Les autorités mettent délibérément en péril la santé d'un militant incarcéré atteint d'un cancer
En le privant délibérément des soins spécialisés dont il a, selon des professionnels de santé, désespérément besoin, les autorités iraniennes torturent Arash Sadeghi, défenseur des droits humains incarcéré atteint d'un cancer, a révélé Amnistie internationale le 26 septembre 2018.
Arash Sadeghi, qu'Amnistie internationale considère comme un prisonnier d'opinion, a été condamné à 19 ans de prison en 2016 uniquement en raison de son travail pacifique en faveur des droits humains. On lui a diagnostiqué une tumeur osseuse cancéreuse au mois d’août dernier. Cependant, les autorités de la prison de Rajai Shahr, dans la ville de Karaj, au nord-ouest de Téhéran, ont depuis lors entravé à maintes reprises son accès à des soins médicaux potentiellement vitaux.
« Les autorités iraniennes traitent Arash Sadeghi d’une manière très cruelle ; en termes juridiques, il s'agit d'un acte de torture. À chaque étape, les autorités carcérales, le bureau du procureur et les gardiens de la révolution font tout leur possible pour entraver et limiter l'accès aux soins essentiels dont il a besoin pour soigner son cancer potentiellement mortel, a déclaré Philip Luther, directeur de la recherche et du plaidoyer pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Les autorités privent délibérément ce courageux défenseur des droits humains de soins médicaux, ce qui aggrave ses douleurs, et ne tiennent pas compte de l’avis des médecins. Elles augmentent sa souffrance dans le but d'ajouter à sa condamnation déjà profondément inique. »
Elles privent régulièrement cet homme âgé de 31 ans de soins médicaux vitaux depuis qu'il a entamé une grève de la faim fin 2016 pour protester contre l'incarcération de son épouse Golrokh Ebrahimi Iraee, elle aussi défenseure des droits humains.
Le 8 septembre, l'hôpital Imam Khomeini, à Téhéran, a contacté à plusieurs reprises les autorités carcérales pour organiser le transfert d'Arash Sadeghi en vue d’une intervention chirurgicale prévue la semaine suivante. Toutefois, le personnel hospitalier a été informé que le bureau du procureur n'avait pas délivré l'autorisation requise pour qu'il soit conduit à l'hôpital.
Les médecins souhaitaient qu’Arash Sadeghi soit transféré à l'hôpital au moins trois jours avant la date de son opération, afin de le suivre et de le préparer pour cette intervention importante. Toutefois, les autorités carcérales ont choisi de le transférer dans la soirée du 11 septembre, ce qui n’a pas permis de l’opérer à la date prévue. Elles n’ont pas tenu compte de l’avis des médecins, qui avaient averti que tout retard mettrait sa vie en danger.
L'opération s'est déroulée le 12 septembre et a duré plus de sept heures.
« Après cette lourde opération, Arash Sadeghi devait passer au moins une heure en salle de réveil. Aussi incroyable que cela puisse paraître, des membres des forces de sécurité sont venus le chercher prématurément et ont menotté sa main gauche et sa jambe gauche alors qu'il ne s’était pas encore réveillé. Ils ont ensuite bloqué la zone autour de son lit d'hôpital, empêchant l'équipe médicale d’effectuer les contrôles post-opératoires de routine, et ont ignoré les protestations du personnel soignant, a déclaré Philip Luther.
« Mettre en danger la vie d'un patient en retardant une opération et en faisant obstacle à des contrôles médicaux est totalement inacceptable de la part des autorités. Hélas, ce n'est qu'un des nombreux cas dans lesquels des soins vitaux sont délibérément refusés à des prisonniers. »
Le 15 septembre, Arash Sadeghi a été reconduit à la prison de Rajai Shahr. Or, les médecins avaient très explicitement recommandé qu'il passe au moins 25 jours à l'hôpital à la suite de l'opération, afin qu'il soit suivi par des spécialistes. Ils avaient précisé que cette période de convalescence post-opératoire leur était nécessaire pour évaluer si Arash Sadeghi avait besoin de chimiothérapie, de radiothérapie ou d'une autre opération.
Le 22 septembre, Arash Sadeghi avait un rendez-vous en matinée avec son cancérologue, qui avait précisé qu'il n'était disponible que le matin. Pourtant, les gardiens l’ont transféré dans l'après-midi, et le chirurgien était déjà parti.
Arash Sadeghi a été ausculté par un généraliste qui a diagnostiqué une grave infection de sa plaie chirurgicale. Il a estimé que le patient aurait eu beaucoup moins de risques d’avoir une infection s’il avait été hospitalisé à la suite de son opération, conformément à l’avis des spécialistes.
« Il ne fait aucun doute que les autorités iraniennes mettent délibérément en péril la santé et la vie d'Arash Sadeghi. Conséquence de leur conduite déplorable, son bras droit est selon toute apparence atteint d'une grave infection », a déclaré Philip Luther.
Arash Sadeghi attend les résultats de tests réalisés sur des échantillons prélevés sur des zones potentiellement cancéreuses, afin de déterminer si le cancer s'est propagé. Cela pourrait prendre encore deux semaines et permettra de définir son prochain traitement, peut-être une nouvelle opération.
« Les autorités iraniennes doivent libérer Arash Sadeghi immédiatement et sans condition. Dans l'attente de sa libération, elles doivent respecter et protéger son droit à la vie et son droit de ne pas être soumis à la torture en lui prodiguant les meilleurs soins médicaux à leur disposition, tout en suivant à la lettre les instructions de l'équipe médicale qui le soigne. Enfin, le comportement scandaleux des autorités dans cette affaire doit faire l'objet d'une enquête indépendante », a déclaré Philip Luther.
Complément d’information
Arash Sadeghi est emprisonné depuis juin 2016 et purge deux peines distinctes, représentant au total 19 ans de prison. Il est ainsi sanctionné uniquement pour son action pacifique en faveur des droits humains, en particulier pour avoir été en relation avec Amnistie internationale et lui avoir fourni des informations sur la situation des droits humains en Iran. Le jugement du tribunal a cité plus de 50 activités pacifiques de défense des droits humains à titre de « preuves » de son implication dans des « actions contre la sécurité nationale », la plupart de ces activités étant liées à la diffusion d’informations sur des atteintes aux droits humains.
Son procès devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, dans le cadre duquel sa femme, Golrokh Ebrahimi Iraee, était également poursuivie, fut d’une iniquité flagrante. Il s’est tenu en deux audiences de moins de 15 minutes chacune en mai et juin 2015, aucun des accusés n'étant assisté d'un avocat.
L’état de santé d’Arash Sadeghi s’est détérioré depuis qu’il a observé une grève de la faim pendant 71 jours en octobre 2016.