La « plaisanterie » de Rodrigo Duterte sur les exécutions extrajudiciaires devrait déclencher une enquête de la CPI
En réaction aux propos du président philippin Rodrigo Duterte, qui a déclaré lors d'un discours au palais présidentiel que « [s]on seul péché, ce sont les exécutions extrajudiciaires », propos par la suite qualifiés de « plaisanterie » par son porte-parole, le directeur général des opérations mondiales à Amnistie internationale, Minar Pimple, a déclaré :
« Cet aveu du président lui-même souligne la nécessité de diligenter une enquête internationale sur les milliers d'homicides et autres violations des droits humains commis au nom de la " guerre contre la drogue " que mène le gouvernement, qui a coûté la vie à des milliers de personnes pour la plupart pauvres et marginalisées.
« Les propos de Rodrigo Duterte devraient intéresser la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête sur des plaintes pour crimes contre l'humanité dont il fait l’objet. Des familles de victimes et plusieurs organisations, dont Amnistie internationale, ont recueilli des éléments probants étayant l'appel en faveur d'une enquête internationale. Cette « plaisanterie » est au mieux d'une cruauté grotesque, au pire une accusation accablante de la campagne sanglante de son gouvernement. Le moment n'est plus à la plaisanterie : les homicides doivent cesser.
« Le président doit aussi cesser de diaboliser et menacer les détracteurs du gouvernement et les défenseurs des droits humains, y compris la procureure de la CPI. Cette tactique de diversion n’est que trop familière. Le président Rodrigo Duterte et son gouvernement doivent coopérer avec les investigations internationales de l'ONU et de la CPI en l'absence d'une enquête nationale, indépendante et impartiale sur ces homicides. »
Complément d’information
Le 27 septembre 2018, lors d'un discours prononcé devant des cadres du gouvernement, le président philippin Rodrigo Duterte a déclaré : « Ang kasalanan ko lang, ‘yung mga extrajudicial killing » (« Mon seul péché, ce sont les exécutions extrajudiciaires »). Il a également menacé de « frapper la tête » de la procureure de la CPI.
Son porte-parole Harry Roque a plus tard expliqué que le président ne parlait « pas sérieusement » et « plaisantait », et qu'il voulait en fait dire que les homicides extrajudiciaires sont le seul crime dont son gouvernement est accusé.
D’après les chiffres du gouvernement, le bilan de sa « guerre contre la drogue » s'élève à 4 854 victimes, du 1er juillet 2016 au 31 août 2018. Selon les organisations de défense des droits humains, toutefois, ce nombre pourrait être jusqu’à trois fois plus élevé.
En janvier 2017, Amnistie internationale a publié un rapport relatant que les homicides délibérés, généralisés et systématiques de consommateurs ou trafiquants présumés de drogue, qui semblent être planifiés et organisés par les autorités, pourraient constituer des crimes contre l'humanité. Ce document révélait également que la plupart des personnes tuées étaient issues de zones urbaines pauvres, ce qui fait de la « guerre contre la drogue », en réalité, une guerre contre les pauvres. Enfin, il dévoilait des éléments établissant des liens entre les autorités étatiques et certains individus armés responsables d’homicides liés à la drogue, ainsi que des versements de pots-de-vin à la police pour procéder aux homicides.