Deux hommes, victimes de torture et condamnés par un tribunal militaire, risquent d'être exécutés à tout moment
Le 26 mars, une cour d'appel militaire a confirmé la condamnation à mort de deux hommes, Ahmed Amin Ghazali et Abdul Basir Abdul Rauf, à l'issue d'un procès manifestement inique fondé sur des « aveux » extorqués sous la torture durant leur disparition forcée, a déclaré Amnestie internationale le 27 mars. Ils risquent d'être exécutés de manière imminente, sauf si le président Abdelfatah al Sissi intervient dans les 14 prochains jours.
« Depuis deux ans, nous assistons à une montée en flèche du nombre d'exécutions en Égypte, notamment au terme de procès militaires de triste réputation. Ces deux hommes risquent d'être mis à mort dans les semaines qui viennent et le président Abdelfatah al Sissi doit ordonner l'annulation de ces exécutions, a déclaré Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l'Afrique du Nord à Amnestie internationale.
« Ces cinq dernières années, sous l'administration du président al Sissi, les tribunaux égyptiens ont prononcé 1 400 peines capitales à l'issue de procès iniques, en se fondant souvent sur des " aveux " obtenus sous la torture et sur des enquêtes de police biaisées. Ces cas illustrent à quel point les autorités méprisent les droits fondamentaux des Égyptiens. »
La Cour de Cassation militaire au Caire a statué sur les recours formés par six hommes – Ahmed Amin Ghazali Amin, Abdul Basir Abdul Rauf, Mohamed Fawzi Abd al Gawad Mahmoud, Reda Motamad Fahmy Abd al Monem, Ahmed Mustafa Ahmed Mohamed et Mahmoud al Sharif Mahmoud – qui avaient fait appel de leur condamnation à mort par un tribunal de première instance. Le 26 mars, la cour a fait droit aux recours formés par quatre d'entre eux : Mohamed Fawzi Abd al Gawad Mahmoud, Reda Motamad Fahmy Abd al Monem, Ahmed Mustafa Ahmed Mohamed et Mahmoud al Sharif Mahmoud. Ils seront rejugés devant un autre tribunal militaire. La cour a rejeté l’appel interjeté par les deux autres, Ahmed Amin Ghazali Amin et Abdul Basir Abdul Rauf.
Les six hommes avaient été arrêtés par les forces de sécurité égyptiennes entre le 28 mai et le 7 juin 2015 et soumis à une disparition forcée pendant plus de six semaines. Leurs familles ont déclaré à Amnestie internationale que durant cette période, elles se sont renseignées auprès des postes de police, des prisons et des services du parquet pour savoir ce qu'il était advenu de leurs proches. Les autorités ont toutefois nié qu'ils se trouvaient en détention ou ignoré leurs demandes. Les familles n’ont découvert ce qui leur était arrivé que le 10 juillet 2015, lorsqu’elles ont vu à la télévision une vidéo du ministère de la Défense annonçant l’arrestation de « la cellule terroriste la plus dangereuse » d’Égypte. On y voyait les accusés « avouer » appartenir à des groupes interdits et avoir attaqué des institutions militaires.
Le 29 mai 2016, un tribunal militaire avait déclaré coupables les six accusés, ainsi que 20 coaccusés, d'« appartenance à une organisation interdite », de « possession d'armes à feu et d'explosifs » et d’« obtention sans autorisation d’informations militaires classées secrètes ». Sur les 26 accusés, deux ont été acquittés, huit condamnés à mort, dont deux par contumace, et les autres ont été condamnés à des peines de prison allant de 15 à 25 ans.
« Nous demandons aux autorités égyptiennes d'annuler les condamnations à mort prononcées contre ces hommes et de les rejuger devant un tribunal civil, dans le cadre d'une procédure conforme aux normes internationales d'équité, notamment en veillant à ce qu'ils puissent consulter l'avocat de leur choix et à ce qu'ils soient protégés contre la torture et les mauvais traitements », a déclaré Najia Bounaim.
Complément d’information
En 2017, au moins 384 civils ont été poursuivis devant des tribunaux militaires en Égypte. Juger des civils devant ce type d’instances est par nature inique, car tous les membres des tribunaux militaires, des juges aux procureurs, sont des militaires en service actif, qui travaillent sous l’autorité du ministère de la Défense et n’ont pas la formation requise concernant l’état de droit et les normes d’équité des procès.
Amnestie internationale a constaté que dans certains cas, les hommes accusés dans le cadre d’affaires de terrorisme, d'incitation à la violence et de « violence politique » n’avaient pas pu commettre l’infraction dont ils étaient accusés, puisqu’ils se trouvaient en garde à vue au moment des faits.
Amnestie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur et la méthode d’exécution utilisée par l’État. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.