• 8 nov 2019
  • Soudan du sud
  • Communiqué de presse

Justice doit être rendue pour les crimes de guerre – et ne doit plus être retardée

À la suite de la décision du président Salva Kiir et du leader de l’opposition Riek Machar de reporter de 100 jours après la date-butoir du 12 novembre la formation du gouvernement d’unité nationale de transition revitalisé, attendu de longue date, Amnistie internationale demande aux autorités sud-soudanaises de signer le projet de protocole d’accord avec l’Union africaine (UA) et d’adopter la législation permettant de créer le Tribunal hybride pour le Soudan du Sud (HCSS). Ces mesures initiales sont cruciales afin de parvenir à une paix durable et de mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les crimes relevant du droit international commis au Soudan du Sud. La justice ne doit pas relever d’une gestion aléatoire de la politique du moment.

Le Soudan du Sud ne connaîtra pas de paix durable sans justice. Les violences brutales et cyniques subies par la population sont la conséquence d’une impunité qui perdure. Pourtant, les recherches récentes menées par Amnistie internationale révèlent l’absence de perspective en matière d’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis en lien avec le conflit qui a éclaté en décembre 2013. Pour de nombreuses victimes, le Tribunal hybride pour le Soudan du Sud est le seul moyen immédiat et viable d’obtenir justice.

Le gouvernement du Soudan du Sud traîne les pieds depuis des années pour mettre en place ce tribunal et était prêt à verser de l’argent à une société de lobbying installée aux États-Unis pour retarder et au final bloquer sa création.

Aussi Amnistie internationale appelle-t-elle l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine (UA) et le Conseil de sécurité des Nations unies à veiller à ce que le délai de 100 jours proposé soit bien encadré, et notamment à ce qu’une date limite soit fixée pour que les autorités sud-soudanaises signent le protocole d’accord avec l’UA et adoptent la législation nationale permettant la création du tribunal hybride, de préférence pendant cette période de 100 jours et dans un délai maximum de six mois.

En outre, Amnistie internationale invite l’UA à adopter un calendrier et une feuille de route précis pour la création du Tribunal hybride pour le Soudan du Sud. Cette feuille de route doit inclure les mesures que prendra l’UA si le gouvernement du Soudan du Sud ne respecte pas la date-butoir fixée pour prendre les premières mesures visant à mettre sur pied le tribunal. Surtout, l’UA doit envisager, si le gouvernement sud-soudanais ne respecte pas le délai prévu, de créer de façon unilatérale un tribunal ad hoc pour le Soudan du Sud, afin de proposer un mécanisme impartial qui rendra justice aux très nombreuses victimes de crimes commis durant le conflit qui perdure. L’UA dispose du mandat nécessaire et il lui incombe de le faire.

Complément d’information

Les recherches d’Amnistie internationale révèlent que les autorités sud-soudanaises ne rendent pas justice aux victimes du conflit, parce que les instances judiciaires nationales sont paralysées par l’absence criante d’indépendance et que le gouvernement n’a pas la volonté politique de mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les violences subies par la population.

L’accord de paix de 2015 et l’accord de paix revitalisé de 2018 ont chargé la Commission de l’Union africaine (CUA) d’établir le Tribunal hybride pour le Soudan du Sud destiné à juger les responsables présumés de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains et du droit sud-soudanais depuis le début du conflit, le 15 décembre 2013. Ces accords exigent aussi du gouvernement du Soudan du Sud qu’il adopte la législation correspondante, faisant du tribunal une initiative conjointe. En octobre 2016, le Bureau du conseil juridique de l’Union africaine avait estimé qu’il faudrait trois années avant qu’il puisse être opérationnel, soit au dernier trimestre 2019.