Deux ans après l’assassinat de Marielle Franco, les autorités de Rio de Janeiro doivent répondre aux questions qui demeurent sans réponse
Deux ans après l’assassinat de la défenseure des droits humains et conseillère municipale de Rio de Janeiro, Marielle Franco, et de son chauffeur Anderson Gomes, le 14 mars 2018, ce crime demeure non résolu et illustre l’impunité en matière de violence contre les défenseurs des droits humains au Brésil, a déclaré Amnistie internationale le 14 mars 2020.
« Deux années d’attente, c’est trop long. L’enquête poursuivie l’an dernier s’est caractérisée par l’absence d’éléments solides permettant d’identifier les commanditaires et de faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat, ce qui démontre que des défenseurs des droits humains peuvent être tués au Brésil et que ces crimes restent impunis, a déclaré Jurema Werneck, directrice exécutive d’Amnistie internationale Brésil.
« Le Brésil doit faire avancer l’enquête et faire savoir à la communauté internationale qu’il ne tolèrera pas ce type de violence, pas plus qu’aucune autre, contre des personnes comme Marielle Franco, mobilisées pour façonner des sociétés plus justes. Nous savons que l’enquête est menée dans le plus grand secret, mais faire preuve de transparence ne veut pas dire divulguer des secrets. Les familles de Marielle et d’Anderson, et la société dans son ensemble, ont le droit de connaître les mesures prises et l’état d’avancement de l’enquête. »
Le placement en détention provisoire, le 12 mars 2019, de deux hommes accusés d’avoir tué Marielle Franco et Anderson Gomes, fut une phase importante de l’enquête. Elle semble cependant devoir stagner depuis, s’agissant de clarifier les circonstances entourant leur assassinat, qui l’a commandité et pourquoi.
Le 13 mars 2019, Amnistie internationale et la famille de Marielle Franco ont rencontré le gouverneur de l’État de Rio de Janeiro, Wilson Witzel, et le procureur général de cet État, Eduardo Gussem, qui ont promis de faire progresser les investigations sur les homicides et de conclure l’enquête, tout en garantissant sa rapidité, son indépendance et sa transparence. Pourtant, loin de voir cette promesse se réaliser, 2019 s’est caractérisée par des fuites d’informations sur l’affaire, créant l’impression que les autorités s’étaient égarées dans un labyrinthe.
« Nous ne pouvons pas nous abstenir de plaider, de lutter et de réclamer justice pour Marielle, qui œuvrait à construire une vie meilleure pour ses concitoyens. Et nous ne pouvons pas rester assis sans rien faire, sans solliciter les autorités compétentes et aller partout pour demander justice et tenter de découvrir qui a commandité l’assassinat de Marielle et pourquoi. Nous allons poursuivre avec tout le soutien que nous recevons du monde entier, parce qu’aujourd’hui Marielle est un symbole de résistance pour tous, et particulièrement pour les femmes », a déclaré Marinete da Silva, la mère de Marielle Franco.
Monica Benicio, la veuve de la conseillère assassinée, a déclaré avoir vécu « deux années de grande douleur et de lutte. Transformer le chagrin en combat était un moyen de rester en vie sans ma partenaire, mais aussi de comprendre que se battre pour obtenir justice pour son assassinat est une manière d’honorer son combat en tant que défenseure des droits humains, pour que la violence barbare qui lui a ôté la vie n’ait plus droit de cité au Brésil. Le message que l’État brésilien adresse au monde est que certaines vies importent plus que d’autres et que cela peut se reproduire puisque l’impunité règne pour ceux qui tuent une femme noire, LGBTI, issue d’un milieu défavorisé. Combien d’autres Marielles doivent mourir au Brésil ? »
Amnistie internationale a sollicité de nouveaux entretiens avec le gouverneur de Rio de Janeiro et le procureur général de l’État, dans l’espoir d’être informée des démarches entreprises dans le cadre de l’enquête tout au long de l’année dernière et afin de leur rappeler la pression internationale qui s’exerce sur eux pour obtenir des réponses. Ces rencontres doivent avoir lieu vendredi 13 mars. Depuis le premier jour de cette affaire, 983 000 personnes dans le monde ont participé à la campagne d’Amnistie internationale en faveur de la vérité et de la justice.
« Nous voulons donner encore plus de force aux voix des 983 000 personnes qui, au cours des deux dernières années, ont contribué aux efforts d’Amnistie internationale pour faire pression sur les autorités et obtenir justice. Nous voulons qu’un maximum de personnes saisissent l’importance de ce que Marielle Franco a fait pour les plus défavorisés à Rio de Janeiro et au Brésil, ainsi que sa détermination à défendre les droits humains. Marielle n’était pas meilleure qu’une autre et n’aurait pas voulu bénéficier d’un traitement spécial, mais lorsqu’une personne qui défend les droits humains est réduite au silence, les droits de tous sont menacés », a déclaré Jurema Werneck.
Dans son rapport annuel de 2019 sur la situation des droits humains dans les Amériques, publié le 27 février, Amnistie internationale notait que l’Amérique latine est la région la plus dangereuse au monde pour les défenseurs des droits humains. L’an dernier, au Brésil, les pouvoirs publics ont mis en pratique une rhétorique hostile à l’égard des droits humains en prenant des mesures administratives et législatives qui ont des effets tangibles, limitant et bafouant les droits de la population.
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