Les journalistes qui risquent d’être exécutés doivent être libérés
Les quatre journalistes qui risquent d’être exécutés au Yémen doivent être libérés, ont déclaré Amnistie internationale, Mwatana for Human Rights, Human Rights Watch et la Fondation Samir Kassir à l’approche de la Journée mondiale de la liberté de la presse (le 3 mai).
Un tribunal à Sanaa a condamné à mort quatre hommes – Akram al Walidi, Abdelkhaleq Amran, Hareth Hamid et Tawfiq al Mansouri – sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, notamment pour « espionnage au profit de l’Arabie saoudite » et « diffusion de rumeurs, de fausses nouvelles et de déclarations en faveur de l’Arabie saoudite ennemie », uniquement en raison de leur travail de journaliste.
« Il est scandaleux que ces courageux journalistes risquent d’être mis à mort uniquement parce qu’ils ont informé le monde des souffrances qui sont endurées au Yémen, a déclaré Heba Morayef, directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnistie internationale.
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, les autorités houthies de facto doivent immédiatement annuler ces peines de mort, abandonner toutes les accusations qui pèsent toujours sur eux et libérer tous les journalistes emprisonnés en raison de leur travail. »
Conditions de détention exécrables et torture
Le 11 avril 2020, le Tribunal pénal spécial de Sanaa a condamné à mort quatre journalistes qui attendaient d’être jugés depuis 2015. Ils faisaient partie d’un groupe de 10 journalistes qui ont été formellement inculpés, en décembre 2018, de toute une série d’infractions, notamment d’espionnage, une infraction punie de la peine de mort.
Une première audience a eu lieu le 9 décembre 2019. Les avocats des journalistes ont été autorisés à assister à cette audience, mais on leur a par la suite interdit d’assister à toutes les autres audiences.
Depuis le début de leur détention en 2015, les 10 journalistes souffrent tous de divers problèmes médicaux, notamment de douleurs au niveau de l’estomac et du côlon, de troubles auditifs, d’hémorroïdes, ainsi que de maux de tête, pour lesquels ils n’ont pas bénéficié d’une prise en charge médicale adaptée.
« Les conditions de détention exécrables dans les prisons et les centres de détention surpeuplés au Yémen en cette période de pandémie de COVID-19 mettent en danger les détenus. Les autorités doivent libérer toutes les personnes détenues en violation de leurs droits fondamentaux et s’efforcer de mettre en place les meilleures mesures de protection possible contre la propagation de la COVID-19, de façon à respecter et protéger les droits humains », a déclaré Radhya Almutawakel, présidente de Mwatana for Human Rights.
Selon la famille d’Abdelkhaleq Amran, en novembre 2016, des personnes détenues au Bureau de la sécurité politique dans des cellules situées à proximité de la sienne l’ont entendu crier pendant qu’on le torturait.
Les cas d’arrestation arbitraire documentés par les organisations de défense des droits humains montrent que les autorités houthies de facto et leurs alliés s’en prennent aux opposant·e·s politiques ainsi qu’aux journalistes, aux militant·e·s des droits humains et aux membres de minorités religieuses.
D’autres personnes ont apparemment été prises pour cible parce qu’elles ont exprimé des inquiétudes au sujet de la prise de contrôle par les forces houthies des institutions publiques, et de leur comportement depuis leur arrivée au pouvoir. En ce qui concerne les minorités religieuses, des personnes – principalement des membres de la communauté baha’ie – sont détenues et jugées en raison de leurs convictions et de leurs activités pourtant pacifiques.
« Nous demandons aux autorités houthies d’ouvrir une enquête efficace, indépendante et impartiale sur les allégations selon lesquelles les journalistes ont subi des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, et d’amener les responsables de ces violences à répondre de leurs actes », a déclaré Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir.
Complément d’information
En septembre 2014, les forces des Houthis et de l’ancien président Ali Abdullah ont pris le contrôle de la capitale du pays, Sanaa. En mars 2015, le conflit s’est intensifié avec l’intervention militaire menée par l’Arabie saoudite et la coalition dirigée par les EAU. À partir de septembre 2014, toutes les parties au conflit au Yémen ont commis des violations répétées et graves du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
Les forces houthies, qui contrôlent de vastes portions du territoire, ont bombardé de manière aveugle des zones d’habitation et tiré sans discernement des missiles en Arabie saoudite. La coalition emmenée par l’Arabie saoudite et les EAU, qui soutiennent le gouvernement yéménite internationalement reconnu, continue de bombarder des infrastructures civiles et de mener des attaques aveugles, faisant des centaines de morts et de blessés parmi la population civile. En outre, toutes les parties au conflit bafouent la liberté d’expression, en recourant à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés en détention.
Les civils sont pris au piège au milieu du conflit et paient le prix fort des violences. À ce jour, plus de 233 000 personnes ont été tuées et blessées. La crise humanitaire qui ne cesse d’empirer a conduit environ 14 millions de personnes au bord de la famine. La situation est aggravée par des années de mauvaise gestion des affaires publiques favorisant la pauvreté et causant d’immenses souffrances. On estime que 22 millions de Yéménites ont actuellement besoin de l’aide humanitaire pour survivre.
« La détention illégale et prolongée ainsi que les actes de torture et les autres mauvais traitements que subissent les journalistes incarcérés au Yémen rappellent que le pays reste en proie à un climat de répression des médias », a déclaré Afrah Nasser, chercheuse sur le Yémen à Human Rights Watch.
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