• 23 mai 2025
  • Tanzanie
  • Communiqué de presse

Tanzanie. Il faut enquêter de toute urgence sur la torture et l’expulsion forcée de deux militant·e·s originaires du Kenya et de l’Ouganda

Les autorités tanzaniennes doivent enquêter sur l’arrestation arbitraire, les actes de torture, la détention au secret et l’expulsion forcée infligés à Agather Atuhaire et Boniface Mwangi, deux défenseur·e·s des droits humains, a déclaré Amnistie internationale vendredi 23 mai.

Agather Atuhaire, originaire d’Ouganda, et Boniface Mwangi, de nationalité kenyane, sont arrivés en Tanzanie le 18 mai dans le cadre d’une délégation chargée d’observer le procès de Tundu Lissu, membre de l’opposition politique placé en détention. Après avoir été arrêtés par des agents des services de l’immigration et des policiers à l’hôtel Serena de Dar es Salaam le 19 mai, les deux militant·e·s ont été conduits dans un lieu inconnu, où ils ont été placés en détention au secret et auraient été roués de coups, torturés et déshabillés par des personnes appartenant semble-t-il à l’armée tanzanienne.

« Pendant quatre jours, ces deux défenseur·e·s des droits humains ont été soumis à une cruauté inimaginable. Ce qu’ils ont vécu illustre les dangers auxquels sont confrontés les défenseur·e·s des droits humains en Tanzanie, et il faut que les responsables rendent des comptes et que justice soit faite. Amnistie internationale demande que des enquêtes dignes de ce nom soient ouvertes immédiatement », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.

Amnistie internationale est préoccupée par des remarques faites par la présidente Samia Suluhu Hassan à la suite de l’arrestation de ces deux personnes, dans lesquelles elle préconisait une répression contre les défenseur·e·s des droits humains entrant en Tanzanie, les qualifiant d’« agents étrangers ». De telles déclarations fournissent aux autorités nationales un prétexte illégal et fallacieux pour imposer des restrictions qui bafouent les obligations internationales en matière de droits humains.

« L’observation des procès est essentielle à la transparence des procédures judiciaires et aux garanties de procès équitables, et ne constitue pas une menace pour la sécurité. Les remarques de la présidente Suluhu et les mesures prises par les autorités tanzaniennes envoient un message dissuasif visant à étouffer encore davantage la liberté d’expression et d’association », a déclaré Tigere Chagutah.

Amnistie internationale a signalé l’intensification de la répression brutale menée contre l’opposition pacifique ces dernières années, alors que se profilent les élections présidentielle et législatives prévues pour octobre 2025.

La libération et l’expulsion d’Agather Atuhire et de Boniface Mwangi ont fait suite à des pressions exercées par le Kenya et l’Ouganda, des organisations de la société civile et l’intervention des ministères des Affaires étrangères des deux pays.

Boniface Mwangi a été retrouvé abandonné à un poste frontière entre le Kenya et la Tanzanie le 22 mai, tandis qu’Agather Athuire a été laissée à la frontière entre le Kenya et l’Ouganda le 23 mai. Ils ont tous deux été conduits séparément sur ces lieux et abandonnés. Ils semblaient avoir été sauvagement battus.

« Les autorités tanzaniennes doivent garantir et respecter les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et mettre fin à la répression contre les défenseur·e·s des droits humains et les organisations non gouvernementales. Elles doivent reconnaître publiquement le rôle essentiel joué par la société civile, les défenseur·e·s des droits humains et les médias indépendants dans la protection des droits fondamentaux et l’obligation de rendre des comptes », a déclaré Tigere Chagutah.

 Contexte

Tundu Lissu est accusé de trahison, infraction passible de la peine de mort et excluant toute possibilité de libération sous caution, ainsi que de deux autres infractions en vertu des lois sur la cybercriminalité du pays, pour des messages sur les réseaux sociaux appelant les Tanzanien·ne·s à boycotter les prochaines élections, invoquant la possibilité d’une fraude.

Tundu Lissu avait déjà refusé de se présenter à l’audience du 24 avril, après que l’État a décidé, le matin même, de remplacer l’audience en personne par une audience en ligne. Ce jour-là, la police tanzanienne a roué de coups plus de 50 sympathisant·e·s de Tundu Lissu qui tentaient d’accéder au tribunal. Vingt-trois d’entre eux ont été soumis à une arrestation arbitraire et frappés par la police, qui les a ensuite abandonnés dans une forêt à Bagamoyo, dans le nord de la Tanzanie. Ils présentaient des lacérations et des hématomes sur diverses parties du corps, notamment la tête, les mains, les jambes, le dos et les épaules. Une femme et un homme ont déclaré à Amnistie internationale avoir été agressés sexuellement par des policiers.

Le 2 mai, des hommes armés, qui se sont présentés comme des policiers, ont passé à tabac et arrêté Mdude Nyagali, militant politique et défenseur des droits humains, à son domicile dans la ville de Mbeya, dans le sud de la Tanzanie. Selon des témoins oculaires, ces hommes n’ont pas présenté de mandat d’arrêt et n’ont donné aucune justification pour cette arrestation. On est sans nouvelle de Mdude Nyagali, qui manque à l’appel depuis cet épisode. L’État a nié l’avoir placé en détention.