Les autorités doivent mener des enquêtes et poursuivre en justice les responsables des destructions en Amazonie
Les autorités brésiliennes doivent mener des enquêtes et poursuivre en justice les responsables qui ont déclenché les incendies illégaux en Amazonie, et empêcher que la forêt amazonienne ne subisse d’autres destructions, a déclaré Amnistie internationale le 2 septembre à l’occasion du lancement de sa campagne en ligne visant à ce que le président Jair Bolsonaro et son gouvernement renforcent la protection des territoires indigènes et des réserves environnementales.
« Les incendies qui ravagent la forêt amazonienne sont le signe d’une crise plus générale due aux confiscations de terres et à la déforestation illégales. En théorie, le Brésil dispose de lois fortes destinées à protéger les territoires indigènes et les réserves environnementales. Mais le président Bolsonaro a activement affaibli ces protections, ce qui a conduit aux destructions que nous observons à présent, a déclaré Kumi Naidoo, secrétaire général d’Amnistie internationale.
« Le président a signé tout récemment un décret interdisant de façon temporaire le défrichage de terrains agricoles par le feu, mais cela n’élimine pas le risque de départ d’autres incendies, car il n’a guère pris de mesures pour empêcher et prévenir cette déforestation illégale et les confiscations de terres qui les motivent.
« Les autorités brésiliennes doivent immédiatement mener des enquêtes et poursuivre en justice les responsables de ces incendies catastrophiques, faute de quoi la situation va inévitablement empirer jusqu’à la fin du mandat du président Bolsonaro. »
Le 29 août, le président Bolsonaro a signé un décret suspendant pour une période de 60 jours le défrichage de terrains agricoles par le feu, dans le cadre des mesures prises par le gouvernement pour faire face à cette crise. Cependant, une personne travaillant à l’agence nationale de l’environnement du Brésil a indiqué à Amnistie internationale, à la condition de rester anonyme, qu’elle craint que ce décret n’ait que des effets limités, car la plupart des récents feux de forêt étaient déjà interdits par la législation existante.
Selon des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) et des responsables locaux, ceux qui déclenchent des feux sont souvent des individus qui sont encouragés, par des fermiers et des représentants politiques locaux, à occuper des parcelles de terres situées sur des territoires indigènes et des réserves environnementales.
La transformation de la forêt en pâturages en Amazonie suit souvent le même schéma : des parcelles de terre dans la forêt sont choisies et illégalement confisquées, les arbres sont abattus, le terrain est dégagé et des feux sont allumés (souvent plusieurs fois dans la même zone), ensuite on y fait pousser de l’herbe et on introduit le bétail.
Amnesty a observé le 23 août un incendie en train de ravager le territoire du peuple indigène manoki, dans l’État du Mato Grosso. Les zones incendiées de la forêt ont été clôturées. Des dirigeants manokis ont dit à Amnistie internationale qu’ils pensent que ces incendies sont déclenchés afin de créer des pâturages pour le bétail.
Appel lancé au gouvernement brésilien pour que soient appliquées et financées les mesures de protection existantes
« Le fait d’envoyer l’armée et d’ordonner des interdictions de courte durée ne peut qu’apporter une solution temporaire à un problème beaucoup plus vaste. Le Brésil a non seulement besoin de lutter contre les incendies, mais aussi de faire appliquer sa législation, de renforcer la surveillance et les patrouilles en ce qui concerne la confiscation illégale de terres dans les zones protégées et dans les territoires indigènes, d’enquêter et d’amener les responsables de ces atteintes aux droits humains à rendre des comptes, a déclaré Kumi Naidoo.
Depuis avril 2019, Amnistie internationale s’est rendue dans quatre territoires indigènes différents de l'Amazonie brésilienne : le territoire des Karipuna et celui des Uru-Eu-Wau-Wau dans l’État de Rondônia, celui des Arara dans l’État de Pará, et celui des Manoki dans l’État du Mato Grosso.
Des spécialistes et des membres de peuples indigènes interrogés par Amnistie internationale se sont dits extrêmement préoccupés par le fait que la législation brésilienne n’est pas appliquée en matière de protection des territoires indigènes et des zones protégées sur le plan environnemental. Ils ont aussi dit à Amnistie internationale que les mesures gouvernementales de surveillance et de prévention des confiscations de terres et de la déforestation illégales ont été réduites au cours des derniers mois en raison de restrictions budgétaires.
Dans les quatre territoires indigènes où nous nous sommes rendus, le taux de déforestation est de presque 80 % supérieur à ce qui avait été observé à la même époque en 2018. Dans certains secteurs, les dirigeants de communautés indigènes ont aussi dit avoir reçu des menaces de mort parce qu’ils défendent leurs territoires traditionnels.
Un fonctionnaire de l’agence nationale de l’environnement dans l’État de Rondônia, qui a parlé à Amnistie internationale à la condition rester anonyme, a expliqué : « Si nous disposions de personnel pour mener des inspections, la situation n’aurait pas atteint ce niveau de gravité. »
Un Manoki qui a parlé à Amnistie internationale à la condition de rester anonyme également, nous a dit : « L’IBAMA a cessé de venir. Je ne sais pas pourquoi. Nous avons préparé des rapports, indiquant les coordonnées de sites où ont lieu des activités d’exploitation forestière illégale, que nous avons envoyés à l’IBAMA. Mais maintenant ils ne [viennent] plus. »
La Fondation nationale de l'Indien (la FUNAI) et sa principale agence de protection de l’environnement (l’IBAMA) ont dû faire face à d’importantes coupes budgétaires cette année. Selon des statistiques officielles, les dépenses engagées par la FUNAI cette année jusqu’au 28 août pour la protection des territoires indigènes ont été réduites de 10 % par rapport à celles engagées durant la même période en 2018. Les médias internationaux ont signalé que le budget global de l’IBAMA a diminué de 25%.
« Il s’agit à la fois d’une crise des droits humains et d’une crise environnementale, a déclaré Kumi Naidoo. Le renforcement des capacités des autorités civiles chargées de lutter contre la déforestation et les confiscations illégales de terres représente la seule façon d’y faire face à long terme.
« Le Brésil doit prendre davantage de mesures pour lutter contre la déforestation et les confiscations de terres illégales, dans l’intérêt de la forêt amazonienne, des peuples qui y vivent, et du reste du monde, cette forêt jouant un rôle crucial dans la stabilité climatique de notre planète. »