Singapour/Malaisie. Il faut stopper l’exécution imminente de Pannir Selvam Pranthaman
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Amnistie internationale Malaisie s’inquiète vivement de l'exécution programmée du Malaisien Pannir Selvam Pranthaman, à Singapour, le jeudi 20 février.
Les violations des protections des droits humains constatées dans cette affaire rendent son exécution arbitraire et illégale au regard du droit international et des normes associées. Nous nous joignons à sa famille et à de nombreuses personnes pour demander instamment aux autorités de Singapour de mettre fin à tout projet d'exécution et au gouvernement de Malaisie de faire tout son possible pour intervenir et contribuer à sauver la vie de Pannir Selvam Pranthaman.
Chiara Sangiorgio, spécialiste de la peine de mort à Amnistie internationale, a déclaré : « Le rythme inquiétant des exécutions à Singapour depuis le mois d’octobre témoigne de la détermination du gouvernement à poursuivre les pendaisons. Cela vaut pour des infractions telles que le transport de stupéfiants dans le cas de Pannir, qui ne doivent pas être sanctionnées par la peine de mort en vertu des restrictions internationales relatives à l'application de ce châtiment. Nous condamnons cette pratique, qui inscrit Singapour parmi les rares pays dont on sait qu’ils ont procédé à des exécutions pour des infractions liées aux stupéfiants ces dernières années.
« Nous demandons au gouvernement de Singapour de cesser sur-le-champ de recourir illégalement à la peine de mort et d'instaurer sans délai un moratoire sur toutes les exécutions, premier pas décisif vers l'abolition.
« En outre, nous prions la communauté internationale d’exercer une forte pression sur le gouvernement de Singapour en vue d’empêcher une nouvelle exécution illégale. Il est encore temps de changer de cap et d'éviter cette exécution cruelle et insensée. »
Pannir Selvam Pranthaman a été reconnu coupable en 2017 d'avoir importé à Singapour 51,84 g de diamorphine (héroïne) et a été condamné de manière automatique à la peine de mort. Le juge a conclu que Pannir avait servi de « mule », impliqué uniquement dans le transport des substances illicites. Alors qu'il est sous le coup d'une condamnation à mort à Singapour, Pannir Selvam Pranthaman fait preuve d'une grande résilience et a canalisé son énergie dans la créativité, en écrivant des chansons et des poèmes sincères qui parlent de l'angoisse, de l'espoir et des prières des condamnés à mort, dont beaucoup ont été partagés avec le public par l'intermédiaire de l'ONG Sebaran Kasih, fondée par sa sœur, Angelia Pranthaman.
Un recours à la peine de mort illégal et arbitraire au regard du droit international et des normes associées
Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort sans condition et dans tous les cas, mais est particulièrement préoccupée par les violations des garanties relatives aux droits humains qui émaillent le cas de Pannir et rendraient son exécution arbitraire et illégale au regard du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales en la matière. Il a été condamné à mort pour des infractions liées aux stupéfiants, qui n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » auxquels l’application de la peine capitale doit être limitée en vertu du droit international relatif aux droits humains. En outre, la peine de mort a été imposée de manière automatique, ce qui va à l’encontre du droit international et des normes afférentes, puisque le juge n'a pas pu prendre en compte les circonstances de l'infraction ni les antécédents de l'intéressé.
Du fait d'une caractéristique unique du système singapourien, Pannir Selvam Pranthaman a été considéré comme un « coursier ». Or, l'accusation ne lui ayant pas fourni de certificat d'assistance substantielle, le juge n'a eu d'autre choix que de prononcer la peine obligatoire de pendaison. Cette procédure viole le droit à un procès équitable, car elle place la décision de vie ou de mort entre les mains de l'accusation – qui n'est pas une partie neutre au procès et ne devrait pas avoir de tels pouvoirs – et brise la séparation nette qui doit exister entre l'accusation et le tribunal.
Par ailleurs, la condamnation a été prononcée sur la base d'une présomption légale de connaissance des drogues en vertu de la Loi singapourienne relative à l'usage illicite de stupéfiants. Lorsque ces présomptions légales sont invoquées, la charge de la preuve revient à l’accusé, qui doit alors la réfuter en appliquant la norme juridique la plus stricte selon la « prépondérance des probabilités ». Les présomptions de culpabilité bafouent le droit à la présomption d’innocence, une norme impérative du droit international coutumier, et sapent les garanties d’équité des procès au titre du droit international relatif aux droits humains, qui disposent que la charge de la preuve incombe à l'accusation.
La Malaisie doit intervenir pour stopper l’exécution
Alors que nous sommes réunis au Parlement aujourd'hui pour mettre en lumière le cas de Pannir Selvam Pranthaman, nous réfléchissons aux nombreuses lacunes et au caractère arbitraire de la peine de mort, ainsi qu'au fardeau disproportionné qu'elle fait peser sur les personnes issues de milieux défavorisés. Ces arguments font écho à ceux qui ont dominé les débats sur l'abrogation de la peine de mort obligatoire dans ce même bâtiment il y a tout juste deux ans et ont déclenché une procédure qui a fait évoluer l'application de la peine de mort dans notre pays. Nous devons poursuivre sur cette lancée et plaider contre l'application de ce châtiment cruel partout – la peine de mort ne rend pas le monde plus sûr.
En tant que président en exercice de l'ANASE et pays voisin entretenant des liens étroits avec Singapour, le gouvernement malaisien doit intervenir sans attendre en faveur de Pannir Selvam Pranthaman. À un peu plus de deux jours de la date fixée, il ne doit ménager aucun effort pour empêcher cette exécution illégale et arbitraire – une première étape cruciale.
Amnistie internationale a recueilli des appels dans le monde entier en faveur de Pannir Selvam. Au cours des quatre derniers mois, Amnistie internationale Malaisie a recueilli plus de 1 000 signatures auprès de la société civile et de la population, demandant au gouvernement malaisien d'intervenir d’urgence pour obtenir la commutation de sa condamnation à mort.
Les exécutions se poursuivent
Entre le 1er octobre 2024 et le 7 février 2025, les autorités de Singapour ont procédé à neuf exécutions, dont huit personnes condamnées pour trafic de stupéfiants. Singapour est l'un des cinq pays où Amnistie internationale a confirmé des exécutions liées au trafic de stupéfiants en 2023.
À ce jour, 113 pays ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions et 144 sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Amnistie internationale demande une nouvelle fois aux autorités singapouriennes de renoncer à exécuter Pannir Selvam Pranthaman et d’instaurer un moratoire sur toutes les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition totale de la peine capitale.