• 18 Mar 2025
  • République démocratique du Congo
  • Communiqué de presse

RDC. Les violations endémiques des droits humains imputables au groupe armé M23 appellent une action internationale concertée

Depuis qu'il s'est emparé de la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), en janvier, le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda a effectué des descentes dans des hôpitaux, enlevé des patient·e·s dans leurs lits, dont des civil·e·s et des soldats congolais hospitalisés, et les a soumis à des actes de torture, a déclaré Amnistie internationale le 18 mars 2025.

Amnistie internationale a également recueilli des informations sur des cas de viols collectifs commis par le M23, ainsi que sur des mauvais traitements infligés à des défenseur·e·s des droits humains après la prise par le M23 de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, le 27 janvier, et de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, le 16 février. Elle engage la Communauté d’Afrique de l'Est, la Communauté de développement de l’Afrique australe, l'Union européenne et d'autres acteurs internationaux à redoubler la pression sur toutes les parties au conflit afin qu'elles protègent les populations civiles et traitent les personnes détenues avec humanité, conformément au droit international humanitaire.

« Depuis qu'il a pris le contrôle de Goma, le M23 a installé un climat de peur et de représailles brutales au sein de la population locale. L'ampleur et la fréquence alarmantes des exactions commises dans l'est de la RDC devraient choquer le monde entier. Ces violences sont favorisées par des décennies d'impunité pour de graves exactions et violations des droits humains », a déclaré Tigere Chagutah, directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnistie internationale.

Amnistie internationale a interrogé 25 victimes, témoins oculaires, militant·e·s de la société civile, défenseur·e·s des droits humains et journalistes qui se trouvent en République démocratique du Congo ou en exil.

Des enlèvements dans les hôpitaux

Dans la nuit du 28 février et dans la matinée du 3 mars, des combattants armés du M23 ont fait irruption dans les hôpitaux Heal Africa et CBCA Ndosho à Goma, où ils ont enlevé plus de 130 personnes. Parmi elles se trouvaient des soldats de l'armée congolaise, dont certains avaient été blessés, ainsi que des soignants. Tous ont été emmenés dans un stade de la ville, où certains ont été torturés. Les combattants du M23 les ont parfois forcés à s'allonger sur le sol, les ont fouettés et ont tenté de les forcer à rejoindre les rangs du M23. Certains civil·e·s ont été libérés, mais beaucoup sont toujours portés disparus.

« [Au stade], le M23 a demandé aux civil·e·s de rester ensemble, a raconté une personne enlevée lors d’un raid dans un hôpital. Ils nous ont fouettés. Ils nous ont contraints à nous allonger et nous ont frappés sur les fesses et les mains. Ils disaient : " Si tu es un soldat, avoue-le ". »

Sultani Makenga, le chef militaire du M23, a récemment déclaré dans une interview que les membres de l'armée congolaise présents dans les hôpitaux se faisaient passer pour des patients ou des soignants. Il a ajouté que le M23 avait trouvé 14 armes dans des hôpitaux et que le personnel hospitalier les avait alertés de la situation. Il a conclu que le M23 avait arrêté ceux qui ne faisaient pas partie de l'hôpital.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les personnes blessées et malades doivent être respectées et protégées. Les civil·e·s ne doivent pas être pris pour cibles. La torture, les traitements inhumains et la prise d'otages imputables au M23, s'ils visent des civils ou des militaires blessés, peuvent constituer des crimes de guerre.

« Tous les patients et les soignants, y compris les soldats ayant besoin de soins médicaux, doivent être libérés sur-le-champ et renvoyés dans les hôpitaux afin qu'ils puissent recevoir des soins », a déclaré Tigere Chagutah.

Des centaines de cadavres retrouvés dans la province du Sud-Kivu

Amnistie internationale a reçu des témoignages directs et de nombreuses photos de cadavres retrouvés fréquemment dans des quartiers de Bukavu, une ville qui compte plus d'un million d'habitant·e·s. Du 17 février au 13 mars 2025, la Croix-Rouge congolaise a récupéré 43 cadavres à Bukavu, dont 29 civils. Au cours de la même période, à travers la province du Sud-Kivu, la Croix-Rouge congolaise a ramassé 406 corps, dont 110 civils.

Des défenseur·e·s des droits humains, journalistes et militant·e·s de la société civile pris pour cibles

Amnistie internationale a appris que des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des militant·e·s de la société civile ont été arrêtés par le M23 au cours des dernières semaines. Ils ont été détenus dans des centres de fortune ou officiels, parfois torturés et menacés. Des dizaines de militant·e·s sont entrés dans la clandestinité ou ont fui la RDC pour se mettre à l'abri. 

Pourtant, même à l'extérieur du pays, les menaces continuent. Un défenseur des droits, qui recense les violations commises par le M23 depuis 2023, a raconté qu'il avait reçu un texto disant : « Si on te trouve, tu vas avoir des problèmes. Reste où tu es. »

Selon le témoignage d’un autre défenseur des droits humains, lorsqu’un responsable du groupe armé l’a reconnu, il a été arrêté arbitrairement et fouetté par des membres du M23. Il a été brièvement détenu pour avoir dénoncé les violations commises par le M23 avant la prise de Goma. 

Les personnes privées de liberté, y compris les civils et les membres de l'armée ou du M23, sont protégées en vertu du droit international humanitaire. Le M23 doit traiter avec humanité toutes les personnes qu'il détient. Les actes de torture ou les traitements inhumains peuvent constituer des crimes de guerre.

Des niveaux alarmants de violences sexuelles

Des organisations humanitaires ont signalé une hausse très inquiétante du nombre de cas de viols et de violences sexuelles dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Des victimes ont raconté à Amnistie internationale qu'elles ont été violées par des combattants du M23 et menacées de mort.

Une femme a livré son témoignage, expliquant que les combattants du M23 la soupçonnaient d'être une espionne. Cinq combattants, portant des uniformes militaires et équipés d’armes, l'ont violée collectivement. Dans un autre cas, deux hommes en uniforme militaire congolais ont violé une femme enceinte et enlevé son mari.

« Le M23 et l'armée congolaise, qui sont tenus de respecter le droit international humanitaire, doivent répondre de ces viols. Le monde ne doit pas fermer les yeux sur les crimes qui sont perpétrés dans l'est de la RDC », a déclaré Tigere Chagutah.