• 7 avr 2020
  • Maroc et Sahara occidental
  • Communiqué de presse

Il faut libérer sans attendre les journalistes et les manifestant·e·s pacifiques détenus risquant d’être exposés au COVID-19

Les autorités marocaines doivent libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes emprisonnées uniquement pour avoir manifesté ou exprimé pacifiquement leurs opinions, dont des dizaines de manifestant·e·s du mouvement du Hirak du Rif, de rappeurs, de blogueurs et de journalistes, a déclaré Amnistie internationale le 6 avril 2020 alors que les craintes grandissent face à la propagation du COVID-19 dans les prisons.

En outre, il faut envisager rapidement des alternatives à la détention pour les détenu·e·s âgés ou qui souffrent de maladies préexistantes, s’ils ne représentent pas de menace pour eux-mêmes ni pour la société, et mettre en œuvre la présomption de libération pour les personnes inculpées qui sont dans l’attente de leur procès.

« La sombre perspective de la propagation du COVID-19 dans les prisons devrait inciter les autorités marocaines à libérer les dizaines de personnes détenues uniquement pour avoir exprimé leurs opinions ou exercé leur droit de manifester. Ces personnes pacifiques n’auraient jamais dû être incarcérées au départ, a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale.

« À celles et ceux qui demeurent en détention ou en prison, le gouvernement marocain doit dispenser un niveau de soins médicaux qui réponde aux besoins de chacun·e et garantisse la protection la plus efficace possible contre la propagation du COVID-19. »

Au cours des six derniers mois, les autorités marocaines ont durci leur intolérance à l’égard de celles et ceux qui osent exprimer leurs opinions librement. Entre novembre 2019 et janvier 2020, au moins 10 personnes, dont un journaliste et deux rappeurs, ont été interpellées et condamnées à des peines de prison en raison de l’exercice légitime de leur droit à la liberté d’expression en ligne. Toutes sont accusées d’« outrage à des fonctionnaires ou à des institutions publiques » et sept d’entre elles sont actuellement emprisonnées dans diverses régions du Maroc.

Le militant Abdelali Bahmad, alias Ghassan Bouda, purge une peine d’un an de prison pour « outrage » à la monarchie, au motif qu’il a publié sur sa page des posts en soutien aux manifestations du mouvement du Hirak. Les blogueurs Moul El Hanout et Youssef Moujahid purgent une peine de quatre ans de prison, un tribunal de Rabat les ayant déclarés coupables d’outrage à des « fonctionnaires » et à des « institutions » et d’« incitation à la haine », pour avoir publié des vidéos dans lesquelles ils ont exercé de manière légitime leur droit à la liberté d’expression en ligne.

Selon l’Association marocaine des droits humains (AMDH), en mars 2020, le nombre de personnes détenues à travers le pays pour avoir exprimé de manière légitime leurs opinions atteignait 110.

Les prisons au Maroc connaissent une forte surpopulation et une part importante de la population carcérale se compose de personnes placées en détention dans l’attente de leur procès. En novembre 2019, Mustapha Ramid, ministre d’État chargé des Droits de l’homme et des Relations avec le Parlement, a informé les membres de la chambre haute du Parlement marocain que le taux de surpopulation dans les prisons s’élevait à 138 %, avec un total de 83 747 personnes détenues en 2018. D’après le ministre de la Justice, en 2018, 40 % de l’ensemble de la population carcérale se trouvait en détention provisoire.

« Le gouvernement doit aussi envisager sérieusement d’adopter des mesures non privatives de liberté pour les personnes accusées de délits mineurs ou qui sont particulièrement vulnérables au COVID-19, comme les détenu·e·s âgés ou souffrant de graves pathologies médicales », a déclaré Heba Morayef.

Ces dernières années, plusieurs détenu·e·s ont observé des grèves de la faim pour demander l’accès à de meilleurs soins de santé ou des droits de visite renforcés. Il s’agit entre autres de nombreux prisonniers du mouvement du Hirak, condamnés par un tribunal de Casablanca à de lourdes peines de prison pour avoir pris part au mouvement de justice sociale qui a agité le Rif, région du nord du Maroc, tout au long de l’année 2017. Amnesty International avait qualifié ce procès d’erreur judiciaire, car le tribunal s’était appuyé sur des « aveux » extorqués sous la torture pour condamner 43 hommes qui avaient participé aux manifestations.

Les leaders du mouvement Nabil Ahamjik et Ahmed Zefzafi ont entamé une grève de la faim le 22 février pour réclamer l’accès à des soins médicaux et des droits de visite. Tous deux ont dû y mettre un terme le 17 mars, par peur de la propagation du COVID-19.

Complément d’information

Selon le ministère de la Santé, au 6 avril, le nombre total de cas confirmés de COVID-19 au Maroc et au Sahara occidental s’élevait à 1 021 ; 70 personnes sont mortes de complications liées au coronavirus COVID-19 et 76 ont guéri. Le 16 mars, les autorités judiciaires marocaines ont annoncé la suspension des audiences jusqu’à nouvel ordre, à l’exception des audiences relatives à des affaires impliquant des personnes poursuivies en état de détention, à des dossiers en référé et à des dossiers d'instruction.

Le 5 avril, le roi Mohammed VI a gracié 5 654 détenus et donné l’ordre de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la protection des personnes détenues dans les prisons, tout particulièrement contre la propagation de l’épidémie de COVID-19, a annoncé le ministère de la Justice le 5 avril.

Le 20 mars, le ministère de l’Intérieur a annoncé le confinement total de la population jusqu’au 20 avril. Le 23 mars, le Parlement a adopté le décret-loi n°2.20.292 portant sur les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire. Il prévoit des peines d'un à trois mois de prison pour toute personne qui enfreint les mesures d’urgence.

Le 28 mars, le secrétaire général de la présidence du ministère public a indiqué que la police a procédé à l’arrestation d’environ 450 personnes pour violation de l’état d’urgence sanitaire et de 56 personnes pour publication de fausses informations au sujet du nouveau Coronavirus (COVID-19).

 

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