• 18 oct 2018
  • Iran
  • Communiqué de presse

Iran. Les autorités essaient de forcer un prisonnier d’opinion gravement malade à interrompre sa grève de la faim

Les autorités iraniennes doivent libérer immédiatement et sans condition Farhad Meysami, un défenseur des droits humains ayant milité en faveur des droits des femmes, et qu’elles ont placé en détention à la clinique de la prison d’Evin, à Téhéran, contre sa volonté, dans le but de le pousser à mettre un terme à sa grève de la faim, a déclaré Amnistie internationale.

Farhad Meysami, qui est médecin, a été arrêté en juillet pour avoir soutenu une campagne contre les lois iraniennes imposant le port du voile (hijab) aux femmes et aux filles. Il observe une grève de la faim depuis le 1er août et son état de santé s’est fortement détérioré. Le 26 septembre, il a été transféré de force de la section 4 de la prison d’Evin à la clinique de celle-ci, où il se trouve actuellement à l’isolement, et où des fluides lui sont administrés par voie intraveineuse contre son gré. Certaines sources ont indiqué à Amnistie internationale qu’il y sera maintenu jusqu’à ce qu’il accepte de mettre un terme à sa grève de la faim.

« Le seul "crime" de Farhad Meysami est de s’être exprimé contre la pratique dégradante et discriminatoire du port obligatoire du hijab en Iran, et d’avoir défendu le droit des femmes de choisir leurs propres vêtements. Cet homme est un prisonnier d’opinion et le fait qu’il soit en détention est tout à fait choquant », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Au lieu de le placer à l’isolement dans une clinique en guise de sanction, et de le forcer à mettre un terme à sa grève de la faim, les autorités devraient cesser de jouer avec sa santé d’une manière aussi sinistre, et le libérer immédiatement et sans condition. »

Depuis le début de son jeûne, Farhad Meysami a perdu environ 18 kg et serait très faible. En faisant pression sur lui pour qu’il mette un terme à sa grève de la faim, les autorités iraniennes enfreignent son droit à la liberté d’expression. Les prisonniers ont le droit de recevoir des soins adaptés qui respectent l’éthique médicale, et notament le droit de donner leur consentement éclairé aux soins envisagés.

Farhad Meysami a entamé sa grève de la faim dans le but de protester contre son placement illégal en détention.  Il a été arrêté à son domicile à Téhéran le 31 juillet. Des badges affichant le message « Je suis contre le hijab obligatoire » ont été trouvés en sa possession par les forces de sécurité. Il a été accusé de « diffusion de propagande contre le régime » et de « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale ». Il a également été inculpé d’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam » car, selon les autorités, il a « insulté » le voile islamique.

Dans le cadre de sa grève de la faim, il demande par ailleurs désormais la libération sans condition de Nasrin Sotoudeh et de Reza Khandan, deux défenseurs des droits humains qui ont été arrêtés en juin et septembre 2018, respectivement, en raison de leur travail en faveur des libertés fondamentales. Nasrin Sotoudeh, avocate défenseure des droits humains, a été arrêtée pour avoir représenté dans le cadre de son travail des femmes poursuivies pour avoir protesté de manière pacifique contre le port forcé du hijab. Reza Khandan a été incarcéré pour son soutien à la campagne contre le voile obligatoire et pour avoir milité de manière pacifique en faveur de Nasrin Sotoudeh, qui est son épouse, après l’arrestation de celle-ci.

« Farhad Meysami est dans un état très vulnérable que les autorités carcérales exploitent avec cruauté. Si les autorités iraniennes se souciaient réellement de sa santé, elles mettraient fin à cette épreuve en le libérant et en abandonnant les charges sans fondement retenues contre lui », a déclaré Philip Luther.

Cette année à travers l’Iran, des femmes ont courageusement milité contre le port obligatoire du hijab en retirant leur voile en public. Leur campagne s’est heurtée à la violence des autorités, et des dizaines de femmes ont été frappées, arrêtées, incarcérées et poursuivies pour leurs actions de protestation pacifique. Des hommes se sont joints à cette contestation non violente contre le port obligatoire du voile.

« Les arrestations, incarcérations et poursuites arbitraires ayant visé des femmes et des hommes militant pacifiquement contre la pratique dégradante et discriminatoire du port forcé du hijab sont des atteintes flagrantes au droit à la liberté d’expression et doivent cesser. Au lieu de placer en détention les personnes s’élevant contre cette pratique abusive, les autorités iraniennes doivent abroger les lois qui l’imposent », a déclaré Philip Luther.

La police et les forces paramilitaires harcèlent et incarcèrent systématiquement les femmes qui laissent dépasser une mèche de cheveux de leur foulard, ou portent un maquillage voyant ou des vêtements moulants. Amnesty International a demandé à de nombreuses reprises aux autorités iraniennes de mettre fin à la persécution visant les femmes qui s’expriment contre l’obligation de porter le voile, et d’abolir cette pratique abusive.

Cette pratique porte atteinte aux droits des femmes en Iran depuis des décennies, notamment à leur droit de ne pas être soumises à la discrimination, aux droit à la liberté de pensée, de religion, et d’expression, et au droit à la protection contre les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que contre la torture et toute autre forme de traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant.