• 9 Juil 2019
  • Chine
  • Communiqué de presse

Depuis 1 413 jours, Li Wenzu se bat pour la libération de son mari

Le 28 juin 2019, Li Wenzu a enfin pu voir son mari Wang Quanzhang, dont elle était séparée depuis 1 413 jours. Elle l’a trouvé agité et anxieux, lui qui était autrefois calme et réservé. Il a semblé impassible lorsqu’il a vu sa femme et son fils. Il avait perdu énormément de poids, mais il lui a affirmé qu’il en avait repris un peu car il était bien traité en prison. Il leur a demandé de ne pas revenir pendant les prochains mois, malgré la longue période de séparation.

Après s’être battue sans relâche depuis quatre ans rien que pour voir son mari, Li Wenzu ne s’attendait pas à ce que cette entrevue se déroule ainsi.

Wang Quanzhang est un avocat spécialiste de la défense des droits humains qui travaille sur des sujets jugés sensibles par le gouvernement chinois. Il est le dernier avocat encore détenu après la répression contre des avocats qui a débuté il y a tout juste quatre ans, le 9 juillet 2015. Environ 250 avocats et militants des droits humains ont été pris pour cible lors de cette vague de répression surnommée « 709 » (pour 9 juillet).

Li Wenzu et son fils Quanquan sont restés sans nouvelles de Wang Quanzhang pendant plus de trois ans après son placement en détention. Elle a seulement reçu une notification d’arrestation en janvier 2016 et une autre lui annonçant le simulacre de procès, en décembre 2018, auquel elle n’a pas été autorisée à assister. Wang Quanzhang a été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour « subversion du pouvoir de l’État ». Pour l’heure, aucun membre de sa famille n’a pu consulter le jugement.

Li Wenzu et les avocats qu’elle a engagés ont déposé une multitude de demandes pour rendre visite à Wang Quanzhang dans le centre de détention. Il leur a fallu attendre le mois dernier pour le voir ne serait-ce qu’une seule fois.

« À la suite de son arrestation, je ne savais même pas s’il était vivant ou mort. Je n’avais vu aucune photo de lui prise après sa disparition. »

Li Wenzu a raconté qu’elle menait une vie « ordinaire » auparavant – elle était mère au foyer, s’occupait du logement qu’elle avait aménagé avec Wang Quanzhang et élevait leur fils, Quanquan. 

« Bien que mon mari soit avocat, je ne m’intéressais pas beaucoup aux questions relatives aux droits humains. Mais aujourd’hui, mon mari est persécuté par les autorités. Je ne peux pas abandonner ma famille. »

Ce n’est qu’au bout de plusieurs années de combat que Li Wenzu a enfin pu revoir son mari. Depuis 2016, elle et d’autres proches d’avocats détenus ont eu recours à différentes méthodes pour les soutenir. Au début, ces actions étaient créatives et humoristiques. Ils ont réalisé des vidéos satiriques, se sont présentés avec des seaux rouges bien visibles devant le centre de détention pour attirer l’attention des médias, et les femmes de détenus ont écrit le nom de leur mari sur leurs vêtements. Quand ils se sont aperçu que les autorités ne réagissaient absolument pas, ils ont entrepris des actions plus radicales. Li Wenzu, Wang Qiaoling, Liu Ermin et Yuan Shanshan se sont rasé le crâne dans le froid de l’hiver 2018 pour protester contre l’inaction du ministère public et du tribunal.

« Je suis heureuse d’être en relation avec les femmes d’autres avocats et militants des droits humains qui ont aussi été persécutés, a déclaré Li Wenzu. Nous nous sommes rencontrées à cause de la répression visant les avocats. Nous étions confrontées aux mêmes difficultés et nous avions un objectif commun. Nous étions désespérées qu’aucun recours ne soit à notre disposition et que nos maris ne rentrent pas chez eux. Cependant, nous nous encouragions quoi qu’il arrive. Nous nous soutenions mutuellement. Ensemble, nous réfléchissions à ce que nous devions faire pour obtenir des changements. Maintenant que les maris des autres sont rentrés, elles se battent toujours avec moi pour la libération de mon mari. »

Li Wenzu a employé toute sa force pour que la famille reste unie. Cela n’a pas été facile, car l’arrestation de Wang Quanzhang et le harcèlement permanent ont séparé leur foyer et perturbé l’enfance de leur fils. Elle a continué de chercher son mari tout en essayant de garder son fils en sécurité.  

« Mon fils Quanquan est très jeune. Il a aujourd’hui six ans, a-t-elle souligné. Fin 2016, lorsque j’ai commencé à m’exprimer plus ouvertement au sujet de la situation de mon mari, la police secrète était omniprésente dans mon quartier. Nous habitions au 5étage. Ces agents restaient au 2étage jour et nuit. Ils nous suivaient même quand j’emmenais Quanquan au parc. »

La présence de ces agents en civil a eu un énorme impact sur son fils : « Avant, Quanquan courait beaucoup. Un jour, alors qu’il courait devant moi et a dépassé le 2étage, où étaient postés les policiers, il m’a serré fort la main car il a senti un danger. Il s’est mis à faire des cauchemars. Il en fait encore parfois. Une fois, il a rêvé qu’on m’emmenait et il était très effrayé le lendemain matin. »

Li Wenzu a affirmé que, pendant longtemps, elle et Quanquan avaient eu du mal à trouver un endroit où habiter car la police sommait les propriétaires de ne pas signer de bail avec elle. Quanquan ne pouvait pas aller à l’école car la police menaçait les établissements. La direction de l’école maternelle a fait savoir à Li Wenzu que Quanquan ne pouvait pas y être scolarisé car la « situation très spéciale » de sa famille pourrait « amener le danger à l’école ».

Néanmoins, Li Wenzu s’est efforcée d’expliquer à Quanquan cette douloureuse séparation de son père. Elle lui raconte que son père est parti combattre des monstres géants : « Nous devons sauver Papa et l’aider à vaincre les monstres. »

[Voir notre vidéo : https://twitter.com/amnestychinese/status/1013014366168469504]  

Li Wenzu a déclaré que son fils était l’une des principales raisons pour lesquelles elle continuait : « Le soutien de Quanquan compte beaucoup pour moi. Il me donne de la force quand mon énergie faiblit. Le domicile est un espace très intime. Lorsque je suis chez moi, je pense souvent à ce qui est arrivé à mon mari, c’est insoutenable. À de nombreuses reprises, mon fils m’a réconfortée quand j’étais triste. Je l’appelle toujours “mon rayon de soleil” ou “ma source d’énergie”. Il me procure de la joie et de l’énergie. »

Outre son fils et les proches d’autres avocats spécialistes des droits humains, Li Wenzu sait qu’elle peut aussi compter sur le soutien de la communauté internationale : « Sans les personnes sur Internet et l’attention de la communauté internationale, je n’aurais jamais pu en faire autant pour mon mari. »

Sa persévérance a également inspiré de nombreuses personnes, même celles qui ne la soutenaient pas au début.

« Certaines pensaient que tous mes efforts seraient vains, se souvient-elle. D’autres pensaient que j’étais face à quelque chose de trop grand, difficile et politique. Au début, certains amis ne voulaient pas être en contact étroit avec moi. Cependant, lorsqu’ils ont lu ce que j’avais fait sur Internet, ils ont commencé à réfléchir sous un autre angle à ce que j’avais vécu. Ils se sont interrogés sur les actions des autorités – pourquoi empêchaient-elles mon fils d’aller à l’école ? Pourquoi avaient-elles forcé notre propriétaire à nous expulser de notre logement ? Ils ont constaté le comportement illégal des autorités et se sont mis à voir différemment ce que je faisais. À présent, plusieurs de mes amis m’admirent et m’encouragent. Ils m’envoient aussi des messages de soutien. »

Wang Quanzhang risque encore à tout moment de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements en prison. Face à l’injustice flagrante et prolongée, Li Wenzu et Quanquan le défendent courageusement. Nous pouvons tous contribuer à leur donner de la force. Nous devons continuer de maintenir la pression sur les autorités et demander la libération immédiate et sans condition de Wang Quanzhang.