Amnistie internationale demande la libération immédiate et sans condition d’un artiste et prisonnier d’opinion
L’artiste cubain Luis Manuel Otero Alcántara est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement en raison de ses convictions exprimées de manière pacifique, et doit être libéré immédiatement, a déclaré Amnistie internationale vendredi 13 mars. Figure du mouvement s’opposant au décret 349, une loi dystopique qui sert à censurer les artistes, il est incarcéré dans l’attente d’un procès qui devait initialement débuter le 11 mars, mais a finalement été reporté.
« Il est absolument scandaleux que le gouvernement cubain continue de museler toutes les voix qui ne sont pas en adéquation avec sa position officielle. Luis Manuel Otero Alcántara est un prisonnier d’opinion et nous demandons aux autorités cubaines de le libérer immédiatement et sans condition », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnistie internationale.
Selon les informations recueillies par Amnistie internationale, Luis Manuel Otero Alcántara serait poursuivi pour « outrage aux symboles de la patrie » (article 203 du Code pénal) – une infraction non conforme aux normes internationales en matière de droits humains – et pour « dégradation » de biens (article 339).
D’après l’ONG Cubalex, Luis Manuel Otero Alcántara a été arrêté arbitrairement plus de 20 fois au cours des 30 derniers mois. Avant sa dernière arrestation, il avait annoncé sur Facebook qu’il prévoyait de participer à une manifestation organisée par des militants LGBTI en réponse à la censure présumée par l’État d’un film où deux hommes s’embrassent.
Lors d’un entretien avec Amnistie internationale en juin 2019, Luis Manuel Otero Alcántara avait déclaré : « Je suis comme la partie émergée de l’iceberg. D’innombrables artistes à Cuba sont concernés. [Les autorités] s’en prennent à moi parce que je suis censé être le plus visible des jeunes artistes militants ; elles veulent envoyer un message : “Si nous enfermons celui-ci, regardez ce que nous pouvons tous vous faire.” »
Cuba est le seul pays de la région Amériques où les pouvoirs publics ne laissent pas entrer Amnistie internationale.
L’organisation demande à tous les artistes, les journalistes et les militants LGBTI d’appeler les autorités cubaines à libérer Luis Manuel Otero Alcántara immédiatement et sans condition.
Complément d'information
Au titre du décret 349, tous les artistes, y compris les collectifs d’artistes, les musiciens et les comédiens, ont l’interdiction de se produire dans des lieux publics ou privés sans l’autorisation préalable du ministère de la Culture. Les particuliers et les entreprises qui engagent des artistes sans cette autorisation peuvent être sanctionnés et les artistes qui travaillent sans autorisation préalable encourent une confiscation de leur matériel et une lourde amende. Le nouveau décret prévoit également que les autorités ont le pouvoir de suspendre immédiatement une représentation et de proposer l’annulation de l’autorisation accordée pour une activité artistique. Ces décisions ne peuvent faire l’objet d’un recours que devant le ministère de la Culture (article 10) : le décret ne prévoit pas de recours effectif permettant de faire appel d’une telle décision devant un organe indépendant, pas même devant les tribunaux.
Ce texte contient des restrictions formulées en des termes vagues et excessivement larges concernant l’expression artistique. Par exemple, il interdit les contenus audiovisuels contenant, entre autres choses, « l’utilisation de symboles patriotiques qui contreviennent à la législation en vigueur » (article 3a), « un langage sexiste, vulgaire ou obscène » (article 3d) et « tout autre [contenu] contrevenant aux dispositions législatives qui réglementent le développement normal de notre société en matière de culture » (article 3g). De plus, il érige en infraction la « commercialisation de livres dont les contenus portent atteinte aux valeurs éthiques et culturelles » (article 4f).
Le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière disposent que toute restriction du droit à la liberté d’expression, y compris l’expression artistique, doit être prévue par la loi et définie de façon suffisamment précise pour éviter toute interprétation ou application trop vague ou arbitraire, sous une forme qui soit accessible au public et qui indique clairement quel comportement est érigé en infraction.
En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Cuba est tenu de s’abstenir de tout acte allant à l’encontre de l’esprit et des objectifs de ce traité. L’article 19 du PIDCP protège spécifiquement le droit à la liberté d’expression, qui comprend la « liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce [...] », y compris « sous une forme [...] artistique ».
Amnistie internationale s’est déjà déclarée préoccupée par le fait que le décret 349 risque d’avoir un effet dissuasif sur les artistes à Cuba, ce qui les empêcherait de mener leur travail légitime, de peur des représailles.
L’article 203 du Code pénal cubain, dont l’une des dispositions semble invoquée pour poursuivre Luis Manuel Otero Alcántara, ne respecte pas les normes internationales car il a pour effet de limiter la liberté d’expression. Amnistie internationale s’oppose aux lois qui interdisent le manque de respect à l’égard des chefs de l’État ou des personnalités publiques, de l’armée ou d’autres institutions, de drapeaux ou d’autres symboles (telles les lois sur la lèse-majesté et l’outrage).
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