Un tribunal houthi condamne à mort 30 représentants politiques de l’opposition à l’issue d’un simulacre de procès
Trente universitaires et personnalités politiques faisant l’objet d’accusations forgées de toutes pièces, notamment de l’accusation d’espionnage au profit de la coalition menée par l'Arabie saoudite, ont été condamnés à mort par le tribunal pénal spécialisé (TPS) houthi basé à Sanaa, à l’issue d’un procès totalement inique, a déclaré Amnistie internationale.
Sur les 36 personnes jugées, 30 ont été condamnées à mort. Parmi elles figure Youssef al Bawab, professeur de linguistique et personnalité politique, père de cinq enfants, qui a été arrêté de façon arbitraire fin 2016. Il a été inculpé en avril 2017, en même temps que 35 autres personnes, de plusieurs infractions emportant la peine capitale. Les poursuites judiciaires engagées contre lui et contre les autres personnes en question ont été entachées de graves irrégularités : disparition forcée, détention provisoire d’une durée excessive, retards injustifiés pendant le procès, détention au secret, allégations de torture et d’autres mauvais traitements, privation de la possibilité de consulter un avocat et privation de soins médicaux.
« Ce procès a été une parodie de justice, et cela confirme que le système judiciaire, et le TPS en particulier, deviennent un instrument de répression, et qu’ils sont de toute évidence incapable de rendre la justice de façon impartiale. Depuis que les autorités houthies de facto ont pris le contrôle du système judiciaire en 2015, elles utilisent de façon progressive le TPS pour s’en prendre aux personnes qu’elles considèrent comme des opposants ou même à ceux qui ne font que les critiquer, a déclaré Lynn Maalouf, directrice de la recherche sur le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Aujourd’hui, 30 personnes, ainsi que leurs proches, s’apprêtent à affronter la peine la plus cruelle, inhumaine et dégradante qui soit, prononcée en outre à l’issue d’un procès totalement inique. Nous demandons aux autorités houthies de facto d’annuler ces déclarations de culpabilité injustes et ces terribles peines, et de libérer immédiatement ces 30 hommes.”
Selon des témoins présents à l’audience, et à la surprise de l’équipe de défenseurs, le juge a rapidement lu à haute voix les accusations retenues contre les accusés – dont la plupart entraînent obligatoirement la peine de mort au titre du Code pénal yéménite – en présence des mis en cause, de leurs proches et de leurs avocats, avant de condamner 30 de ces hommes à mort et d’en relaxer et relâcher six.
« Alors que le conflit armé se poursuit au Yémen, le procès grossièrement inique auquel tous ces hommes ont été soumis s’inscrit dans le cadre de l’utilisation du système judiciaire à des fins de règlement de compte politique », a déclaré Lynn Maalouf.
Le même jour, Asmaa al Omeissy, une jeune femme de 23 ans mère de deux enfants, a été déclarée coupable d’avoir aidé un État ennemi, et condamnée à 15 ans d’emprisonnement. Amnistie internationale demande également aux autorités houthies de facto d’annuler sa déclaration de culpabilité et sa peine, et de la libérer immédiatement.
Complément d’information
Amnistie internationale a rassemblé des informations montrant que le TPS est de plus en plus utilisé contre des minorités religieuses. En septembre 2018, 24 Yéménites baha'is – dont huit femmes et un enfant – ont été accusés d’infractions obligatoirement punies de la peine de mort par le TPS placé sous le contrôle des Houthis. Actuellement, Hamid Haydara est lui aussi jugé par le TPS en raison de ses convictions. Amnistie internationale et d’autres organisations ont à plusieurs reprises demandé aux Houthis d’annuler immédiatement la peine capitale prononcée contre Hamid Haydara.
Toutes les parties au conflit, y compris les forces houthies, le gouvernement yéménite, la coalition dirigée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ainsi que les forces yéménites soutenues par les Émirats, se sont livrées à des pratiques de détention arbitraire. Dans les zones sous leur contrôle, les forces houthies ont arrêté et détenu arbitrairement des détracteurs et des opposants, ainsi que des journalistes, des défenseurs des droits humains et des membres de la communauté baha’ie, dont beaucoup ont subi des procès iniques, une détention au secret ou encore une disparition forcée. La majorité des personnes visées étaient des dirigeants, des membres ou des sympathisants du parti politique Al Islah. Le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale a harcelé, menacé et détenu arbitrairement des défenseurs des droits humains et d’autres militants. Dans le sud du pays, les forces yéménites soutenues par les Émirats arabes unis ont mené une campagne de détentions arbitraires et de disparitions forcées. En mai 2018, Amnistie internationale a publié un rapport exposant de manière détaillée les cas de 51 hommes détenus dans un réseau de prisons secrètes par des forces émiriennes et yéménites opérant en dehors du contrôle du gouvernement yéménite, y compris des personnes détenues entre mars 2016 et mai 2018.