Préoccupations relatives à l’arrestation de responsables politiques dans l'État de Jammu-et-Cachemire
Le gouvernement indien doit immédiatement remettre en liberté tous les dirigeants politiques dans l'État de Jammu-et-Cachemire et mettre fin aux mesures visant à réduire les voix au silence dans la région, a déclaré Amnistie internationale Inde le 26 août.
« Cela fait 22 jours à présent que dans l'État de Jammu-et-Cachemire la vie ne suit plus son cours normal. Le blocus des communications et la répression menée par les forces de sécurité, l’arrestation présumée de dirigeants politiques et les restrictions pesant sur les médias empêchent les informations de sortir de l'État de Jammu-et-Cachemire, où de graves violations des droits humains ont été commises par le passé. Le fait de priver la population entière de ses droits à la liberté d'expression, d’opinion et de circuler librement pour une durée indéterminée va radicalement à l’encontre des dispositions des normes internationales. De plus, le gouvernement indien exerce ainsi un contrôle presque total sur les informations provenant de cette région », a déclaré Aakar Patel, directeur d’Amnistie internationale Inde.
À la suite de la révocation unilatérale, par le gouvernement indien, de l’article 370 de la Constitution indienne garantissant le statut spécifique de Jammu-et-Cachemire, les autorités auraient arrêté de nombreux dirigeants politiques, y compris Farooq Abdullah, Omar Abdullah et Mehbooba Mufti, anciens Premiers ministres de cet État, ainsi que Shah Faesal, ancien haut fonctionnaire de l'administration qui s’est lancé dans la politique, et Ravinder Sharma, entre autres. Aucune information officielle n’est disponible en ce qui concerne le nombre de personnes arrêtées, leur accès ou non à des avocats et à leurs proches, leur lieu de détention et les charges éventuellement retenues contre elles. Dans de précédents rapports et communiqués, Amnistie internationale Inde a signalé que les autorités ont recouru dans la région à la détention administrative, qui leur permet de maintenir une personne en détention sans inculpation ni jugement, pour freiner la mobilisation politique. Ces détentions violent le droit international et indiquent clairement que la liberté d'expression est réprimée dans la région.
Amnistie internationale est également préoccupée par les répercussions de ce blocus des communications sur les droits humains en général. L’accès à l’information est restreint en période de crise pour la population de Jammu-et-Cachemire, mais cette fois leur accès aux services d’urgence et aux autres services et informations, y compris aux services de santé et à l’éducation, est également fortement restreint. De plus, ces mesures de répression en place pour une durée indéterminée empêchent le gouvernement de faire parvenir aux populations concernées des informations sur les mouvements de protestation en cours, qui peuvent être d’une importance cruciale pour la sécurité et la protection des personnes vivant dans l’État de Jammu-et-Cachemire. Les lignes de téléphone fixe ont été en partie rétablies les 17 et 18 août, mais du fait de leur faible disponibilité et de leur redondance dans la région, cela n’a pas permis de faciliter les communications, et l’accès à ces lignes reste limité en dehors de Srinagar.
Cette chape de plomb empêche également les journalistes et les militants de rassembler et diffuser des informations sur la situation dans la région, y compris sur les allégations d’atteintes aux droits humains. Les sites d’information de la région ne sont plus mis à jour depuis le 5 août, et les journaux imprimés ne contiennent plus d’éditorial. Cela prive le public de son droit à l’information et met les journalistes en danger, car ils sont dès lors davantage exposés au risque d’être harcelés, arrêtés pour des motifs politiques et poursuivis en justice en raison de leur travail. De manière générale, le public est ainsi privé dans une large mesure d’informations sur l’opinion des habitants de l’État de Jammu-et-Cachemire, qui sont directement et au premier chef concernés par les modifications apportées à la Constitution par le gouvernement indien.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a demandé au gouvernement indien de mettre fin à cette répression, qualifiée de « forme de sanctions collectives » pour la population de Jammu-et-Cachemire « allant à l’encontre des principes fondamentaux de nécessité et de proportionnalité ». Les rapporteurs spéciaux et les groupes de travail des Nations unies ont également exprimé leurs graves préoccupations au sujet « des allégations selon lesquelles le lieu où se trouvent certaines des personnes arrêtées n’a pas été révélé, et du risque généralisé accru de disparitions forcées, qui risquent de se multiplier dans un contexte d’arrestations massives et d’accès restreint à Internet et aux autres réseaux de communication ».
Entre le 5 et le 21 août, 152 personnes ont été admises à L’Institut des sciences médicales Sher-e-Kashmir (SKIMS) et à l’hôpital Shri Maharaj Hari Singh de Srinagar, pour des blessures dues à des tirs de plombs et à l’utilisation de gaz lacrymogènes, selon des informations obtenues par l’agence de presse Reuters. Or, en raison du blocus des communications, il est difficile d’établir le nombre de blessés.
« Les craintes relatives au risque de voir commises des violations des droits humains, alors qu’aucune information ne filtre à ce sujet, se matérialisent ainsi, dans un climat d’impunité persistante et d’absence croissante de reddition de comptes à Jammu-et-Cachemire, climat que le gouvernement indien continue de renforcer malgré ses promesses de progrès et de changement », a déclaré Aakar Patel.