Les gouvernements européens doivent garantir l’accès en temps voulu et en toute sécurité à des soins d’avortement durant la pandémie de COVID-19
Déclaration conjointe de la société civile – 7 avril 2020
La pandémie de COVID-19 et la crise de santé publique posent de graves difficultés aux systèmes de santé partout en Europe. Alors que les pays européens travaillent pour lutter contre la pandémie, protéger leurs populations et faire face à la pression accrue à laquelle sont soumis le personnel soignant et les établissements de santé, il est essentiel qu’ils prennent des mesures pour protéger la santé, la dignité humaine, l’intégrité physique et mentale et l’autonomie en matière de procréation des femmes et des filles de la région.
Dans de nombreux pays, le manque de mesures gouvernementales destinées à garantir l’accès aux services, produits et informations essentiels en matière de santé sexuelle et reproductive pendant la pandémie est particulièrement préoccupant. Les femmes et les filles sont soumises à des restrictions considérables de leur accès aux services essentiels de santé sexuelle et reproductive, particulièrement en ce qui concerne les soins d’avortement, les soins post-avortement et la contraception d’urgence. Ces restrictions affectent de manière disproportionnée les membres de groupes marginalisés, comme les femmes vivant dans la pauvreté ou souffrant de handicaps, les femmes roms, les migrantes sans papiers, les adolescentes et les femmes qui risquent d’être ou ont été victimes de violences familiales et sexuelles. Ces restrictions engendrent également des risquent injustifiés d’exposition au COVID-19 pour les femmes et les filles et leurs familles, ainsi que pour le personnel soignant.
Les femmes et les filles vivant dans des pays européens où l’avortement est illégal ou considérablement limité, et qui doivent donc se rendre dans d’autres pays pour bénéficier de soins légaux ou bien obtenir des médicaments abortifs envoyés d’autres pays, font face à des obstacles particulièrement graves. Ces problèmes peuvent également se présenter dans des pays où les personnes sont obligées de se soumettre à des procédures administratives particulièrement lourdes et pénibles pour avoir accès à des services d’avortement, ou bien dans les pays où elles peuvent avoir des difficultés à trouver des médecins disposés à leur fournir ces soins.
Nous félicitons les gouvernements qui ont pris rapidement des mesures pour protéger l’accès aux services urgents en matière de santé sexuelle et reproductive pendant cette période, particulièrement en assurant un accès à la télémédecine et aux méthodes d’avortement précoce par voie médicamenteuse à domicile. Nous appelons tous les autres gouvernements européens à suivre cet exemple et à appliquer les instructions des experts en médecine et en santé publique.
Nous appelons les six pays européens où l’avortement est illégal ou gravement restreint à réformer ces lois de toutes urgence, car elles menacent la santé et la vie des femmes. Les limitations des déplacements et des transports aggravent l’impact de ces lois restrictives. Les personnes de ces pays ne peuvent plus se rendre à l’étranger ou obtenir des médicaments abortifs envoyés par des prestataires médicaux d’autres pays. En conséquence, elles sont soumises à des risques accrus en ce qui concerne leur santé et leur bien-être.
Nous appelons les pays dans lesquels l’avortement est légal mais où les services cliniques sont indisponibles ou difficiles d’accès en raison de plusieurs obstacles, comme des exigences médicalement injustifiées forçant les personnes à se rendre dans des établissements de santé à plusieurs reprises ou sans que cela soit nécessaire ou à être obligatoirement hospitalisées, à supprimer ces obstacles et à garantir l’accès aux services. Des mesures urgentes doivent également être prises pour veiller à ce que les refus de soins pour raison de conscience des médecins ne mettent pas en danger l’accès à l’avortement légal en temps voulu.
Conformément aux obligations en matière de droits humains et aux recommandations d’experts médicaux, les mesures suivantes doivent être mises en place et rester en place pendant au moins la durée de la pandémie de COVID-19 :
- Veiller à ce que les soins d’avortement soient considérés comme des soins essentiels et urgents et garantir leur accès en temps voulu ;
- Autoriser et assurer l’accès en temps voulu aux consultations de télémédecine pour toutes les personnes souhaitant obtenir des soins d’avortement ou des informations en la matière. Des mesures spécifiques doivent être adoptées pour veiller à ce que les consultations de télémédecine soient gratuites ou abordables et accessibles facilement pour les groupes marginalisés ;
- Garantir un accès en temps voulu aux méthodes d’avortement précoce par voie médicamenteuse sur tout le territoire et permettre aux médecins de prescrire les médicaments nécessaires lors de consultations de télémédecine ;
- Autoriser les personnes à prendre des médicaments abortifs à domicile. L’obligation imposée dans certains pays européens de prendre un comprimé en présence physique d’un médecin ou dans un établissement médical doit être supprimée ;
- Supprimer le délai d’attente obligatoire avant l’avortement et l’obligation de passer par une prise en charge psychologique, ou veiller à ce que cette prise en charge psychologique puisse être assurée par consultation de télémédecine ;
- Autoriser les médecins généralistes et les sages-femmes à proposer des avortements médicamenteux précoces ;
- Adopter des mesures de protection des systèmes de santé afin de garantir l’accès aux soins dans les cas où l’avortement médicamenteux précoce n’est pas possible ou est contre-indiqué, pour les personnes ayant besoin d’un avortement à un stade de grossesse plus avancé, de soins post-avortement ou de se rendre dans un établissement de santé pour d’autres raisons. Les déplacements doivent être considérés comme essentiels et être autorisés dans ces cas, même si les gouvernements ont pris des mesures pour restreindre la liberté de mouvement ;
- Lorsque l’autorisation d’un médecin est requise, cela doit être limité à un seul médecin. Les exigences d’approbation de l’avortement par plusieurs médecins doivent être supprimées ;
- Garantir un accès en temps voulu à un dépistage prénatal et à un soutien psychologique lorsqu’ils sont demandés ;
- Garantir un nombre suffisant de prestataires disposés à fournir des soins d’avortement et capables de fournir ces soins dans tout le pays et rendre publiques les informations sur la manière d’identifier les professionnels de santé disponibles et disposés à fournir des soins d’avortement. Veiller de toute urgence à ce que les refus de soins ne mettent pas en péril l’accès à l’avortement en temps voulu en temps de crise ;
- Diffuser largement des informations sur les modifications apportées aux politiques en matière santé et de droits sexuels et reproductifs et aux services de santé dans le contexte de la réponse au COVID-19 ;
- Assurer l’accès à la contraception, y compris à la contraception d’urgence, notamment en autorisant les consultations de télémédecine et la vente libre de contraception d’urgence en pharmacie sans ordonnance.
Enfin, nous appelons tou·te·s les responsables politiques en Europe à rejeter toute proposition destinée à restreindre l’accès à des soins d’avortement sécurisé pendant la pandémie de COVID-19. Ces propositions hypocrites ne font qu’exacerber la crise sanitaire actuelle et ont des conséquences néfastes pour la santé, la vie et le bien-être des femmes et des filles.
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