La fermeture d’une ONG montre que la répression n’est pas reléguée au passé
La décision du gouvernement des Maldives de fermer une ONG des plus respectées montre que le changement de gouvernement ne suffit pas à se débarrasser des veilles méthodes répressives, a déclaré Amnistie internationale le 5 novembre 2019.
Les autorités ont décidé de fermer le Réseau des Maldives pour la démocratie (MDN) après avoir suspendu ses activités pendant un mois. Cette fermeture s’inscrit dans le contexte de menaces proférées par des extrémistes religieux à l’encontre du personnel de l’ONG, notamment de sa directrice Shahinda Ismail.
« Le nouveau gouvernement des Maldives était censé rompre avec le passé répressif de la nation. La décision de stopper les activités du MDN montre pourtant que les méthodes éculées servant à intimider les défenseurs des droits humains et à rétrécir la marge de manœuvre de la société civile demeurent une menace », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice des recherches pour l'Asie du Sud à Amnistie internationale.
Le gouvernement des Maldives aurait décidé de fermer le Réseau des Maldives pour la démocratie en réponse à un rapport publié en 2015 par l’ONG. Il affirme en effet que ce rapport, intitulé Preliminary Assessment of Radicalization in the Maldives, insultait le prophète Mahomet.
Le Réseau des Maldives pour la démocratie était l’une des principales ONG dénonçant la répression sous le régime de l’ancien président Abdulla Yameen, qui n’a pas été réélu en novembre 2018. Le nouveau gouvernement, sous la houlette du président Ibrahim Solih, comprend d’anciens prisonniers d’opinion pour lesquels Amnistie internationale et le MDN avaient fait campagne.
L’État des Maldives est partie à plusieurs traités majeurs relatifs aux droits humains, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En vertu de leurs obligations internationales, les Maldives doivent respecter et protéger la liberté d’expression, même lorsqu’elle est jugée offensante.
« Le MDN est sanctionné pour avoir exercé son droit légitime à la liberté d’expression. Le fait qu’un rapport datant de plus de quatre ans soit invoqué aujourd’hui comme la raison qui justifie la fermeture de l’ONG soulève des doutes quant aux réelles motivations de cette décision. Le nouveau gouvernement serait-il aussi intolérant vis-à-vis des voix critiques que son prédécesseur ?, s’interroge Dinushika Dissanayake.
« Les autorités des Maldives doivent annuler cette décision sans attendre, enquêter sur les menaces visant des employés du MDN, assurer leur protection et créer un environnement tolérant et porteur qui permette aux ONG de poursuivre leur travail si essentiel, librement et sans peur. »
Complément d’information
Le 10 octobre 2019, le ministère maldivien des Affaires étrangères a publié un communiqué de presse indiquant qu’il avait suspendu provisoirement les activités du MDN. Il affirmait que le rapport de 2015 de l’ONG, intitulé Preliminary Assessment of Radicalization in the Maldives (Évaluation préliminaire de la radicalisation aux Maldives), renfermait « des contenus diffamatoires à l’égard de l’islam et du prophète Mahomet (la paix soit sur lui) ».
Le 5 novembre 2019, le ministère maldivien de la Jeunesse, des Sports et de l’Autonomisation des communautés, qui règlemente les activités des ONG, a publié un communiqué de presse affirmant qu’il avait décidé de fermer le Réseau des Maldives pour la démocratie.
Le MDN est une ONG apolitique qui « promeut les droits humains » et « les valeurs et les principes de la démocratie ». Son mandat englobe la sensibilisation, le suivi des violations des droits humains et le travail de plaidoyer.
Depuis quelques années, ses rapports portent sur des recherches sur les réformes de la police, la torture, les menaces visant les défenseurs des droits humains, les menaces à la liberté d’expression, les disparitions, les attaques contre les avocats, entre autres questions relatives aux droits humains.