Les autorités doivent libérer huit défenseurs de la faune sauvage soumis à un procès inique sur la base d’accusations d’espionnage forgées de toutes pièces
Les défenseurs iraniens de la faune sauvage qui ont été accusés d’espionnage parce qu’ils ont utilisé des caméras pour surveiller les déplacements d’espèces en voie de disparition risquent d’être condamnés à mort ou à une peine de plus de 10 ans d’emprisonnement, a déclaré Amnistie internationale le 5 mars alors que l’on attend le verdict qui doit être rendu dans cette affaire.
Ces huit scientifiques, qui sont liés à la Fondation perse pour la protection du patrimoine faunique, ont été arrêtés à la fin du mois de janvier 2018. Ils menaient des recherches sur des espèces de la faune iranienne en voie de disparition, notamment sur le guépard asiatique et le léopard persan. L’on sait, preuves à l’appui, qu’ils ont été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, notamment à un maintien prolongé en détention à l’isolement, en vue de leur extorquer des « aveux ».
« La protection des espèces en voie de disparition n’est pas un crime. Ces protecteurs de l’environnement sont des scientifiques qui menaient des recherches de façon légitime. Les poursuites engagées contre eux sans aucune preuve sont absurdes, et ils sont traités comme des animaux, a déclaré Philip Luther, directeur du travail de recherche et de plaidoyer pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Les autorités iraniennes doivent les libérer immédiatement et sans condition, et abandonner toutes les scandaleuses accusations d’espionnage portées contre eux. »
Les autorités ont accusé ces défenseurs d’avoir utilisé un projet scientifique et de protection de l’environnement, incluant la surveillance du guépard asiatique, pour masquer la collecte d’informations militaires secrètes. Les protecteurs de l’environnement utilisent de façon habituelle des caméras pour surveiller les espèces rares et en voie de disparition.
Ces huit protecteurs de l’environnement font partie des neuf scientifiques qui ont été arrêtés par des pasdaran (gardiens de la révolution) les 24 et 25 janvier 2018. L’une de ces personnes, Kavous Seyed-Emami, un scientifique et universitaire canado-iranien, est mort dans des conditions suspectes dans la prison d'Evin deux semaines après son arrestation. Les autorités ont affirmé qu’il s’était suicidé et ont refusé de rendre son corps à la famille à moins qu’elle n’accepte de procéder immédiatement à son enterrement sans procéder à une autopsie indépendante. Amnistie internationale a demandé aux autorités iraniennes de mener une enquête impartiale sur sa mort.
En octobre 2018, ces défenseurs de l’environnement ont été formellement inculpés. Quatre d’entre eux, Niloufar Bayani, Houman Jowkar, Morad Tahbaz et Taher Ghadirian, ont été inculpés de « propagation de la corruption sur terre » (efsad f’il arz) et ils risquent d’être condamnés à mort.
Trois autres, Amirhossein Khaleghi, Sepideh Kashani et Abdolreza Kouhpayeh, ont été inculpés d’espionnage et ils pourraient être condamnés à une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Un autre encore, Sam Rajabi, a été inculpé de « coopération avec des États hostiles à l’encontre de la République islamique » et de « collusion en vue de porter atteinte à la sécurité de l'État ». Il risque jusqu'à 11 ans d'emprisonnement.
« Les charges retenues contre ces scientifiques n’ont absolument aucun fondement et elles sont motivées uniquement par leurs activités pacifiques de protection de l’environnement. S’ils sont déclarés coupables, cela constituera une scandaleuse parodie de justice et portera un coup terrible à la communauté scientifique iranienne, a déclaré Philip Luther.
« Le fait que les autorités iraniennes harcèlent et intimident des protecteurs de la faune sauvage en utilisant des accusations forgées de toutes pièces montre une fois de plus, de façon effrayante, que des activités pacifiques peuvent être considérées comme des « crimes » par les autorités iraniennes. La communauté internationale doit appeler haut et fort à la libération immédiate de ces scientifiques. »
Preuves d’actes de torture et du caractère inique de ce procès
Le procès à huis clos des huit scientifiques tenu devant la 28e chambre du Tribunal révolutionnaire de Téhéran a commencé le 30 janvier 2019, et il a été d’une flagrante iniquité. À la suite de leur arrestation, les protecteurs de l’environnement ont été détenus au secret à la section 2-A de la prison d'Evin, placée sous le contrôle des pasdaran (gardiens de la révolution), sans accès à un avocat et avec très peu de contacts avec leurs proches.
Selon des sources dignes de foi, lors d’une visite à la prison, des proches des protecteurs de l’environnement ont remarqué que certains d’entre eux présentaient des traces de torture, avec des dents cassées et des contusions sur le corps.
Toujours d’après des sources dignes de foi, le tribunal s’est basé presque uniquement sur des « aveux » qui auraient été faits sous la torture par les accusés, et qu’ils ont ensuite rétractés, ces « aveux » représentant les principaux éléments de preuve utilisés contre eux.
Niloufar Bayani a dit au tribunal qu’elle n’avait fait ces « aveux » que parce qu’elle avait été « brisée » par des tortures physiques et psychologiques, et qu’elle les avait par la suite rétractés. Elle a dit que ceux qui l’avaient interrogée avaient menacé de la frapper, de lui injecter des hallucinogènes, de lui arracher les ongles et d’arrêter ses parents ; ils lui ont aussi montré un bout de papier en disant que c’était son arrêt de mort, et des photos du cadavre de Kavous Seyed-Emami, lui faisant ainsi comprendre qu’elle subirait le même sort.
Durant l’une des audiences de ce procès, le juge lui a ordonné de sortir de la salle d’audience car elle était « trop perturbatrice », et ce parce qu’elle avait à plusieurs reprises contesté le fait que les « aveux » qui lui avaient été extorqués et qu’elle avait rétractés étaient utilisés contre elle et contre les autres protecteurs de l’environnement. En conséquence, elle n’a pas été autorisée à comparaître devant le tribunal durant les trois dernières audiences.
À la connaissance d’Amnistie internationale, aucune enquête n’a été menée sur les informations faisant état de torture et d’autres mauvais traitements.
« Leurs allégations de torture et d’autres mauvais traitements doivent immédiatement faire l’objet d’enquêtes. Il est absolument scandaleux que ces protecteurs de l’environnement aient été soumis à un procès totalement inique sur la base de fausses accusations », a déclaré Philip Luther.
Les protecteurs de l’environnement ont été privés d’accès à un avocat de leur choix pendant toute la durée de leur détention et de leur procès. Même au tribunal, ils n’ont pas été autorisés à parler avec leurs avocats. Les demandes faites à plusieurs reprises par Sam Rajabi d’être représenté par un avocat qu’il aurait librement choisi ont été rejetées par le juge, et il n’a donc pas bénéficié d'une représentation juridique au tribunal.
En mai 2018, une commission gouvernementale comprenant les ministres du Renseignement, de l’Intérieur et de la Justice ainsi que le suppléant du président s’est penchée sur la détention des protecteurs de l’environnement et est parvenue à la conclusion qu’aucun élément ne prouvait qu’ils étaient des espions. Plusieurs hauts représentants du gouvernement iranien, notamment du ministère de l’Environnement, ont demandé la libération de ces scientifiques en invoquant l’absence de preuves contre eux.