Il faut ouvrir une enquête sur la mort de trois personnes au cours de la dispersion d’une manifestation
Les autorités nigériennes doivent immédiatement ouvrir une enquête indépendante sur les circonstances de la mort le week-end dernier, de trois personnes après qu’un rassemblement à l’appel de la société civile a été dispersé dans la capitale Niamey, a déclaré Amnistie internationale aujourd’hui.
Deux femmes et un homme sont morts durant la dispersion par gaz lacrymogène de ce rassemblement dont les organisateurs demandaient l’ouverture d’enquêtes sur les détournements de fonds révélés par un audit du ministère de la Défense. D'importants dégâts matériels ont été enregistrés dans l'incendie de plusieurs commerces près du marché Tagabati.
« Les autorités doivent ouvrir une enquête impartiale sur les circonstances de la mort de ces trois personnes, et s’il s’avère qu’elles ont été tuées par des forces de sécurité pendant la dispersion du rassemblement, engager des poursuites contre les personnes suspectées devant les tribunaux ordinaires, » a déclaré Kiné-Fatim Diop, chargée de campagnes pour l’Afrique de l’Ouest à Amnistie internationale.
La manifestation était organisée dans un contexte où les autorités avaient, pour prévenir le COVID-19, pris des mesures d’interdiction de regroupements notamment à caractère politique, sportif et culturel susceptibles de rassembler au moins 1.000 personnes.
Au moins 15 personnes dont six leaders de la société civile ont ainsi été arrêtés entre dimanche et ce mardi pour avoir participé à cette manifestation non-autorisée, et détenus dans les locaux de la police judiciaire.
« Les mesures prises pour lutter contre le COVID-19 doivent rester nécessaires et proportionnelles au but de protection de la santé publique recherché par les autorités nigériennes. Les personnes arrêtées doivent être libérées dans les meilleurs délais ou présentées devant un tribunal. En attendant leur libération, les autorités doivent respecter leurs droits de visite y compris par des institutions indépendantes, » a déclaré Kiné-Fatim Diop.
« Si des mesures de restriction du droit à la manifestation pacifique peuvent être légitimement adoptées dans la prévention contre le COVID-19, elles ne peuvent servir de prétexte à réprimer la liberté d’expression ni faire taire les voix dissidentes. »
Alors qu’aucun cas de COVID-19 n’est signalé au Niger, les journalistes sont ciblés dans la prévention de la pandémie. Le 14 mars dernier, le rédacteur en chef et une journaliste de la Télévision Labari ont été convoqués à la police judiciaire à la suite d’une interview sur le COVID-19 accordée par le docteur vétérinaire Zoulkarneyni Maiga. Ce dernier a aussi été convoqué et a été libéré le soir du 16 mars. Amnistie internationale a pu obtenir la vidéo de l’interview et le Dr Maiga n’a fait que parler de l’origine du virus et expliquer les étapes de son développement, tout en demandant au public d’appliquer les mesures de prévention.
Depuis le 5 mars, un autre journaliste, Kaka Mamane Touda est arbitrairement détenu après son post sur Facebook alertant sur un possible cas de COVID-19 au Niger. Son procès prévu lundi dernier, a été reporté au 23 mars pour absence de partie civile.
« Le droit à l’information est un élément essentiel de la lutte contre la pandémie du COVID-19. Le gouvernement nigérien ne doit pas s’en prendre aux journalistes et médecins qui tentent de partager sur les réseaux sociaux des informations sur cette pandémie, » a déclaré Kiné-Fatim Diop.
« Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer le journaliste Kaka Mamane Touda, et abandonner les poursuites contre les journalistes de Labari TV ainsi que le Dr Maiga. »
Complément d’information
Le vendredi 13 mars dernier, les autorités nigériennes ont rendu public un communiqué du conseil des ministres concernant des mesures prises pour lutter contre la propagation du COVID-19, y compris l’interdiction de tous les regroupements susceptibles de mettre ensemble au moins 1000 personnes.
Très tôt dans la matinée du dimanche 15 mars, les forces de sécurité ont bloqué toutes les voies menant à la Place de la concertation à Niamey, lieu prévu pour le rassemblement. Des leaders de la société civile seront par la suite arrêtés pour avoir participé à une manifestation non-autorisée.
Karim Tanko, secrétaire financier de Tournons la Page (TLP Niger), Moussa Tchangari, secrétaire général de Alternative Espace Citoyen et Halidou Mounkaila du Syndicat des enseignants (SYNACEB) ont été arrêtés séparément.
D’autres leaders interpellés comprennent Moundi Moussa, journaliste syndicaliste et membre de TLP. Sani Chekaraou, président des commerçants grossistes de Niamey a aussi été interpellé après avoir lancé un mot d’ordre de ville morte le 16 mars. Habibou Soumaila, le secrétaire à la communication et à l’information de la coordination régionale de Niamey de TLP Niger a été interpellé ce matin.
Hier lundi 16 mars, Maikoul Zodi, coordinateur national de Tournons la Page (TLP) a été convoqué par la police judiciaire mais n’a pas été interpellé.
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