Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés mèneront une mission conjointe d’observation du G7
La Ligue des droits et libertés (LDL) et Amnistie internationale (AI) entendent mener une mission d’observation des libertés civiles dans le cadre du Sommet du G7 en juin prochain. Les deux organisations appellent les ministres de la Sécurité publique fédéral et provincial à prendre dès maintenant les mesures nécessaires pour éviter que les violations de droits qui ont eu lieu lors des précédents Sommets au Canada ne se reproduisent.
« Nous lançons cette mission conjointe d’observation dans le but de prévenir les violations de droits fondamentaux », expose Geneviève Paul, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Nous voulons aussi, le cas échéant, documenter les atteintes à la liberté d’expression et de manifestation, ainsi qu’aux droits des personnes arrêtées et détenues. À cet effet, nous souhaitons avoir accès tant aux lieux de manifestation qu’aux lieux de détention. »
Si les autorités municipales et policières sont confrontées à des impératifs de sécurité lors de ce type d’événements, elles doivent assurer aussi l’exercice du droit de manifester et de réunion pacifique, en vertu des obligations internationales du Canada et du Québec.
Les dispositions telles qu’annoncées démontrent au contraire un certain déséquilibre entre le désir de favoriser la liberté d’expression des manifestant-e-s pacifiques et le souci d’assurer la sécurité des lieux. Les interventions policières doivent respecter les normes internationales, qui portent entre autres sur l’usage potentiel d’une force excessive et la pratique d’arrestations arbitraires.
Nous planifions donc déployer la mission d’observation du 6 au 9 juin, à tout endroit qui justifierait la présence d’observatrices et observateurs neutres dans le cadre du G7. Le quartier général de la mission sera situé à Québec.
Cette mission sera composée d’une trentaine de personnes aux profils variés, issus majoritairement des rangs des deux organisations. Elles recevront toutes la même solide formation de base obligatoire et devront toutes s’engager à respecter le principe de neutralité. « Par ailleurs, la protection des observatrices et observateurs constitue une priorité pour nos deux organisations » souligne Mme Paul.
« Nous avons pris contact auprès du Ministre Coiteux, ministre québécois de la Sécurité publique, et fait une demande d'accréditation pour que les membres de la mission puissent circuler sans entraves sur le site du G7. Nous avons aussi demandé une rencontre auprès du ministre fédéral de la Sécurité publique Ralph Goodale » ajoute Geneviève Paul. « Nous venons tout juste de recevoir une réponse favorable quant à l’accréditation. Nous réitérons notre appel pour que les ministres responsables fassent une déclaration publique assurant que la liberté d’expression, y compris pour réclamer le respect des droits économiques, sociaux ou culturels, et l’exercice des droits civils sont des priorités au même titre que la sécurité. »
L’objectif le plus important de cette mission est de prévenir les abus des forces de l’ordre. « La présence d’observatrices et d’observateurs peut, en soi, prévenir les violations de droits, affirme Nicole Filion, coordonnatrice de la LDL. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a d’ailleurs rappelé l’importance du rôle des observatrices et observateurs lors de manifestations et la nécessité de permettre aux défenseur-e-s des droits humains d’intervenir librement dans ce contexte ».
La LDL et AI rappellent que de multiples violations de droits ont été observées et dénoncées lors du Sommet des Amériques à Québec en 2001, du Sommet de Montebello en 2007 et du Sommet du G20 à Toronto en juin 2010. Lors du Sommet des Amériques, la LDL avait aussi organisé une mission d’observation. Dans son rapport, elle concluait qu’il y avait eu un usage abusif de la force : utilisation de gaz lacrymogènes contre des manifestant-e-s pacifiques ; tirs de 5148 grenades en 26 heures causant plusieurs blessures, 900 balles de plastique utilisées alors qu’elles ne devaient l’être qu’en cas de menace grave pour les policières ou policiers, etc. Le rapport concluait aussi à de multiples violations de droits pour les personnes détenues à Orsainville, où les personnes arrêtées ont été arrosées nues dans la cour, ont été privées d’eau, de médicaments et de nourriture et ont connu une violation de leur droit à un avocat. Le Comité de l’ONU contre la torture s’est dit préoccupé suite aux représentations de la LDL à ce sujet, et le Comité des droits de l’homme a pour sa part demandé en 2006 que seules les personnes qui ont commis des infractions pénales au cours des manifestations soient arrêtées.
La LDL, AI et d’autres organisations avaient aussi dénoncées les violations de droits lors du Sommet du G20 à Toronto. « Nous avions dénombré plus de 1 100 arrestations lors de ce sommet, rappelle Nicole Filion. Or, seulement 6% des personnes arrêtées ont fait l’objet d’accusation, ce qui démontre que ces arrestations étaient injustifiées et visaient plutôt à empêcher les personnes de participer aux manifestations futures. Les personnes arrêtées ont été détenues dans des conditions inhumaines, entassées jusqu’à 30 dans des cages grillagées de 4 par 7 mètres avec un cabinet d’aisance sans porte, dans un lieu très froid avec un accès à l’eau et à la nourriture insuffisant. Les détenu-e-s ont subi des fouilles à nue parfois plus d’une fois. Ce sont de tels abus que nous voulons empêcher. »
Les manifestants ne manqueront pas de souligner que les besoins urgents des pays membres du G7 en matière de droits humains doivent recevoir une attention particulière et concrète. Car si personne ne peut être contre la paix et la sécurité, il faut aussi rappeler aux chefs d’État : quelle sécurité ? et paix pour qui ?