• 30 Aoû 2019
  • Eswatini
  • Communiqué de presse

Des centaines de personnes continuent à risquer d’être expulsées de force, un an après les révélations d’Amnistie

Un an après qu’Amnistie internationale a dénoncé l’impact dévastateur d’expulsions forcées sur des centaines de personnes en Eswatini (ex-Swaziland), un grand nombre d’entre elles connaissent encore à ce jour une profonde détresse et vivent dans des logements inadéquats, a déclaré Amnistie internationale jeudi 29 août.

L’État n’a pas non plus modifié de manière appropriée les lois foncières, exposant ainsi de nombreuses autres personnes à un risque d’expulsion et de privation de logement. L’organisation demande une nouvelle fois au gouvernement de l’Eswatini d’accorder des réparations, et notamment de proposer des solutions de relogement adaptées, à toutes les personnes expulsées de force jusqu’à présent, et ce, de toute urgence.

« Bien qu’Amnistie internationale ait donné l’alerte sur ces expulsions forcées ayant laissé des centaines de personnes sans abri, le gouvernement de l’Eswatini n’a pris aucune disposition afin d’accorder des réparations, notamment de proposer des solutions de relogement adaptées, aux victimes de ces violations des droits humains, » a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice adjointe pour l’Afrique australe à Amnistie internationale.

« De nombreuses communautés recevant des avis d’expulsion ont cessé de faire des projets d’avenir et sont dévastées à l’idée de se retrouver à la rue. Il est tout à fait inacceptable de faire fi de leur souffrance et de leur désarroi. »

Les personnes expulsées de force et celles qui continuent à risquer de l’être sont principalement des petits paysans. Les expulsions forcées ont non seulement un impact sur leur droit à un logement décent mais également sur leurs moyens d’existence, et les plonge encore davantage dans la pauvreté.

Dans son rapport diffusé en 2018, Amnistie internationale a révélé que de nombreux Swazis sont vulnérables face aux expulsions forcées car ils ne bénéficient pas de la sécurité d'occupation, en raison d'un système national de gestion des terres présentant de nombreuses failles. Le territoire est majoritairement constitué de terres de la nation swazie, détenues en « fiducie » par le roi, qui a le pouvoir d’en attribuer à des personnes ou des familles par l’intermédiaire des chefs. Le reste se compose de terres assorties d’un titre de propriété, qui appartiennent à des entités privées ou à l’État.

Expulsions imminentes

Amnistie internationale a établi que des habitants d’au moins quatre zones, Sigombeni, Madonsa, Mbondzela et Vuvulane, risquent d’être expulsés à tout moment de leurs logements et des terres qu’ils cultivent. 

À Sigombeni, au mois sept propriétés, où vivent 75 adultes et 29 mineur·e·s, sont concernées par des expulsions imminentes, après que le Tribunal central des résidents d’exploitations agricoles a estimé le 27 mars 2018 que ces personnes devraient quitter la portion 1 de la ferme n° 246 dans la région de Manzini. Le propriétaire ne souhaite plus que sa ferme accueille de résident·e·s. Les familles concernées ont indiqué à Amnistie internationale qu’elles devraient abandonner au moins 17 tombes sur ces terres si elles sont contraintes à partir.

Une femme a déclaré à l’organisation : « Nous sommes âgés. Nous n’avons pas d’argent. [Le gouvernement] doit au moins nous indemniser et nous donner de l’argent. Nous ne sommes pas les seuls concernés [il y a d’autres communautés]. Nous ne voulons pas partir. »

À Madonsa, plus de 200 personnes d’environ 58 familles résidant sur des terres revendiquées par une instance parapublique sont visées par une expulsion.

À Mbondzela, une centaine de personnes risquent d’être expulsées de terres assorties d’un titre de propriété. Elles se sont tournées vers le ministre des Ressources naturelles et de l’Énergie, qui a renvoyé l’affaire devant le Tribunal central des résidents d’exploitations agricoles, afin que celui-ci réexamine leur cas.

À Vuvulane, au moins 16 familles sont visées.

Des nouvelles positives

Amnistie internationale a cependant noté quelques signes de changement encourageants.

Le 26 février, la Haute Cour de l’Eswatini a ordonné au ministère de l’Information, des Communications et de la Technologie de verser une indemnisation pour les dommages subis par deux soeurs, Thoko et Lomgcibelo Dlamini, du fait de leur expulsion hors de leur demeure ancestrale à Nokwane.

Dans un autre cas, le 9 mai 2019, la Cour suprême d’appel a confirmé une décision de la Haute Cour, selon laquelle l’expulsion de la famille de Sagila Dlamini, à Malkerns, le 14 juillet 2017, était illégale et qu’il pouvait prétendre à une indemnisation de la part de l’entreprise responsable.

Lors d’une réunion avec Amnistie internationale cette année, les autorités de l’Eswatini ont convenu d’instaurer un moratoire sur les expulsions collectives jusqu’à ce que des garanties juridiques et procédurales adéquates soient en place, afin que toutes les expulsions respectent les normes internationales et régionales relatives aux droits humains.

« Le gouvernement doit annoncer publiquement ce moratoire sur les expulsions collectives, qui est attendu depuis longtemps. Une telle annonce contribuera grandement à atténuer la situation actuelle, car des personnes vivent dans la crainte constante d’être expulsées et de se retrouver sans abri du jour au lendemain », a déclaré Muleya Mwananyanda.

Complément d’information

Ces dernières années, des centaines de personnes ont été visées par des expulsions forcées en Eswatini. La plupart des expulsions ont eu lieu sans préavis suffisant, consultation véritable ni indemnisation adéquate, ce qui constitue une violation du droit international.

Pour télécharger la nouvelle synthèse d’Amnistie internationale sur les expulsions forcées en Eswatini, cliquez ici.