Pourquoi l'ancien président soudanais Omar El Béchir ne doit pas échapper à la justice
Si le président soudanais Omar El Béchir a été destitué après trois décennies d’un régime profondément répressif, il doit encore répondre devant la justice de la longue liste des graves violations des droits humains et des crimes de droit international qu’il aurait commis lorsqu’il était au pouvoir.
Les mandats d’arrêt de la CPI
Omar El Béchir compte parmi les plus anciens fugitifs recherchés par la Cour pénale internationale (CPI). La cour a décerné deux mandats d’arrêt contre l’ancien leader soudanais : le premier le 4 mars 2009 et le second le 12 juillet 2010. Il est accusé de porter une responsabilité pénale dans des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide, des centaines de milliers de personnes dans la région soudanaise du Darfour ayant été tuées, mutilées et torturées.
Le conflit au Darfour
Le Darfour est le théâtre d’un conflit sanglant depuis 2003, qui perdure à ce jour. Le bilan exact des victimes civiles dues au conflit n’est pas confirmé, mais certaines estimations l’évaluent à plus de 500 000 victimes. Le Conseil de sécurité de l’ONU a saisi la CPI de la situation dans la région du Darfour en 2005. Les charges de la CPI retenues contre Omar El Béchir portent sur des événements qui se sont déroulés entre 2003 et 2008.
Les accusations portées à l’encontre d’Omar El Béchir
La CPI a émis des mandats d’arrêt contre Omar El Béchir car il y a des motifs raisonnables de penser qu'outre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, il est aussi responsable d'un génocide contre les ethnies four, massalit et zaghawa. Ces groupes ethniques étaient considérés comme proches des groupes armés combattant le gouvernement. Au total, cinq chefs d'accusation pour crimes de guerre, deux chefs d'accusation pour crimes contre l'humanité, ainsi que trois chefs d'accusation pour génocide au Darfour ont été retenus contre Omar El Béchir.
De terribles violations des droits humains
Les chefs d’accusation retenus contre Omar El Béchir sont liés à des violations des droits humains perpétrées par ses forces de sécurité, notamment l’armée soudanaise et ses milices alliées janjawids, la police et le Service national de la sûreté et du renseignement (NISS). La CPI affirme qu’il y a des motifs raisonnables de penser qu’Omar El Béchir a joué « un rôle essentiel » dans l’organisation de ces structures.
Au cours de la campagne au Darfour, ces forces se seraient rendues responsables de nombreuses attaques illégales contre des civils – majoritairement issus des groupes ethniques four, massalit et zaghawa. Des milliers de civils ont été tués, des milliers de femmes violées, d’innombrables civils torturés, des villes et des villages pillés et des centaines de milliers de civils transférés de force.
L’accusation de génocide
Selon la CPI, un élément central de la campagne du gouvernement soudanais contre les groupes armés, notamment contre le Mouvement de libération du Soudan (MLS) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), fut l’offensive illégale menée contre la population civile du Darfour – principalement les groupes ethniques four, massalit et zaghawa.
Omar El Béchir est accusé d’être responsable d’avoir tenté d’exterminer ces groupes. La CPI a statué qu’il existe « des motifs raisonnables de croire qu’Omar El Béchir a agi dans l'intention spécifique de détruire en partie les groupes ethniques four, massalit et zaghawa ».
Des armes chimiques
En 2016, une enquête d’Amnistie internationale a permis de recueillir des informations prouvant le recours répété à des armes chimiques présumées contre des civils, parmi lesquels de très jeunes enfants, par les forces gouvernementales soudanaises dans la région du Djebel Marra, au Darfour. Susceptibles de constituer des crimes de guerre, ces attaques rivalisent, de par leur ampleur et leur brutalité, avec les précédentes enquêtes menées par la CPI. Amnistie internationale continue de recenser des violations des droits humains perpétrées par les forces soudanaises au Darfour.
Un fugitif recherché par la justice
Tous les États parties au statut de Rome qui a établi la CPI sont tenus au titre du droit international d’arrêter Omar El Béchir s’il met les pieds sur leur territoire. Toutefois, au cours de sa présidence, il a voyagé dans toute l’Afrique et ailleurs sans jamais être inquiété. L’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Kenya, le Tchad, le Malawi, la République centrafricaine, l’Égypte et la Jordanie comptent parmi les pays où il a pu se rendre sans être arrêté.
Il est temps d’agir
C’est un véritable scandale international qu’Omar El Béchir puisse encore échapper à une arrestation… Et une trahison envers les centaines de milliers de victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis au Darfour.
Il est impératif que le conseil militaire de transition au Soudan remette Omar El Béchir à la CPI et permette ainsi aux nombreuses victimes du conflit au Darfour d’obtenir enfin justice.