• 3 Sep 2019
  • Myanmar
  • Communiqué de presse

Des civils menacés par les combats dans le nord de l’état Chan

L’armée du Myanmar et les groupes ethniques armés doivent s’assurer que les civils soient protégés et qu’une aide leur soit apportée face à l’escalade des violences dans le nord de l’État chan, a déclaré Amnistie internationale mardi 3 septembre.

Le 15 août 2019, trois membres de l’Alliance du Nord, une coalition de groupes ethniques armés présents dans le nord de l’État chan, ont mené une série d’attaques aveugles contre des installations militaires et d’autres lieux, qui ont tué et blessé des membres de l’armée, des policiers et des civils. Depuis, les combats entre l’armée du Myanmar– également appelée tatmadaw – et les groupes ethniques armés se sont intensifiés dans le nord de l’État chan, malgré un cessez-le-feu unilatéral annoncé par l’armée le 21 décembre 2018 et récemment prolongé jusqu’au 21 septembre 2019. Amnistie internationale et d’autres acteurs ont constaté des atteintes aux droits humains incessantes pendant cette période.

Amnistie internationale est particulièrement préoccupée par les informations de plus en plus nombreuses faisant état de victimes civiles, dont cinq personnes tuées – parmi lesquelles trois enfants – le 31 août 2019 par des tirs de mortier. Quel que soit le camp qui a procédé aux tirs, cet homicide de civils constitue certainement un crime de guerre. L’organisation appelle toutes les parties au conflit à cesser immédiatement toutes les attaques visant des civils et les attaques aveugles, à protéger les civils, à faciliter le passage en toute sécurité de ceux qui souhaitent fuir les combats et à garantir un accès total, sûr et sans entrave aux travailleurs humanitaires.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), près de 8 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays par les derniers affrontements. Pourtant les autorités du Myanmar, tant civiles que militaires, continuent de limiter l’accès de l’aide humanitaire dans le nord de l’État chan. Dans le même temps, des acteurs humanitaires affirment que des embuscades et des attaques de véhicules par des groupes ethniques armés les empêchent d’accéder à certaines zones pour aider des personnes.

Aux termes du droit international humanitaire, toutes les parties au conflit armé ont l’obligation de permettre et de faciliter la distribution rapide et sans entrave d’une aide humanitaire impartiale pour les civils qui en ont besoin. Le blocage de cette aide constitue une violation du droit international humanitaire. Amnistie internationale prie instamment toutes les parties de garantir un accès sûr et libre aux organisations humanitaires apportant de l’aide et des services d’urgence à tous les civils qui en ont besoin, sans discrimination.

L’organisation leur demande également de prendre des mesures immédiates pour sécuriser les routes afin que les organisations humanitaires puissent fournir de l’aide et des services d’urgence, y compris des soins médicaux vitaux.

Complément d’information

L’Alliance du Nord est une coalition informelle rassemblant plusieurs groupes ethniques armés présents dans le nord de l’État chan : l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA), l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA), l’Armée de libération nationale ta’ang (TNLA) et l’Armée d’Arakan (AA). Ces groupes combattent activement l’armée du Myanmar depuis quelques années, en revendiquant une amélioration des droits, de l’autonomie et du contrôle des ressources naturelles pour les membres de leur communauté. Trois d’entre eux, qui se font désormais appeler « Alliance des Frères », ont participé aux attaques du 15 août : la MNDAA, la TNLA et l’AA. Aucun des trois n’a signé l’accord national de cessez-le-feu du Myanmar, dont ils ont été exclus par les autorités.

Les attaques du 15 août ont eu lieu quelques jours après que ces trois groupes ont publié un communiqué conjoint appelant l’armée du Myanmar à cesser les combats dans l’État d’Arakan et dans le nord de l’État chan, en menaçant de mener des actions de représailles. Depuis le début de l’année 2019, les affrontements entre l’armée du Myanmar et l’Armée d’Arakan se sont intensifiés dans l’État d’Arakan, qui n’est pas concerné par le cessez-le-feu unilatéral de l’armée officielle. Amnistie internationale a reçu des informations faisant état de graves violations, y compris de crimes de guerre, par l’armée du Myanmar et par l’AA.

Ce n’est pas la première fois que des membres de l’Alliance du Nord lancent des attaques coordonnées contre les forces de sécurité ces dernières années. En novembre 2016, en réponse aux offensives militaires qui s’intensifiaient dans le nord du Myanmar, cette coalition a attaqué trois postes de l’armée et de la police dans la municipalité de Muse (nord de l’État chan). Dans un rapport publié en juin 2017, Amnistie internationale a signalé de multiples violations des droits humains et du droit humanitaire par l’armée du Myanmar dans l’État kachin et l’État chan, notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des bombardements sans discernement, des détentions arbitraires, des actes de torture et du travail forcé. Nombre de ces violations ont été commises à la suite des attaques de novembre 2016. Des groupes ethniques armés sont également responsables d’exactions, notamment d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements et d’enrôlement forcé. Pour l’heure, aucun des responsables des atteintes aux droits humains perpétrées par les différentes parties aux conflits n’a été amené à rendre des comptes.