendent bien au-delà de l’obligation de consulter, un principe juridique qui est devenu très problématique, notamment en ce qui a trait à son interprétation et à son application par les paliers de gouvernement du Canada, y compris au niveau fédéral. La Déclaration sur les droits des peuples autochtones appelle à la collaboration entre les gouvernements et les peuples autochtones sur toutes les affaires affectant potentiellement leurs droits, y compris l’adoption de lois et de règlements. La Déclaration exige également que les gouvernements agissent seulement sur la base du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
La récente décision de la Cour suprême n’a pas commenté la déclaration des Nations Unies ou sa protection des droits des peuples autochtones.
Le Déclaration des Nations unies présente une orientation essentielle de l’interprétation des lois intérieures canadiennes. Le projet de loi C-262, adopté par la Chambre des Communes au printemps dernier et présentement devant le Sénat, exigera une réforme des lois fédérales afin qu’elles soient conformes aux exigences de la Déclaration. Un deuxième projet de loi, le projet de loi C-69, également devant le Sénat, replacera le régime d’évaluation environnementale antérieur du gouvernement Harper par de nouvelles lois reconnaissant l’engagement du gouvernement fédéral à mettre en œuvre la Déclaration.