Un éminent militant des droits humains s’est vu interdire de recevoir le prix franco-allemand qui lui a été décerné
* Son passeport et son téléphone ont été saisis
* Il a été renvoyé chez lui, menottes aux poignets, à bord d’un avion militaire
* Au moins trois personnes non identifiées ont été aperçues autour de son domicile, menant une opération de surveillance
Les autorités de Guinée équatoriale doivent immédiatement rendre son passeport et son téléphone à un éminent militant des droits humains, qui s’est vu interdire de quitter le pays et a ensuite été menotté, embarqué à bord d’un avion militaire et renvoyé dans sa ville natale, a déclaré Amnistie internationale le 19 mars 2019. Elle demande que sa sécurité et sa liberté de mouvement soient garanties.
Alfredo Okenve a été arrêté le 15 mars, jour où il devait recevoir dans la capitale Malabo le « Prix franco-allemand des droits de l’homme », qui lui a été décerné en récompense de son travail.
« Cette interdiction montre à quel point les autorités sont déterminées à restreindre la capacité d’Alfredo Okenve à mener ses activités légitimes en Guinée équatoriale, même lorsqu’il doit recevoir une récompense pour son travail courageux de défense et de promotion des droits fondamentaux, a déclaré Marta Colomer, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnistie internationale.
« Le renvoyer menottes aux poignets à bord d’un avion militaire n’empêchera pas Alfredo Okenve et de nombreux militants dans le pays de se mobiliser en faveur des droits humains. Les autorités doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin de lever les restrictions imposées à son droit de circuler librement et lui permettre de poursuivre son travail en toute sécurité, sans craindre les menaces, les agressions ni toute autre forme de harcèlement. »
Président du Centre d’études et d’initiatives pour le développement (CEID), Alfredo Okenve a été informé fin 2018 qu’il était lauréat du prix décerné par les ambassades française et allemande. Il a quitté Bata, sa ville natale, pour se rendre à Malabo, la capitale, où ce prix devait lui être remis au cours d’une cérémonie dans l’après-midi du 15 mars.
Dans la matinée, deux policiers se sont rendus au domicile d’un de ses proches, l’ont arrêté et interrogé au sujet de l’endroit où se trouvait le militant. Lorsque des rumeurs ont commencé à circuler selon lesquelles la police cherchait Alfredo Okenve, les deux ambassades organisatrices, la France et l’Allemagne, ont décidé d’annuler la cérémonie de remise de prix. En outre, elles ont conclu un accord avec les autorités aux termes duquel Alfredo Okenve serait autorisé à quitter le pays ce jour-là.
À l’aéroport, il n’a pas pu embarquer. Huit agents des forces de sécurité l’ont escorté, menotté et mis dans un avion militaire qui l’a ramené dans sa ville natale, Bata. À l’arrivée, l’un des militaires lui a dit : « Tu as ordre de rester chez toi, ne quitte pas la ville. »
Depuis ce week-end, Alfredo Okenve se trouve à Bata, sans son téléphone ni son passeport qui lui ont été confisqués à l’aéroport. Au moins trois personnes non identifiées ont été aperçues autour de chez lui, menant une opération de surveillance.
Cette affaire illustre la répression qu’exercent les autorités équato-guinéennes contre les militants et les défenseurs des droits humains. Le 25 février, Joaquín Elo Ayeto, militant et membre du parti d’opposition Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), a été arrêté de manière arbitraire et torturé par les forces de sécurité. Il est accusé de rétention d’informations au sujet d’une possible tentative de coup d’État. En janvier, l’avocat français William Bourdon, qui est intervenu en France dans une affaire intentée contre le fils du président équato-guinéen, a fait l’objet, ainsi que d’autres personnes, d’un mandat d’arrêt pour financement du terrorisme.
« Les représentants français et allemands doivent condamner avec la plus grande fermeté le traitement réservé à Alfredo Okenve et faire clairement savoir aux autorités que la politique de harcèlement et d’agression visant les défenseurs ne fera qu’aggraver la situation des droits humains en Guinée équatoriale, déjà dégradée, a déclaré Marta Colomer.
« Alfredo Okenve a consacré sa vie à faire campagne en faveur des droits fondamentaux. Ce n’est pas un crime et son travail légitime ne devrait pas lui valoir d’être harcelé de la sorte. Les autorités doivent lui restituer son passeport et son téléphone et lui permettre de voyager en toute sécurité. »