Nouvelle attaque judiciaire absurde contre le site d’information Rappler et Maria Ressa
Réagissant aux informations selon lesquelles le ministère de la Justice des Philippines a préconisé l’ouverture de poursuites pour « diffamation en ligne » contre Maria Ressa, rédactrice en chef du site d’information Rappler, et contre un ancien chroniqueur du site, le directeur de la section philippine d’Amnistie internationale, Butch Olano, a déclaré :
« La dernière mesure de harcèlement en date contre Maria Ressa et son équipe n’a rien de surprenant. Le journalisme courageux de Rappler a dénoncé sans relâche la prétendue « guerre contre la drogue » pour ce qu’elle est en réalité : une campagne meurtrière qui a abouti à des milliers d’homicides illégaux de personnes pauvres et marginalisées, y compris des enfants. Des personnes critiques envers le régime, des militants comme des journalistes ont fait les frais de la colère du président Duterte pour avoir dit la vérité.
« Dans le cas présent, la législation sur la cybercriminalité a manifestement été utilisée comme une arme contre l'expression légitime d'opinions dissidentes et la liberté d'expression. Cela est d’autant plus ridicule que le Bureau national d'enquête, qui a examiné la plainte une première fois, l’a rejetée l’année dernière, la considérant comme infondée. Les autorités doivent abroger cette loi répressive et abandonner les poursuites contre Maria Ressa et Rappler. »
« Cette dernière tentative en date de musellement des voix critiques fait suite à une série d'attaques contre des militants politiques et des défenseurs des droits humains, notamment contre la sénatrice Leila de Lima, détenue depuis février 2017 sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques. Le gouvernement ne semble pas près de mettre fin à sa campagne effrayante de répression, d'obstruction et d'intimidation. Les autorités doivent faire cesser ce harcèlement et laisser Maria Ressa et tous les journalistes philippins faire leur travail en disant la vérité. »
Complément d’information
Le 29 mai 2012, Rappler a publié un article écrit par le journaliste Reynaldo Santos Jr., selon lequel un véhicule utilisé par le président de la Cour suprême de l’époque, Renato Corona, au cours de la procédure de destitution à son encontre, appartenait à un homme d'affaires, Wilfredo Keng, soupçonné de liens avec des réseaux de traite des êtres humains et de contrebande de drogue.
Le 10 janvier 2018, Wilfredo Keng a déposé une plainte pour « diffamation en ligne » contre Reynaldo Santos Jr., Maria Ressa et six membres du conseil d'administration de Rappler au titre de la Loi de 2012 relative à la prévention de la cybercriminalité. Le Bureau national d’investigation a par la suite rejeté la plainte parce que l’article était antérieur à la promulgation de cette loi.
Dans une décision de janvier 2019 obtenue par Rappler cette semaine, le ministère de la Justice a renouvelé ses accusations contre Maria Ressa et Reynaldo Santos Jr., ainsi que contre Rappler Inc., au motif que l'article de presse avait été mis à jour en février 2014 et pouvait par conséquent faire l'objet de poursuites.
Maria Ressa et Rappler Inc. font déjà face à des poursuites pour fraude fiscale, dont Amnistie internationale a dénoncé les motivations politiques. Rappler critique régulièrement le président Rodrigo Duterte et son gouvernement, et a publié des enquêtes détaillées sur certaines des exécutions extrajudiciaires commises par milliers par la police et des personnes armées non identifiées au cours d’opérations liées à la drogue.