• 13 jan 2020
  • Royaume-Uni
  • Communiqué de presse

Le gouvernement britannique empêche de manière « délibérée et nuisible » les réfugiés mineurs d’être réunis avec leur famille - Nouveau rapport

Le gouvernement britannique prive de manière délibérée et nuisible les réfugiés mineurs de la possibilité d’être réunis avec leur famille, écrivent Amnistie internationale Royaume-Uni, le Conseil pour les réfugiés et Save the Children dans un nouveau rapport publié le 13 janvier 2020.

Intitulé Without My Family, ce rapport de 38 pages montre que les règles appliquées par le gouvernement britannique en matière de regroupement familial des réfugiés, qui empêchent les réfugiés mineurs au Royaume-Uni d’être rejoints par leur famille, vont à l’encontre du droit national et piétinent le droit international, causant des préjudices irréversibles aux mineurs dans ce pays.

En vertu du droit britannique, les réfugiés adultes qui reconstruisent leur vie dans le pays peuvent parrainer leurs proches immédiats pour qu’ils les rejoignent. Or, les réfugiés mineurs sont privés de ce droit. Le Royaume-Uni est l’un des seuls pays d’Europe à ne pas autoriser les réfugiés mineurs à parrainer leurs proches dans ce but.

Fondé sur des témoignages recueillis auprès de mineurs et de jeunes âgés de 15 à 25 ans, tous arrivés au Royaume-Uni lorsqu’ils avaient moins de 18 ans, le rapport passe en revue les effets dévastateurs de la séparation familiale sur les mineurs réfugiés dans ce pays, notamment l’angoisse permanente, la peur pour la sécurité de leurs familles et, parfois, de graves conséquences sur leur santé mentale.

Habib*, 17 ans, a fui le Soudan après avoir été torturé et emprisonné alors qu’il n’avait que 15 ans. Il s’est rendu en Libye, laissant derrière lui sa mère et ses jeunes frères et sœurs. En Libye, il n’était pas en sécurité et a été tellement maltraité que, même après plusieurs années, il parlait encore de ses flashbacks. Il a finalement trouvé refuge au Royaume-Uni, mais demeure séparé de sa famille. Il a déclaré :

« Je n’ai pas vu ma famille depuis près de trois ans maintenant. C’est long, et ma mère me manque. C’est vraiment dur. C’est quelque chose que l’on ne peut pas oublier. On peut l’enfouir, mais pas l’oublier… Être coupé de ma famille, c’est comme avoir un corps sans âme. »

Les travailleurs sociaux et d’autres professionnels ont évoqué leur détresse lorsqu’ils voient les mineurs dont ils s’occupent se débrouiller sans famille. Le rapport met aussi en évidence les critiques soutenues visant la politique du gouvernement – juges de haut rang, commissions parlementaires d’experts et Comité des droits de l'enfant.

En 2018, des députés de toutes tendances politiques ont voté à une écrasante majorité en faveur de la modification de ces règles nocives. Pourtant, le gouvernement ne cesse de retarder et de bloquer ce processus. Amnistie internationale, le Conseil pour les réfugiés et Save the Children demandent une action urgente pour que les réfugiés mineurs bénéficient de l’égalité des chances s’agissant de vivre avec leur famille.

Kate Allen, directrice d’Amnistie internationale Royaume-Uni, a déclaré :

« Le gouvernement britannique empêche de manière délibérée et destructrice les réfugiés mineurs d’être réunis avec leur famille. Une simple modification de sa politique transformerait la vie de ces jeunes et contribuerait à ce qu’ils grandissent dans un environnement sûr, entourés des personnes dont ils ont le plus besoin et qu’ils aiment le plus. »

Maurice Wren, directeur du Conseil pour les réfugiés, a déclaré :

« Au Royaume-Uni, les règles du regroupement familial pour les réfugiés sont une violation flagrante des obligations légales qui incombent au gouvernement, tenu d’agir en tous temps dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour la plupart des mineurs séparés de leur famille, retrouver leurs proches est incontestablement dans leur intérêt supérieur. Pourtant, au Royaume-Uni, nous ne choisissons pas cette option, pour une raison inhumaine : cela peut en dissuader d’autres de rechercher sécurité et protection. Face aux preuves évidentes dans ce rapport des préjudices que la séparation forcée cause aux enfants, le ministre de l’Intérieur devrait entendre raison et modifier ces règles sans plus attendre. »

Daniela Reale, directrice du programme Protection de l’enfant et du groupe de travail sur les enfants migrants à Save the Children Royaume-Uni, a déclaré :

« Il est clair que maintenir les enfants séparés de leur famille a des répercussions durables au niveau psychologique et social, en termes de santé et de développement, et ce à tout âge. Les mineurs ont le droit de grandir avec leur famille et les gouvernements ont le devoir de protéger les enfants. Le Royaume-Uni doit changer les règles pour que les réfugiés mineurs puissent retrouver leurs proches. »

Amnistie internationale est la plus grande organisation de défense des droits humains, avec plus de sept millions de sympathisants et sympathisantes à travers le monde.

Informations complémentaires sur Without My Family

*Tous les noms ont été modifiés pour protéger les identités.

Des règles préjudiciables

Seuls 1 070 enfants – moins de trois par jour – ont été reconnus en tant que réfugiés au Royaume-Uni cette année. Après qu’ils ont fui la guerre, la persécution et les atteintes aux droits humains, le gouvernement britannique a reconnu leur statut de réfugiés et déclaré qu’ils ne seraient pas en sécurité s’ils retournaient dans le pays qu’ils ont fui. Cependant, il ne leur permet pas d’être réunis avec leurs proches.

Dans ce rapport réalisé par Amnistie internationale, le Conseil pour les réfugiés et Save the Children, les recherches montrent comment la politique du gouvernement britannique en matière de regroupement familial :

  • empêche les réfugiés mineurs ayant cherché à se mettre en sécurité au Royaume-Uni d’être rejoints par leurs parents et leurs frères et sœurs ;
  • place le Royaume-Uni parmi les rares pays en Europe qui refusent d’accorder aux réfugiés mineurs le droit d’être réunis avec leur famille proche, et
  • va directement à l’encontre du droit national et international, bafouant le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Fuir pour rester en vie

Les jeunes interviewés dans le cadre de ce rapport racontent qu’ils ont cherché refuge au Royaume-Uni parce qu’ils ont été contraints de fuir leur pays d’origine, après avoir vu leurs maisons détruites et leurs proches tués, ou après avoir subi tortures et persécutions.

La plupart avaient été directement pris pour cibles, soit pour être enrôlés de force, soit en étant interrogés et torturés par les forces de sécurité de leur propre pays.

Rifat, 17 ans, a déclaré que ses parents lui avaient toujours dit qu’il resterait avec eux en Syrie :

« Mais lorsque [l’armée] est venue chez nous et a dit " Tu vas nous rejoindre au combat ", cette fois-ci je me suis caché pendant un mois à la maison, puis mon père m’a appris qu’ils avaient emmené le fils de nos voisins, âgé de 15 ans, comme moi, et je me suis enfui. Ils ne voulaient pas que je parte, mais c’était pour ma sécurité. Ils enrôlent tous les jeunes. »

Les répercussions de la vie sans leur famille

Dans le cadre du rapport, divers professionnels – travailleurs sociaux, assistantes sociales, avocats – ont évoqué le degré élevé de détresse qu’ils constatent chez les mineurs réfugiés au Royaume-Uni mais séparés de leurs parents. Tous ont souligné le rôle crucial de la famille s’agissant de garantir la sécurité physique de l’enfant et de répondre à ses besoins en termes de développement et dans des domaines comme l’éducation, l’intégration sociale, le bien-être et l’identité.

Diana, travailleuse sociale qui a suivi Hemin, 16 ans, venu d’Irak, a déclaré :

« Hemin tremble beaucoup, c’est un enfant de la guerre, et sa maman veillait toujours, lorsqu’il était effrayé et qu’il tremblait, à dormir à côté de lui. Il me dit toujours que ce sont les petites choses qui font les grandes, lorsqu’il parle de sa maman. »

Les éléments de preuve attestent de ce que les réfugiés mineurs vivent de multiples événements traumatiques, outre le stress lié au déplacement, et sont beaucoup plus sujets à la détresse psychologique que les autres jeunes.

Binar, 17 ans, originaire d’Irak, a déclaré :

« J’ai été emmené à l’hôpital parce que j’étais dans un très mauvais état au niveau mental. Je l’ai mal vécu. Ils m’ont prescrit des cachets très forts. Des comprimés et des injections… Ma vie a changé après mon hospitalisation. Je suis devenu une autre personne. J’ai vécu une expérience si difficile… C’est parce que j’ai été séparé de ma famille et je pensais à eux tout le temps. »

La loi en vigueur concernant le regroupement familial pour les mineurs

La politique du Royaume-Uni en matière de regroupement familial pour les mineurs va à l’encontre de ses obligations légales découlant du droit national, régional et international relatif aux droits humains, ainsi que du droit international humanitaire et du droit relatif aux réfugiés.

Au Royaume-Uni, les règles en matière d’immigration autorisent les réfugiés adultes à parrainer leur conjoint ou leurs enfants à condition qu’ils aient moins de 18 ans. Cependant, les réfugiés mineurs sont explicitement exclus de cette disposition.

Le fait que les mineurs ne bénéficient pas du droit au rapprochement familial pour les adultes de leur famille ne prend pas pleinement en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ce principe exige d’envisager une solution durable, qui suppose de rapprocher les parents et les frères et sœurs. Du fait de cette règle, les réfugiés mineurs au Royaume-Uni sont condamnés à vivre séparés de leur famille, bien souvent élevés par les services sociaux britanniques. Leur sécurité et leur bien-être ne sont pas garantis au Royaume-Uni.

Vivre avec ses plus proches parents est souvent essentiel pour qu’un réfugié puisse s’intégrer et se rétablir. La séparation de sa famille proche est rarement dans l’intérêt supérieur de l’enfant et peut compromettre son bien-être et son développement.

L’argument du gouvernement britannique : infondé et indéfendable

Le rapport relate qu’aucun élément ne vient étayer l’argument du gouvernement selon lequel la perspective du regroupement familial pourrait encourager les familles à envoyer des mineurs non accompagnés en Europe, afin qu’ils servent d’« ancre » aux autres membres de la famille. Le rapport présente des éléments de preuve comparables dans d’autres pays et les critiques croissantes émanant des Nations unies, des tribunaux britanniques de l’immigration et des députés.

Le Comité restreint du ministère de l’Intérieur britannique a récemment qualifié de « perverses » les règles du regroupement familial pour les réfugiés.

Recommandations :

Amnistie internationale, le Conseil pour les réfugiés et Save the Children, ainsi que la coalition Families Together, demandent la modification des règles du regroupement familial pour les réfugiés :

  1. Les réfugiés mineurs au Royaume-Uni doivent avoir le droit de parrainer leurs parents proches, afin qu’ils puissent reconstruire leurs vies ensemble et les aident à s’intégrer dans leur nouvelle communauté.
  2. Il faut élargir la notion de « famille » afin que les jeunes qui ont eu 18 ans et les parents âgés puissent vivre en sécurité entourés de leur famille au Royaume-Uni.
  3. Il faut réintroduire l’assistance juridique afin que les réfugiés ayant tout perdu bénéficient du soutien dont ils ont besoin pour payer et se frayer un chemin à travers la procédure complexe du regroupement familial.

 

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