L’arrivée du nouveau gouvernement est l’occasion de rompre avec l’impunité du passé
Le nouveau gouvernement tunisien doit saisir l’occasion qui lui est donnée de mettre un terme à l’impunité persistante de membres des forces de sécurité accusés de violations des droits humains, a déclaré Amnistie internationale dans une lettre ouverte au Premier ministre.
À l’occasion de l’investiture du Premier ministre Elyes Fakhfakh jeudi 27 février, Amnistie internationale a demandé au gouvernement de s’engager publiquement à adopter une politique de tolérance zéro face aux violations des droits humains, et de veiller à ce que l’obligation de rendre des comptes pour les crimes du passé - ainsi que ceux commis par les forces de sécurité depuis 2011 - soit une priorité.
« Si des changements positifs et profonds ont eu lieu ces neuf dernières années sur le terrain des libertés politiques, le secteur de la sécurité en Tunisie est en grande partie inchangé et ses acteurs ne sont toujours pas tenus de rendre des comptes », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.
« Tolérer cette impunité persistante envoie le message que commettre des violations graves des droits humains est sans conséquence - ce qui compromet totalement les efforts visant à mettre fin à des pratiques telles que la torture et le recours excessif à la force.
« Il est grand temps que les autorités tunisiennes prennent des mesures pour en finir avec l’impunité, en garantissant que les plaintes relatives à des violations des droits humains, notamment la torture, donnent lieu en urgence à des enquêtes indépendantes et impartiales, et que les responsables présumés soient amenés à rendre des comptes au terme de procès équitables.
« Il est inacceptable que plus de neuf ans après le soulèvement en Tunisie, la plupart des allégations crédibles contre des membres des forces de sécurité n’aient toujours pas donné lieu à des poursuites. »
L’immense majorité des enquêtes dans le cadre desquelles des membres des forces de sécurité sont des suspects ne débouchent pas sur des poursuites dignes de ce nom contre les auteurs présumés. Cela fait sérieusement douter de l’indépendance et de l’impartialité de ces investigations. En avril 2019, Amnistie internationale a attiré l’attention sur quatre cas dans lesquels les victimes et familles de victimes attendaient encore que justice soit rendue ; dans deux de ces affaires, le recours à une force injustifiée ou excessive par des policiers a fait des morts.
Une occasion historique d’assurer la justice de transition
La lettre ouverte met également l’accent sur l’importance de la concrétisation du concept de justice de transition, par le biais de la protection du processus d’obligation de rendre des comptes entamé en 2018. Elle demande aussi que le nouveau gouvernement respecte les conditions fixées par la législation relative à la justice de transition, en particulier la publication du rapport de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) ainsi que du plan de mise en œuvre des recommandations qu’il contient.
Sous le gouvernement précédent, le processus de justice de transition a été entravé par une absence de volonté concernant la suite à donner aux conclusions de l’IVD, et par la réticence de certains acteurs gouvernementaux à apporter leur aide dans le cadre d’enquêtes en cours.
« Le nouveau gouvernement se voit offrir une occasion historique de tenir la promesse représentée par le processus de justice de transition pour les milliers de victimes en attente de justice depuis des décennies », a déclaré Heba Morayef.
La lettre contient aussi des recommandations prioritaires, que le gouvernement doit suivre afin que l’application de mesures d’exception ne continue pas à se solder par de nouvelles violations des droits humains, et salue les engagements pris par le gouvernement dans le but de respecter l’indépendance de la justice.
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