Une militante est arrêtée pour avoir posté une vidéo sur Facebook dénonçant le harcèlement sexuel
L’arrestation d’une militante égyptienne dont le seul tort est d’avoir mis en ligne sur Facebook une vidéo, dans laquelle elle parlait des actes de harcèlement sexuel dont elle avait elle-même été victime, constitue un stade de plus dans la répression de la liberté d'expression exercée en Égypte, a déclaré vendredi 11 mai Amnistie internationale.
Amal Fathy a été arrêtée le 11 mai, vers deux heures trente du matin, en compagnie de son mari, Mohamed Lotfy, ancien chercheur chez Amnistie internationale et actuel directeur de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés. Des policiers ont fait irruption au domicile cairote du couple. Ils ont été conduits, ainsi que leur enfant âgé de trois ans, au commissariat voisin.
« Amal Fathy a reproché au gouvernement égyptien de ne pas protéger les femmes. Son arrestation montre bien qu’elle ne se trompait pas », a déclaré Najia Bounaim, directrice Campagnes pour l'Afrique du Nord à Amnistie internationale. « C’est un jour sombre pour l’Égypte, quand on voit que les autorités préfèrent faire taire une femme qui dénonce le harcèlement sexuel, plutôt que de prendre des mesures pour lutter contre le problème. »
« Le traitement infligé à Amal Fathy montre à quel point l’Égypte a besoin de militantes courageuses comme elle pour plaider la cause des droits des femmes. Nous demandons aux autorités de libérer immédiatement et sans condition Amal Fathy. Son placement en détention pour avoir exprimé pacifiquement ses opinons constitue un affront à la liberté d'expression, pourtant garantie par la Constitution égyptienne. »
Amal Fathy avait mis en ligne le 9 mai sur son compte Facebook une vidéo, dans laquelle elle parlait de la fréquence des actes de harcèlement sexuel en Égypte et reprochait au gouvernement de ne pas protéger les femmes. Elle accusait également le pouvoir d’être responsable d’une dégradation de la situation en matière de droits humains, de la conjoncture socioéconomique et des services publics. Amnistie internationale a visionné cette vidéo, d’une durée de 12 minutes, et a pu constater qu’elle ne contenait aucune incitation à la violence et qu’elle relevait par conséquent de l’exercice de la liberté d'expression.
Dès le lendemain, la presse d’État et favorable au gouvernement a publié des articles parlant de cette vidéo, indiquant qu’Amal Fathy était une militante du mouvement du 6 avril, l’épouse de Mohamed Lotfy, et l’accusant d’avoir insulté l’Égypte et les institutions égyptiennes. La jeune femme fait l’objet depuis hier d’une vague de harcèlement et de menaces sur les réseaux sociaux. Elle est notamment la cible d’injures sexistes et d’appels aux autorités pour qu’elle soit maintenue en détention.
Amal Fathy et Mohamed Lotfy ont été conduits au commissariat de Maadi, dans le sud du Caire. Au bout de trois heures environ, la police a annoncé à Mohamed Lotfy qu’il était libre de partir avec son enfant, mais qu’Amal Fathy devait rester, en attendant que le procureur ait examiné son cas. Cela n’a pas été fait pour l’instant et la jeune femme est toujours détenue au commissariat de Maadi.
Complément d’information
Amal Fathy milite essentiellement pour la démocratisation de l’Égypte. Elle n’hésite pas à dénoncer haut et fort les violations des droits humains dans son pays, en particulier les placements en détention arbitraire de militants.
Ancien chercheur d’Amnistie internationale, Mohamed Lotfy est directeur exécutif de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés. Les membres du personnel de cette ONG sont fréquemment la cible d’actes de harcèlement de la part des pouvoirs publics, et ce depuis sa création en 2014. En juin 2015, Mohamed Lotfy s’est vu interdire l’accès à un vol vers l’Allemagne et son passeport lui a été confisqué, sans qu’aucune raison claire ne lui soit fournie. Il n’a pas pu obtenir d’autre passeport pendant deux ans.