• 13 fév 2020
  • Türkiye
  • Communiqué de presse

Compte à rebours avant la décision de justice

Le 19 février, plus de deux ans après leur arrestation, le tribunal rendra sa décision quant aux accusations dont font l’objet 11 militant·e·s des droits humains, passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. Une chose est sûre : ces personnes sont innocentes et n’ont rien fait de mal.

 

Que leur reproche-t-on ?

Ces personnes n’ont rien fait de mal. Elles se sont battues pour les droits humains en Turquie.

Ces 11 personnes, parmi lesquelles l’ancien président, l’ancienne directrice et plusieurs membres d’Amnistie internationale Turquie, ainsi que des militant·e·s en faveur des droits des femmes et de l’égalité, font l’objet d’accusations absurdes de « terrorisme » alors même qu’aucun élément de preuve crédible n’a été présenté au cours des dix audiences de leur procès.

Depuis leur arrestation en 2017, plus de deux millions de personnes dans le monde, d’Ai Weiwei à Whoopi Goldberg, ont demandé justice pour ces 11 défenseur·e·s des droits humains. Alors que ce procès inique touche à sa fin, nous vous demandons de joindre votre voix à la nôtre et d’envoyer un message de solidarité aux 11 militant·e·s à l’approche du jugement.

Lorsque les personnes qui défendent nos droits sont réduites au silence, nous sommes toutes et tous en danger.

Quand ces personnes ont-elles été arrêtées et de quoi sont-elles accusées ?

Taner Kılıç, qui était président d’Amnistie internationale Turquie, a été arrêté chez lui à Izmir, tôt le matin du 6 juin 2017. Trois jours plus tard, il a été placé en détention provisoire pour des accusations d’appartenance à ce que le gouvernement appelle l’« organisation terroriste de Fethullah Gülen », qu’il accuse d’être à l’origine de la violente tentative de coup d’État de 2016. Sans la moindre preuve, les autorités affirment que Taner avait téléchargé Bylock, une application de messagerie mobile sécurisée que le gouvernement affirme que le groupe utilisait pour communiquer.

Près d’un mois plus tard, le 5 juillet, dix défenseur·e·s des droits humains (les 10 d’Istanbul) ont été arrêté·e·s dans un hôtel sur l’île de Büyükada, à Istanbul, où ils participaient à un atelier sur le bien-être et la sécurité numérique. Les autorités les ont accusé·e·s d’avoir participé à une réunion secrète. Huit de ces dix personnes ont été emprisonnées sur la base de ces allégations.

İdil Eser, Günal Kurşun, Özlem Dalkıran, Veli Acu, Ali Gharavi, Peter Steudtner, Nalan Erkem et İlknur Üstün ont passé 99 jours en détention provisoire avant d’être libérés sous caution après la première audience du procès le 25 octobre 2017 à Istanbul.

Le tribunal a également demandé que l’affaire de Taner soit transférée à Istanbul et jugée dans le cadre du même procès que les 10 d’Istanbul, affirmant que Taner avait dirigé la « réunion secrète de Büyükada », alors même qu’il était emprisonné au moment de ladite réunion. Lors de la première audience de Taner à Izmir, qui s’est tenue le 26 octobre, le tribunal a accepté la demande de transfert du tribunal d’Istanbul, fusionnant ainsi les deux affaires en une seule jugée à Istanbul. Le tribunal a également décidé de prolonger la détention provisoire de Taner. L’affaire a depuis été rebaptisée « procès de Büyükada ».

Le ministère public a ajouté des informations et des documents démontrant les activités légitimes de militantisme en faveur des droits humains trouvés sur les ordinateurs des 10 d’Istanbul saisis. Parmi ces éléments figurent : une campagne visant à empêcher la vente de gaz lacrymogène à la Turquie ainsi que d’autres documents d’Amnistie internationale, une demande de financement pour un projet sur les droits humains et des éléments sur des activités de campagne en faveur de la libération d’enseignants en grève de la faim en détention.

Amnistie internationale a procédé à une analyse détaillée de l’acte d’accusation, examinant chacune des accusations portées contre les 11 prévenu·e·s.

Dernière audience

Lors de la dernière audience tenue en novembre 2019, le procureur général a présenté ses observations finales, requérant la condamnation de Taner Kılıç pour le chef d’accusation d’« appartenance à une organisation terroriste » et d’İdil Eser, Özlem Dalkıran, Günal Kurşun, Veli Acu et Nejat Taştan pour « aide apportée sciemment et volontairement à une organisation terroriste ». Le procureur général a requis l’acquittement de Nalan Erkem, İlknur Üstün, Şeyhmus Özbekli, Ali Gharavi et Peter Steudtner.

Les conclusions préliminaires du procureur général semblent être une copie de l’acte d’accusation, reprenant les accusations sans fondement, qui se sont révélées fausses lors des différentes audiences, comme si tout le procès n’avait jamais eu lieu.

Que se passera-t-il selon toute probabilité lors de la dernière audience ?

Au cours du procès, le procureur général n’a pas apporté de preuve des accusations portées dans le cadre de l’affaire des 11 défenseur·e·s des droits humains. Pour que justice soit rendue, ces 11 personnes doivent être acquittées. Elles n’auraient jamais dû faire l’objet d’enquêtes, et encore moins être emprisonnées et poursuivies.

Le 19 février, le tribunal pourrait décider d’ignorer les réquisitions du procureur en faveur de leur condamnation et de les acquitter. Mais de la même manière, la requête du procureur en faveur de l’acquittement de cinq des défenseur·e·s ne garantit pas leur acquittement. Les 11 personnes risquent toujours d’être déclarées coupables et emprisonnées.

Si le tribunal déclare ne serait-ce qu’une seule de ces personnes coupable, quand bien même une telle décision n’entraînerait pas d’emprisonnement compte tenu du temps que ces personnes ont passé en détention provisoire, il s’agirait d’un grand coup porté contre la population et la société civile indépendante en Turquie.

Quatre des 11 défenseur·e·s sont avocats. Si ces personnes sont condamnées et que leurs déclarations de culpabilité sont confirmées en appel, elles perdraient le droit d’exercer leur profession.

Quelle que soit la décision rendue, il est très probable qu’elle fasse l’objet d’un appel, et les personnes accusées resteront menacées jusqu’à ce qu’elles soient toutes acquittées par la cour d’appel, dont la décision pourrait être rendue plusieurs années après la décision en première instance.

Solidarité envers les défenseur·e·s des droits humains

L’affaire a eu une résonance internationale et les 11 défenseur·e·s des droits humains ont reçu un vaste soutien international. Plus de 2 millions de personnes ont signé la pétition appelant à leur libération et à l’abandon des charges absurdes dont elles font l’objet.

Des gouvernements, des institutions et des représentants politiques du monde entier, ainsi que de nombreux artistes et célébrités, notamment Zoë Kravitz, Ben Stiller, Mark Ruffalo, Whoopi Goldberg, Zach Galifianakis, Annie Lennox, Bono, Peter Gabriel, Juliette Binoche, Jane Birkin, Angélique Kidjo, Patrick Stewart, Sting, Catherine Deneuve et Ai Weiwei, ont appelé à la libération de ces militant·e·s pendant leur détention provisoire et à l’abandon des charges.