Il faut abandonner les poursuites malveillantes engagées contre des personnes ayant critiqué le gouvernement
Au terme de l’enquête préliminaire relative à la plainte pour sédition déposée contre 36 personnes, parmi lesquelles la vice-présidente des Philippines, Amnistie internationale demande aux autorités de ce pays de renoncer aux investigations motivées par des considérations politiques visant des figures de l’opposition politique, des avocat·e·s spécialisés dans la défense des droits humains et des membres du clergé. Le gouvernement Duterte doit abandonner la campagne qu’il mène contre celles et ceux qui critiquent ses politiques, et s’attacher à trouver de toute urgence une solution à la détérioration de la situation des droits humains dans le pays.
En juillet 2019, le Service d'enquêtes criminelles et de détection des crimes - principal organe d’investigation de la police philippine - a porté plainte contre 36 personnes pour sédition, diffamation sur Internet, diffamation, protection d’un délinquant et entrave à la justice. Si elles sont déclarées coupables, ces personnes encourent jusqu’à six ans de prison.
Les allégations figurant dans la plainte semblent provenir exclusivement du témoignage d’un homme, Peter Joemel Advincula, qui s’était précédemment livré à la police après avoir produit une série de vidéos accusant le président Duterte et sa famille de liens avec le trafic de stupéfiants. Le gouvernement a rapidement retrouvé les individus à l’origine des vidéos lorsque celles-ci ont été mises en ligne en avril 2019. Après avoir dans un premier temps maintenu ses accusations, Peter Joemel Advincula a fini par se livrer à la police lorsqu’il a été visé par des accusations de diffamation en ligne. Il a alors déclaré à la police que ses allégations initiales étaient fausses, et que la série de vidéos avait été créée par des membres clés du Parti libéral. Les personnes visées par la plainte - parmi lesquelles figure Leni Robredo, la vice-présidente, plus haute responsable de l’opposition politique - sont désormais accusées d’avoir ourdi un complot dans le but de chasser le président du pouvoir.
Amnistie internationale estime que l’enquête portant sur ces 36 personnes, et les poursuites susceptibles d’être engagées contre elles, représentent une nouvelle tentative d’intimider, de harceler et de menacer les opposant·e·s présumés au président, en particulier ceux qui dénoncent haut et fort les violations persistantes des droits humains dans le pays. Un grand nombre de ces personnes ont condamné les violations flagrantes observées dans le cadre de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement Duterte, qui ont notamment pris la forme de milliers d’exécutions extrajudiciaires présumées.
Les personnes visées par la plainte incluent la sénatrice et prisonnière d’opinion Leila de Lima, qui est maintenue en détention arbitraire depuis son arrestation pour des motifs politiques en février 2017. Cette enquête a pour toile de fond des mesures de répression de grande ampleur contre celles et ceux qui expriment un désaccord avec le gouvernement. Des personnes appartenant semble-t-il à des organisations de gauche ont été qualifiées de « rouges » ou désignées par le gouvernement comme des « façades pour le communisme ». Un grand nombre d’entre elles disent avoir été agressées par des inconnus après avoir fait l’objet de ces déclarations provocatrices.
Amnistie internationale demande aux autorités philippines de mettre un terme au harcèlement et à l’intimidation des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s, notamment par le biais d’une utilisation abusive du système pénal. L’organisation exhorte par ailleurs le gouvernement à suspendre immédiatement l’enquête portant sur ces 36 personnes, et à respecter les obligations qui sont les siennes en vertu du droit international et qui visent à garantir un environnement sûr et favorable pour les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à d’autres normes internationales, auxquels les Philippines font partie.
Ces accusations surviennent alors que la situation des droits humains aux Philippines se détériore et que les autorités font l’objet d’un examen attentif de la part de la communauté internationale. En juillet 2019, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté une résolution concernant l’élaboration d’un rapport sur la situation des droits humains dans ce pays. Cet examen portera entre autres sur les attaques visant les défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s non violents, notamment des membres de l’opposition politique.
Complément d'information
Le 18 juillet 2019, le Service d'enquêtes criminelles et de détection des crimes de la police nationale des Philippines a déposé une plainte pour sédition contre 36 personnes, parmi lesquelles la vice-présidente Leni Robredo, la sénatrice Leila de Lima (qu’Amnistie internationale considère comme une prisonnière d’opinion), la sénatrice Risa Hontiveros, les anciens sénateurs Antonio Trillanes IV et Bam Aquino, des évêques et prêtres catholiques connus, et des avocat·e·s. Si ces personnes sont déclarées coupables, elles encourent jusqu’à six ans de prison.
La plainte les accuse de sédition, d’incitation à la sédition, de diffamation et d’entrave à la justice. Ce n’est pas la première fois que ces charges sont retenues contre des personnes critiquant le gouvernement, en particulier celles qui s’opposent à la brutale « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement Duterte.