• 27 Mar 2019
  • Guatemala
  • Communiqué de presse

UN ENVIRONNEMENT TOUJOURS HOSTILE POUR LES DEFENSEURS DES DROITS HUMAINS AU GUATEMALA

Amnistie internationale est préoccupée par la persistance des obstacles et restrictions injustifiés imposés au travail des défenseurs des droits humains par les autorités au Guatemala.

Le 22 mars 2019, les autorités ont rendu publiques des poursuites pénales engagées par le chef du pouvoir judiciaire et la Cour suprême contre Claudia Samayoa, présidente du conseil d’administration de l’Unité de protection des défenseurs des droits humains au Guatemala (UDEFEGUA), et José Manuel Martínez Cabrera, membre du collectif Justicia Ya (Justice maintenant). Ces deux défenseurs des droits humains sont accusés de s’être procuré illégalement une copie d’une décision rendue par la Cour suprême le 9 janvier. La décision, qui a également été diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias, est à l’origine d’une plainte déposée le 17 janvier 2019 par ces personnes contre plusieurs membres de la Cour suprême, dont son président.

Les poursuites pénales engagées contre elles s’inscrivent dans un contexte d’attaques permanentes – notamment sous la forme de campagnes de dénigrement et de diffamation sur les réseaux sociaux, de menaces, de manœuvres d’intimidation et d’assassinats – visant les défenseurs des droits humains au Guatemala en raison de leurs activités. Amnistie internationale constate avec inquiétude que 26 défenseurs des droits humains ont été tués en 2018, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes, et que des représentants des autorités tiennent des propos cherchant à stigmatiser et discréditer les défenseurs des droits humains aux yeux du public.

L’ouverture de procédures judiciaires sans fondement afin d’intimider, de harceler et d’épuiser des défenseurs des droits humains au Guatemala est une pratique dénoncée par Amnistie internationale depuis plusieurs années. Depuis la publication en 2016 de son rapport intitulé “We are defending the land with our blood”[1], l’organisation a reçu des informations indiquant que de nouvelles poursuites pénales engagées contre des défenseurs des droits humains en conséquence directe de leur travail restent en attente d’examen par le parquet pendant des périodes de plusieurs mois voire années, au cours desquelles certaines personnes accusées peuvent être maintenues en détention.

Par ailleurs, Amnistie internationale a relevé un certain nombre de tentatives préoccupantes visant à introduire des dispositions législatives en vue d’entraver le travail des organisations de la société civile. Depuis février 2019, un projet de loi portant modification de la Loi n° 5257 relative aux organisations non gouvernementales de développement a été inscrit à l’ordre du jour des discussions du Congrès à de multiples reprises. Amnistie internationale, comme plusieurs organes internationaux de défense des droits humains, parmi lesquels le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a exprimé son inquiétude au sujet de ce projet de loi qui menace le droit de défendre les droits humains et le droit à la liberté d’expression et d’association.

S’il était adopté, ce texte confèrerait de vastes pouvoirs au gouvernement lui permettant de suspendre de manière permanente les activités d’organisations pour des motifs vagues tels que « troubles à l’ordre public », un concept ambigu dont l’interprétation pourrait déboucher sur la fermeture arbitraire d’organisations de la société civile et des sanctions pénales contre des défenseurs des droits humains qui travaillent au sein de ces organisations. La troisième et dernière lecture du projet de loi avant son adoption n’a pas pu avoir lieu faute de quorum du Congrès, mais elle pourrait être reprogrammée à tout moment.

Amnistie internationale appelle les autorités du Guatemala à reconnaître publiquement le travail des défenseurs des droits humains dans le pays et à garantir un environnement sûr et propice dans lequel ils puissent mener leurs activités sans crainte de représailles. L’organisation leur demande également de ne pas adopter de textes qui risqueraient d’entraver leurs activités légitimes, tels que la Loi n° 5257, et de ne pas utiliser la justice de manière abusive pour intimider, harceler et discréditer les défenseurs des droits humains. Le parquet est le principal organe à qui il incombe d’identifier les poursuites pénales engagées contre des défenseurs des droits humains alors que rien ne justifie de continuer l’enquête et doit soit clore ces poursuites, soit demander aux juges chargés de ces dossiers de le faire, au motif qu’elles sont infondées.