Pas d'autre choix possible: les Amériques doivent offrir asile et protection
Des millions de personnes à travers les Amériques fuient actuellement des violations des droits humains dans leur pays, à la recherche d’une protection. Les réfugié·e·s sont des personnes qui n’ont pas d’autre choix que de quitter la vie qu’elles connaissent dans l’espoir de se mettre en sécurité. Beaucoup d’entre elles arrivent dans des environnements hostiles, mais retourner dans leur pays pourraient mettre leur vie en danger. Les États d’Amérique doivent protéger les personnes dans le besoin et promouvoir une action régionale cohérente.
En Amérique du Sud, le Venezuela est actuellement le théâtre de violations de masse des droits humains qui ont forcé plus de quatre millions de personnes à quitter le pays. La plupart des États des Amériques ont ouvertement dénoncé cette crise des droits humains et pratiquent dans l’ensemble une politique de la porte ouverte. C’est la Colombie qui a ouvert ses portes au nombre le plus élevé de Vénézuéliens -1,3 millions -, tandis que le Pérou accueille le plus de demandeurs d'asile vénézuéliens dans le monde ; au mois de mars 2019, ils étaient 227 000, sur les plus de 727 000 Vénézuéliens se trouvant au Pérou. Malgré cette situation dramatique et les tollés soulevés au sein de la classe politique, certains États sont revenus sur leur obligation d’accueillir et de protéger les réfugié·e·s vénézuéliens, à laquelle ils sont tenus en vertu du droit international. Le 15 juin 2019, malgré ses obligations en la matière, le Pérou a commencé à exiger que les Vénézuéliens obtiennent un « visa humanitaire » avant de les laisser entrer sur son territoire. Amnistie internationale et d’autres organisations de la société civile ont demandé au Pérou de revenir sur sa décision et de continuer à accueillir des personnes en provenance du Venezuela. Dans les Caraïbes, Trinité-et-Tobago, où se trouvent quelque 40 000 Vénézuéliens, a récemment achevé un processus d’enregistrement d’une durée de deux semaines, qui a permis à des personnes venues du Venezuela de devenir résidentes. Faisant fi des requêtes d’Amnistie internationale en ce sens, et bien que seules 14 000 personnes environ aient eu vent de cette mesure, les autorités ont refusé de repousser le délai fixé pour l’enregistrement, et ont décidé d’appliquer de nouveau la législation nationale en matière d’immigration et établi des restrictions dans le cadre des demandes de visa des personnes originaires du Venezuela. Les risques d’expulsions et de renvois forcés illégaux abandonnent désormais des milliers de Vénézuéliens à leur sort alors qu’ils ont besoin d’une protection internationale.
En Amérique centrale, un an après la répression brutale de manifestations de masse au Nicaragua, quelque 62 000 personnes ont fui dans les pays voisins ; la majorité - environ 55 000 - ont ainsi cherché refuge au Costa Rica. En ouvrant ses portes à des personnes venues du Nicaragua, le gouvernement costaricain a montré l’exemple dans la région en leur offrant la sécurité dont elles sont privées dans leur propre pays. Des difficultés subsistent, notamment en ce qui concerne l’accès à la santé, à l’éducation et au travail, et la communauté internationale doit épauler le Costa Rica dans ses efforts visant à accueillir, protéger et soutenir les personnes fuyant la crise des droits humains au Nicaragua. De même, les personnes quittant le Honduras, le Guatemala et le Salvador n’y ont pas seulement été poussées par la pauvreté et les inégalités, mais dans la plupart des cas, également parce qu’elles craignaient pour leur vie face aux persécutions et à la violence. Depuis 2018, les départs de milliers de personnes originaires d’Amérique centrale, quittant leur pays pour cheminer le nord, se sont mués en fuites collectives, les prétendues « caravanes ». Ces dernières années, le Mexique est lui aussi devenu un pays de destination. En 2017, Amnistie internationale a demandé au gouvernement mexicain de réexaminer ses pratiques migratoires, et de mettre un terme aux expulsions et aux placements de mineurs en détention. Le gouvernement mexicain a malgré cela renforcé la sécurité le long de sa frontière méridionale et conclu l’accord « Rester au Mexique » avec les États-Unis, en vertu duquel les personnes ayant demandé l’asile aux États-Unis sont tenues d’attendre du côté mexicain de la frontière que leur dossier soit examiné. Les pressions constantes des États-Unis sur le Mexique afin que celui-ci empêche les personnes migrantes et réfugiées de franchir la frontière se sont soldées par des arrestations collectives, une surpopulation dans les centres de détention et des expulsions de masse en dehors de toute procédure régulière. Quelque 6 000 membres de la Garde nationale patrouillent désormais la frontière du sud du Mexique.
En Amérique du Nord, Amnistie internationale a montré que les personnes en quête de sécurité et de protection aux États-Unis sont systématiquement privées de leur droit de demander l’asile à la frontière mexicaine, et que des milliers de réfugié·e·s ont été abandonnés au Moyen-Orient en raison du décret « anti-musulmans » du président Trump et d’autres politiques restrictives prenant les réfugié·e·s pour cible. Le gouvernement américain a pris des mesures violant le droit des États-Unis et le droit international, notamment les séparations de familles, les expulsions collectives illégales de demandeurs d'asile vers le Mexique et potentiellement vers le danger, et la détention arbitraire et pour une durée indéterminée de demandeurs d'asile, sans possibilité de libération conditionnelle. Tout cela s’apparente à des mauvais traitements, infligés dans certains cas à des personnes vulnérables, notamment des mineur·e·s et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. Les États-Unis insistent par ailleurs pour que leurs voisins du sud contrôlent les mouvements des réfugié·e·s et des migrant·e·s. Amnistie internationale exhorte le Mexique et le Guatemala à s’abstenir de signer des accords de « pays tiers sûr » avec les États-Unis.
À travers les Amériques, ces exemples montrent que face aux millions de personnes fuyant leur domicile dans l’espoir de trouver une protection internationale, des États manquent à l’obligation qui leur est faite d’accueillir ces personnes en vertu des normes internationales relatives aux droits humains, tournant ainsi le dos à la contribution du continent à des normes avancées et progressives en matière de mobilité humaine, telles que la Déclaration de Cartagena. À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Amnistie internationale demande à l’ensemble des États des Amériques de prendre des mesures dans le but de garantir les droits des réfugié·e·s et des personnes en quête d’asile. Ils doivent trouver des solutions communes à la situation actuelle, et veiller à ce qu’aucune personne ayant besoin d’une protection internationale ne soit abandonnée. Il est par ailleurs crucial que les pays d’accueil bénéficient d’une aide humanitaire et d’une aide au développement.